Alain Moreau est né à Verruyes, à Saint-Rémy plus précisément et où il a passé toute sa jeunesse. C’est un vrai de vrai Gâtineau, qui vit en Maine-et-Loire désormais. Alain est le père de Vincent qui a participé à l’article « H comme Hériter en Gâtine ».
À la limite sud de la Gâtine, au centre des Deux-Sèvres, Verruyes, commune où règne douceur et sérénité.
Son nom latin est cité pour la première fois en 1041, Verruca, petite verrue, pour désigner un tertre, qui devient à partir de 1346, Verruye, sans s. Son prieuré, dédié à saint Martin, comme beaucoup d’autres communes de la région Ouest, dépend déjà en 1363 de l’abbaye de Saint-Maixent. L’un des premiers seigneurs connus, Simon de Verruyes, a en effet, au XIIe siècle, fait don à l’Église de terres et bâtiments.
Avant la Révolution, en 1750, Verruyes est une grosse commune comptant 331 feux, ou foyers selon notre terminologie contemporaine. En 1836, le recensement indique 1540 habitants, celui de 1906 dénombre 417 maisons, soit 436 ménages, et 1818 habitants.
Aujourd’hui (2015), les Verruyquois ne sont plus que 917… un nombre divisé par deux en moins de cent ans.
Le chemin des Chaussées
Cette commune doit certainement son développement à la présence très tôt d’une route commerciale. Elle est en effet traversée par une ancienne voie gallo-romaine, le chemin des Chaussées qui est également une ligne de partage des eaux (voie reliant Nantes et Limoges).
Selon les mémoires de la société des antiquaires de l’Ouest, « au sud de Verruye, un nom significatif indique très bien son ancienne trace, c’est le Grand-Chemin… ». La particularité de ce chemin ? La partie au nord-est de cette voie est davantage composée de vieilles familles catholiques pratiquantes et la partie au sud-ouest est plus laïque.
Après la Révolution, Verruyes fut chef-lieu du canton de 1793 à 1801.
Pendant les guerres de Vendée, nous étions à la limite des troubles. Le canton de Verruyes compte une maison incendiée, 95 maisons dévastées et 75 équidés volés (12 mai 1797).
Mais, en 1832, la duchesse de Berry a soulevé quelques partisans dans la région qui s’appelèrent, en souvenir de la Révolution, « Chouans ». Ils tuèrent une personne à Mazières et une autre à Verruyes.
Selon mon père, ce dernier aurait été pendu dans le chemin en haut de Verruyes, à droite du calvaire (à vérifier pour le supplice infligé ainsi que le lieu).
En ce pays de Gâtine, Verruyes a encore quelques habitants qui parlent le patois local.
C’est bien plus qu’un patois, selon moi, on peut quasiment parler d’une langue puisque plusieurs mots sont intraduisibles en français !
Malheureusement, combien le parlent encore ? Quelques dizaines ? Quelques milliers si on est optimiste ? Mon frère, Gérard est un maître en la matière.
Combien de remarques avons-nous dû accepter des instituteurs qui nous faisaient répéter les « g » les « ch » bien gras que nous déversions en prononçant certains mots…
Combien de fois, des auditeurs de mes interventions publiques sont-ils venus me demander : « Vous êtes Canadien, vous avez leur accent… » Ma réponse : « Non, ce sont les Canadiens qui ont mon accent. » Plus particulièrement les Acadiens, des migrants européens au XVIIe siècle. En effet, nombreux d’entre eux sont originaires de notre Poitou et utilisent encore des expressions ou des mots de « notre langue » poitevine.
Les galipotes, les fadets
Nous avons grandi avec les histoires de galipotes, de cheval Mallet mais aussi de fadets… Ah, ces fadets ! Notre grand-père maternel, Ernest, nous emmenait à travers champs à l’Herbaudière, voir « les creux de fadets ».
Nous n’en n’avons jamais vu…. En fait, ce trou n’est qu’une ancienne mine de plomb ou d’argent (un forage du bureau de recherches géologiques et minières, il y a quelques décennies, a classé le site insuffisant pour une nouvelle exploitation).
Et puis, n’oublions pas Mélusine, notre bonne fée poitevine qui a construit l’ancienne église et fait en sorte que la nouvelle se tienne au milieu du village, et pas sur l’ancien lieu.
La commanderie de Saint-Rémy*
Maintenant, rendons nous à 1,5 km du bourg, vers le sud. Un lieu qui a connu ses heures de gloire du XIIe siècle jusqu’au XVIIIe siècle.
La commanderie de Saint-Rémy. Je suis né à 100 m de ce lieu magique. Aujourd’hui, il ne reste que la chapelle en mauvais état malgré la réfection de la charpente par mon frère en 1982. Chapelle construite par le commandeur Antoine Charron en 1493. Une plaque atteste la date en lettres gothiques :
« L’an 1493, frère Antoine Charron, commandeur de céans fit faire cette chapelle ».
La commanderie existait déjà en 1208. Elle jouissait du droit de haute, moyenne et basse justice.
Le commandeur de Saint-Rémy possédait de nombreux biens représentant des centaines d’hectares comme plusieurs droits et fiefs dans la paroisse de Clavé toute proche, ainsi que des maisons jusqu’à Parthenay au nord dont celle du commandeur de cette ville. Son pouvoir s’étendait jusqu’à la commanderie de Lavausseau à 30 km de là, à l’est, selon Claude-André Fougeyrollas*.
Avant la Révolution, les biens de la commanderie de Saint-Marc-la-Lande, à l’ouest, furent dévolus à l’Ordre de Malte et regroupés avec ceux de Saint-Rémy. Ceci fut difficile à accepter par le commandeur de Saint-Marc-la-Lande. D’ailleurs un procès pour l’emplacement d’un simple poteau devant l’église de Saint-Marc pour déterminer la limite entre les deux fiefs dura… 2 siècles !
À la Révolution, spolié de tous ses biens, l’Ordre n’a pu survivre.
Saint-Rémy a eu un commandeur important dans l’Ordre : François Marie des Bancs de Mareuil. Il fut reçu dans l’Ordre de Malte le 8 juillet 1639, devient receveur du grand prieuré d’Aquitaine en mai 1710. Il est ensuite nommé, en 1716, grand trésorier de France avec le titre de bailli et décède à la fin du mois d’août 1720. François Marie des Bancs de Mareuil, après ce parcours, est enterré dans la chapelle de la commanderie derrière l’autel.
À Saint-Rémy, le logis du commandeur fût démoli en 1912 (mon grand-père a joué à cache-cache à l’intérieur) pour produire les pierres nécessaires à la construction de la ferme et de la grande maison « bourgeoise » de la Surgère, à 2,5 km de Saint-Rémy. Ce qui explique aisément, que les encadrements de certaines portes et fenêtres soient composés de pierres « travaillées ». Sans être un château, le logis, la chapelle et l’ensemble des bâtiments étaient entourés de douves et un pont-levis était à l’emplacement du lavoir de notre enfance (comblé aujourd’hui).
Un magnifique porche reliant deux maisons, dépendances de la commanderie, à 50 m de celle-ci comprenait, en sa partie supérieure un passage couvert. Il fut démoli dans les années 70 pour permettre aux matériels agricoles « modernes » d’accéder à la ferme qui existe encore aujourd’hui.
L’Étang et les premiers « son et lumière »
Aujourd’hui, lorsqu’on évoque Verruyes, de nombreux Deux-Sévriens pensent : plan d’eau. Élaboré sous l’égide de M. Georges Bobin, le maire de la commune, il fut inauguré en mai 1969. À cette occasion, un « son et lumière » y fut réalisé. J’ai passé, en compagnie de Claude Hugon de Parthenay et Claude Pelletier de Saint-Georges-de-Noisné, de nombreuses nuits aux réglages de la sonorisation et des jeux d’éclairage de ce premier grand spectacle (tous les 3).
Réparti sur plusieurs hectares, c’était le premier « son et lumière » avec une scène de cette dimension.
Malheureusement, malgré les spectacles suivants, « Les Paysans », « La Geste paysanne », en 1971, 1974 et 1976, qui ont glorifié le monde de la terre pendant plusieurs années, les représentations ont dû s’interrompre. Toute la population participait : qui cousait les costumes, qui était figurant, qui aménageait, qui distribuait les affiches, qui fournissait du matériel, qui… qui.. etc.
Mais, souvenons-nous aussi qu’un certain Philippe de V. était venu voir et s’inspirer de ce que nous faisions… Il a su utiliser un environnement propice à la cinéscénie ce que nous n’avions pas à Verruyes : un fond, un arrière-plan moins dépouillé que quelques champs…Chez nous, difficile d’accrocher la lumière avec pour seul décor les frondaisons gâtinaises aussi merveilleuses soient-elles !
Pour clore le spectacle et nous ramener à notre époque moderne, l’émergence de tous côtés au rythme d’une musique trépidante de ces dizaines de moissonneuses-batteuses, descendant ensemble vers l’Étang, ont laissé un souvenir impérissable pour nombre d’entre nous.
Pour plusieurs jeunes de Verruyes et des communes avoisinantes, cette période fut également la rencontre avec l’UPCP, l’Union Pour la Culture Populaire en Poitou-Charentes et en Vendée, et la collecte auprès de nos aïeux de contes, de légendes, de chants et de pas de danse.
Que de souvenirs…
*Certaines informations sont issues du document de Claude André Fougeyrollas : SAINT- RÉMY DE VERRUYES (Commanderie Hospitalière 1208 – 1994)
Moi j’adore cet article ! Il me renvoie à mes vacances enfantines à Verruyes dans la maison construite par mon arrière grand et bien entendu l’ete 1976 fut inoubliable avec La Geste paysanne… Alain évoque bien l’ambiance folle qui existait ou tout le monde, tout le monde vraiment faisait qq chose dans un village animé comme jamais avant et plus jamais depuis !
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La tradition orale est une richesse … Chouan ou vendéen ? par cette phrase dans « ‘L’églantine et le muguet », Danièle Sallenave en définit l’espace géographique (vu d’Anjou) « Partie en émigration à la Révolution, une première génération de ces nobles est revenue mener la guerre de Vendée au Sud de la Loire et la chouannerie au Nord. »
Quant au patois, quelle diversité dans les intonations et variations de mots… On devinait si le bonhomme était de Champdeniers ou de Pougne-Herisson…
Merci pour ce bel article.
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Merci pour cet article. S’il est difficile de savoir combien de personnes parlent vraiment patois, très nombreux sont les Verruyquois de souche qui le comprennent. Osons perpétuer cette langue vectrice de la culture gatinaise.
Quant à la commanderie, une légende raconte que des souterrains connectent la commanderie de St Rémy et celle de St Marc. Une légende certes, mais comme les « cru d’fadets » de l’Herbaudière, c’est une idée qui fait rêver et attise la curiosité.
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