Marc Bouchet continue d’explorer la série 11 F 54 des AD79, riche en anecdotes. Aujourd’hui, c’est une histoire qui semble extraite d’un vieux film de « Don Camillo », hors l’accent du Sud. Cela se passe en 1809 et oppose un maire et un curé, un siècle avant les lois séparant l’Église et l’État. C’est le point de vue du maire, représentant de l’État, que Marc a retrouvé et qu’il nous raconte ci-dessous.
Le 17 août 1809, Pierre-Jacques Benoît, maire de Clessé demeurant au Plessis, écrit un rapport concernant l’agression qu’il a subi de la part du curé de la paroisse. En soi, l’agression est banale, mais l’intérêt du rapport réside dans la façon dont la victime raconte les événements. Il m’a fallu retranscrire les propos, souvent obscurs du maire de Clessé, en modifier la syntaxe et en rétablir l’orthographe, pour en rendre le propos compréhensible.
Quelques jours auparavant, le 14 août, le maire était à souper avec son épouse et ses enfants et, à la table à côté, étaient François Roucher et René Vincent, les deux journaliers.
L’un des journaliers dit « Voilà monsieur l’abbé qui arrive ! » L’autre a répondu « Bien vrai ! » Sur ces paroles, Pierre-Jacques Benoît sort de table, s’avance vers l’entrée de la porte et reconnaît que le curé est dans le feu de la folie, et qu’il envoyait ses vêtements tout déboutonnés.
Sans doute effrayé, Benoît ferme la porte de la maison, mais le curé essaye de l’ouvrir sans y parvenir.
Le curé se met alors à jurer les jurements les plus affreux et abominables et injuriait le maire des injures les plus mortifiantes. Puis, le curé s’approche, furieux, d’une croisée qu’il a frappée d’un coup de canne et dont il a cassé 7 carreaux d’un seul coup.
Craignant qu’il ne casse le reste, le maire ordonne de lui ouvrir la porte, ce que fait sa fille aînée. Le curé entre donc et frappe Benoît sur la main droite, de l’un de ses bâtons. Il y a lieu de croire que le coup a bien porté puisque le bâton a cassé.
Puis le curé laisse tomber deux de ses dits bâtons et prend le maire au collet, serrant de toute sa force. Benoît s’écrie alors : « À la force ! » et le nommé Pierre Poyault, un voisin, vient à son secours et oblige le curé à lâcher prise. Benoît dit alors « Envoyons cet homme. » Et le curé de répondre à cela « Où est-ce que tu veux me mener ? Veux–tu me mener dans ton bois ? Veux-tu y venir dans ton bois ? »
Une telle question amène le maire à se demander le sens de ces questions. Après tout nous l’avons chassé de ma cour… Mais le curé a répété plusieurs fois : « Je te tuerai toujours bien quelques jours ! » Le premier magistrat de Clessé déplore alors de voir sa tranquillité troublée, à lui habitant paisible et de devoir fermer sa porte de jour comme de nuit, et de se tenir sur ses gardes par crainte de Proust curé desservant de cette commune.
La canne et les deux bâtons ont été déposés, le lendemain, entre les mains du premier magistrat de l’arrondissement de Parthenay.
Ce qui affecte le plus monsieur Benoît ne sont pas seulement les coups reçus, mais aussi la santé de son épouse, attaquée par le sieur curé, lorsqu’il a frappé de sa canne la croisée. Conséquence pour l’épouse, ça lui porta à la tête et aujourd’hui elle est obligée de garder le lit et… de prendre des remèdes pour la soulager. Auparavant, elle était bien portante, avant que la folie de dit Proust ne l’amène à entrer dans la maison.
Le curé Proust, de l’avis du sieur Benoît ne paraît pas craindre la justice selon le rapport fait au maire. Sorti de chez Benoît, il s’est vanté dans une maison du bourg d’être allé chez le maire, d’y avoir fait beaucoup de ravages, de l’avoir pris à la gorge.
Le maire déplore que le curé Proust exerce encore ses fonctions de desservant qu’il a encore exercées hier.
Dans sa conclusion, le sieur Benoît aime à croire que la justice le fera jouir de la tranquillité qui lui est due et fera interner le dit Proust dans une maison destinée à y mettre les personnes attaquées de folie.
Ce qu’il advint de Proust, interné ou pas… la suite pour plus tard.
Réf. Série 11 F 54 Archives départementales 79
Et si vous voulez en savoir plus sur Clessé, cliquez pour avoir la fiche de la commune.
Bigre ! Il est vrai qu’on se croirait dans un film et non à Clessé, petite ville calme … en apparence 😉
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