R comme : Rente à vie

Le 5ème et dernier article de la très productive Caroline Cesbron, dite La Drôlesse

Pendant des années, j’ai été intriguée par la naissance de mon arrière-arrière grand-mère, Madeleine Justine Goudeau, en 1846, à Dompierre-sur-Mer, près de La Rochelle. Je pensais que ses parents, Magdelaine Couturier et Jacques Goudeau avaient souhaité s’embarquer pour la Nouvelle France, mais je ne comprenais pas, alors, pourquoi ils étaient revenus à Verruyes en Gâtine où ils sont finalement morts et enterrés, après cette escapade charentaise.
Aujourd’hui, je ne connais pas encore toute l’histoire, et je continue mes recherches, mais une partie était cachée depuis plus de cent cinquante ans dans un tiroir de la bonnetière de la salle à manger.
C’est l’histoire de deux femmes, dont l’une a très certainement changé la vie de la seconde.

Magdelaine Couturier 1812-1892

Magdelaine Couturier est l’aînée des enfants du second mariage de Jacques Couturier avec Marie Jeanne Godard. Si Jacques est né à Azay-sur-Thouet, sa famille est malgré tout originaire de Verruyes, en Gâtine. Il s’y marie les deux fois et ses enfants y naissent. Il décède en 1818 en laissant deux filles (à minima) dont l’une déjà mariée, de son premier mariage, et quatre autres enfants, âgés de 6 ans à quelques mois, de son union avec Marie Jeanne.
Magdelaine n’a alors que six ans. Elle grandit. Comment ? Je n’en sais rien mais certainement avec l’aide de ses sœurs aînées, et des familles de ses parents, les Godard et les Couturier, des paysans peut etre un peu aisés de Verruyes. Marie-Jeanne, sa mère ne se remariera pas mais sera déclarée comme mendiante à son décès. Dès qu’elle a l’âge de travailler, Magdelaine est certainement placée comme domestique.
Elle sert notamment chez une noble dame poitevine, Jeanne-Adélaïde de la Broue de Vareilles. Je ne sais toujours pas quand et comment Magdelaine est entrée au service de Jeanne-Adelaïde mais elle devient sa fille de confiance, c’est-à-dire sa servante attitrée, sa gouvernante.

Jeanne-Adelaïde de la Broue-Vareilles 1748-1842

Née vers 1748, Jeanne-Adélaïde est la fille de François de la Broue de Vareilles, Seigneur d’Exireuil, dans les plaines Saint-Maixentaises, et de sa femme, Marguerite Céleste Maron, et fait partie de la noblesse poitevine. Chacune de ses sœurs portent aussi, au temps de leur jeunesse, le nom d’une terre familiale pour mieux les distinguer : Mademoiselle d’Aubigny, Mademoiselle d’Exireuil, Mademoiselle de la Clergerie, Mademoiselle de la Broue.
Mademoiselle de la Broue, c’est Charlotte, qui épouse le 26 aout 1776 Isaac Charles de Lestang, Seigneur de Ringère.

 

Trois ans plus tard, en 1779, à un peu plus de trente ans, Jeanne-Adélaïde se marie à Exireuil, au château familial d’Aubigny, avec Silvain Hubert Lamaisonneuve de Vilbouin, un châtelain deux-sévrien d’Amailloux.
Ils ont une maison à Parthenay, dans la Citadelle, au quartier Sainte-Croix, des biens dans les Deux-Sèvres, en Gâtine évidemment, des biens aussi en Charente où ils semblent avoir des attaches.
En mai 1786, à Dompierre-sur-Mer, près de La Rochelle, ils sont ainsi tous les deux le parrain et la marraine par procuration, n’étant pas sur place, d’un enfant de la famille.
La Révolution arrive… Silvain met en ordre ses affaires en 1789.
Il rédige son testament en faveur de sa femme et décède à l’âge de 67 ans, quelques mois plus tard en mars 1790. Selon les recherches d’Albéric Véron, Jeanne-Adélaïde est déclarée émigrée en 1793.
Après la Révolution, elle semble vivre plutôt dans sa propriété de Dompierre-sur-Mer, au village de Chagnollet.

Premier testament, 20 janvier 1835, Chagnollet, Charente-Maritime

Qu’il doit paraître loin le temps où Jeanne-Adélaïde était appelée Mademoiselle de Faye !
Qu’elle doit être intimidée… ou exulter, Magdelaine, si elle sait que Jeanne-Adélaïde fait ce qu’il faut pour qu’elle se souvienne d’elle après sa mort !
En ce 20 janvier 1835, à Chagnollet, Jeanne-Adélaïde fait son testament, qui sera enregistré à La Rochelle, sept ans plus tard, le 5 juillet 1842 chez Maitre Fournier.
En préambule, elle écrit
Au nom du père, du fils et du Saint esprit.
La vieille dame déclare ensuite :
Je, soussignée, Jeanne-Adélaïde Labroue, veuve de Silvain Hubert Lamaisonneuve de Vilbouin, domicilié à Poitiers, département de la Vienne, et de présent à Chagnollet, département de la Charente inférieure, commune de Dompierre près La Rochelle, je donne à Magdelaine Couturier une rente viagère de cent francs, sans retenue, qui lui sera payée d’avance à commencer du jour de ma mort et continuer ainsy d’estre payée d’années en années jusqu’à sa mort et je luy donne aussi ainsy qu’à Rose Bernard, à partager entre elles deux mes nippes, mes habillements et linge qui servent à mon usage particulier personnel, j’en excepte pourtant deux vrayes dentelles que je donne à Mademoiselle Félicité Fléandraux.
Magdelaine, en janvier 1835 n’a pas encore fêté ses vingt trois printemps. Depuis combien de temps est elle au service de Jeanne-Adélaïde pour que ses années aux côtés de Mademoiselle de Faye lui octroient déjà tant de reconnaissance ?

Second testament, 2 avril 1840, Chagnollet, Charente-Maritime

Cinq ans plus tard, le 2 avril 1840, Jeanne-Adélaïde reprend son testament et y note :
J’ajoute à ce présent testament que je veux et entends qu’il soit payé à Magdelaine Couturier, ma fille de confiance, une rente viagère de cent cinquante francs au lieu de cent francs qu’elle est marquée dans mon présent testament et avec les mêmes clauses et conditions,
À Chagnollet, le 2 avril 1840.

Là encore, que s’est il passé pour que la vieille dame renforce sa reconnaissance envers Magdelaine ?

Exécution testamentaire, 13 juillet 1842, Chagnollet, Charente-Maritime

Le 13 juillet 1842, deux ans après le second testament et sept ans après le premier, Maitre Fournier, le notaire qui a gardé l’original du testament, rédige un acte portant délivrance de legs aux termes duquel Monsieur de l’Estang a fait délivrance à la fille Couturier qui a accepté
1° 150 francs de rente viagère à elle légués par les testaments
2° ses gages jusqu’au 24 juin 1843
3° une somme de quatre vingt francs pour remplacer la nourriture jusqu’à la dite époque du 24 juin
Et encore par le même acte, la dite Couturier s’est reconnue en possession de la part lui revenant dans les nippes, habillement et linge a elle légué par le testament.

Je n’ai pas retrouvé l’acte de décès de Jeanne-Adélaïde, et je ne peux que supposer qu’elle serait décédée peu avant le 13 juillet 1842, à l’âge vénérable de 96 ans. Et certainement sans descendance, puisqu’il semble que ce soit – vraisemblablement – son neveu, qui fait le nécessaire avec le notaire.

En 1835, Magdelaine est à priori seule en Charente-Maritime, Jacques Goudeau son cousin issu de germains, futur époux, est recensé en 1836 à Verruyes.
En 1840 et en 1842, je ne peux pas vérifier si Jacques est arrivé à Dompierre, les recensements des AD17 ne sont toujours pas en ligne à ces dates. Mais en tout état de cause, Jacques et Magdelaine se marient le 27 septembre 1843, à Dompierre, précisément à Chagnollet, où ils semblent s’être installés.
Deux filles y naîtront, Marie-Louise en 1844 et Marie-Madelaine Justine en 1846. Françoise, la troisième fille connue, elle, verra le jour en Gâtine, à Verruyes en 1852, où donc, ils sont revenus, avec la précieuse rente.

Épilogue, 7 octobre 1871, Poitiers, Vienne

Je soussigné, tant en mon nom que me faisant fort de Mesdames de Beauregard, de Chevigné et de Mademoiselle de L’Estang, mes soeurs, reconnais que la rente de cent cinquante francs léguée par Madame de Vilbouin à Madelaine Couturier, pendant sa vie et sur sa tête, continue à être due et je renonce pour moi et pour mes soeurs à invoquer toute péremption du testament ci-dessus.
Bon pour titre nouvel, de l’Estang de Ringère, 7 octobre 1871, par délégation

Jeanne-Adélaïde est décédée depuis près de trente ans et ce sont ses petits neveux – les petits enfants de sa soeur Charlotte -, Marie Delphin de Lestang de Ringère, baron d’Aubigny, Marie Félicité Célina de Beauregard, Marie Caroline Alphonsine de Chevigné, et Marie Caroline de Lestang de Ringère d’Aubigny, qui doivent désormais honorer la rente viagère et continuer à s’engager à son versement annuel.
Magdelaine a désormais soixante ans et a pris soin d’obtenir et surtout conserver ces extraits de testament qui lui prouvent ce qu’on lui doit.

Elle décédera vingt et un ans plus tard, en 1892 à l’âge de 80 ans, le document testamentaire précieusement conservé, pour parvenir plus de cent cinquante ans plus tard à l’arrière-petite-fille de sa petite-fille, cinq générations plus tard.

Une grande cuillerée de pragmatisme, une belle pincée de persévérance, quelques brins d’âpreté pour vivre et survivre… l’âme gâtinelle !

Q comme : Quitter la Gâtine

Le 4ème article de Caroline Cesbron du blog La Drôlesse

1.pngSi, durant les siècles précédents, voyager et bouger pour trouver du travail a bien existé, les moyens de transports n’étant ce qu’ils sont aujourd’hui, les déplacements pouvaient rester cependant limités et les destinations peu lointaines. C’est le cas de mes ancêtres gâtineaux, ceux de ma mère. Ils se sont rarement aventurés très loin, et métayers ou meuniers, ils ne le faisaient que pour trouver la métairie ou le moulin à exploiter. Ils naissaient, se mariaient, vivaient, décédaient, majoritairement au même endroit ou dans un rayon restreint autour de leur village natal.
Plusieurs, cependant, ont tenté une autre aventure. Parfois, pour mieux revenir, d’ailleurs.

La Révolution a soufflé un vent nouveau, y compris en Gâtine, au début du XIXe siècle.
Magdelaine Couturier, mon aïeule, native de Verruyes au Sud de la Gâtine, est allée gagner son pain comme fille de confiance, à Dompierre près de La Rochelle, au service d’une noble dame du Poitou, qui avait échappé aux affres de la période révolutionnaire.
Née en 1812, Magdelaine a tout juste vingt trois ans quand elle bénéficie d’une rente à vie (lettre R comme Rente du ChallengeAZ collaboratif dédié à la Gâtine).
Elle fait venir près d’elle Jacques et Louis Goudeau, ses cousins issus issus de germains. Elle épousera Jacques à Dompierre-sur-Mer, deux premiers enfants y naîtront. Mais le couple, très certainement grâce à la rente à vie de Magdelaine, reviendra en Gâtine, à Verruyes. En 1892, Magdelaine décédera là où elle est née, à Verruyes.

2.pngLa petite fille de Magdelaine et Jacques, Louise, épousera quelques années plus tard, Célestin Babin. Un des oncles de Célestin, Pierre Babin, quitte lui, non seulement la Gâtine, mais abandonne aussi le métier de la terre. Né en 1833 à Verruyes, toujours, il est l’ainé de la fratrie. Ses parents, Pierre et Modeste Texier, se sont mariés contre l’avis des parents de Modeste et ont eu neuf enfants, dont plusieurs n’ont pas atteint l’âge adulte.
Pierre quitte son Verruyes natal pour s’établir à Poitiers, dans la Vienne.
Certes, ce n’est pas très loin mais c’est déjà une grande ville et son métier n’est plus métayer, bordier, cultivateur, journalier ou encore meunier mais désormais employé d’octroi, douanier en quelque sorte.
C’est la profession inscrite sur son acte de mariage avec Julie Augustine Beleaud en 1861, une cuisinière dont le père est décédé à Paris mais dont la mère habite… en Gâtine, à Parthenay. Pierre s’installera définitivement à Poitiers et y décèdera en 1890, une heure après sa mère à Verruyes.

L’appel de la ville commence à se faire sentir pour les jeunes générations en cette fin de siècle et en ce début du XXe. Les jeunes Babin auront plus la bougeotte, et l’administration leur fera des appels du pied auxquels répondront certains. C’est le cas d’un neveu de Pierre, François Augustin Babin, mon arrière grand oncle, le frère ainé de mon arrière grand-père, resté lui à Verruyes. Né en 1863, il devient brigadier des eaux et forets près de Niort, « ce qui n’était pas rien déjà » comme on dit chez nous.
Mais c’est son fils Léon Émile, qui a laissé, de ce côté-ci de la famille, un très grand souvenir.

Léon Émile Babin, né en 1891 à Mazières-en-Gâtine, à trois kilomètres de Verruyes, est décédé en 1976 à Orléans où il s’est marié tardivement en 1936.
Engagé volontaire pour trois ans en 1910, comme soldat 2e classe, il devient caporal six mois après, et sergent moins d’un an plus tard. Il rempile en 1912 et est aspirant-lieutenant lorsque la guerre éclate en 1914.
Sa fiche militaire se compose de pas moins de quatre feuillets rédigés d’une écriture serrée et, si ses faits d’armes pendant la Guerre mériteront qu’on s’y attarde dans des articles à venir, ce n’est pas ce qui a été retenu dans la mémoire familiale mais plutôt
l’opportunité de voyages dans le monde entier.
La paix revenue, il est resté dans l’Armée et y a fait une belle carrière. Ses cartes postales, envoyées après la guerre, religieusement conservées, proviennent en particulier du Maroc, mais aussi de Syrie comme celle-ci, ce qui devait laisser rêveuse l’ensemble de la famille.

 

Le capitaine Babin a apparemment fait partie aussi du renseignement français… ce qui explique tous ses voyages.

Si, du côté de ma grand mère Marie-Louise Babin, certains membres de la famille ont quitté la Gâtine, celui qui, paradoxalement n’a laissé aucun souvenir, est celui qui peut-être est allé le plus loin : le grand-oncle de mon grand père Denis Niveault, Alexandre Robin.
5Dernier d’une famille de sept enfants, il est né en 1856, à la Gauffraire de Verruyes et rien ne le prédestinait… sauf lui-même, à quitter son pays et le métier de la terre.
Près de trente ans avant Léon Émile Babin et quarante ans avant le début de la Grande Guerre, Alexandre s’engage volontairement en 1877 dans le 18ème bataillon de chasseurs à pied de Tours. En 1880, il demande à partir aux colonies en tant que surveillant militaire. Il partira quelques mois plus tard en Nouvelle-Calédonie où il passera plusieurs années. En 1891, il rejoint Cayenne, en Guyane et y fait venir sa femme qui donnera naissance à leur premier fils, Gérald. Alexandre décédera à l’hôpital militaire de Marseille, en 1897, loin de sa Gâtine natale, laissant une veuve de vingt cinq ans, et deux enfants de cinq ans et un an.
Il n’existait qu’une petite trace indirecte d’Alexandre, la carte de communiant de son fils Gérald, envoyée par son épouse Marie-Antoinette à mon arrière grand-mère Marcelline.
Cette carte de communiant m’a menée aux Archives d’Outre-mer à Aix-en-Provence, où j’ai pu découvrir la majeure partie de sa vie. Raconter son histoire est à venir.

En ces jours de célébration du centenaire de la paix revenue, je ne peux pas oublier tous les soldats de la Grande guerre, pour la plus grande partie des paysans, qu’ils soient de Gâtine ou pas, partis loin de chez eux, de force. Parfois, avec l’espoir de découvrir autre chose, de vérifier si l’armée ne pouvait pas être une vie possible, un « métier » comme ils l’écrivent à leurs familles.
Si ceux qui sont revenus ne sont pas devenus militaires, beaucoup ont quitté cependant la vie de la terre, sont partis à la ville, sont devenus conducteur de tramway, cheminot, directeur d’entreprise…
Aujourd’hui, les descendants de mes grands-parents maternels sont encore, pour certains d’entre eux, des Gâtineaux. D’autres vivent au-delà de la Gâtine, dans les Deux-Sèvres, aux États-Unis, dans le sud de la France ou encore la région parisienne bien entendu.

Mais la Gâtine, de temps à autre, les appelle, et ils viennent la voir.

 

P comme : Parthenay, aux origines du nom

Le 2ème article d’Albéric Verdon, responsable du site Histoire de la Gâtine poitevine et de Parthenay.

Les érudits du XIXe siècle ont attribué l’origine du nom de la ville de Parthenay à un romain du nom de Parthenius qui aurait possédé un domaine à Parthenay-le-Vieux. Qu’en est-il exactement ?

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Dessin de l’église Saint-Pierre de Parthenay-le-Vieux à la fin du XIXe siècle. Cet édifice des XI-XIIe siècles est postérieur à la création d’un lieu habité par un Parthénius. (Collection Yves Drillaud) 

Selon nos recherches sur Parthenay, le premier domaine d’un Parthenius se situerait au niveau de l’ancienne Croix-Bouc, au carrefour des rues du Docteur-Émile-Roux, de la Réole, Pierre de Coubertin et route de Pont-Soutain. La Croix-Bouc étant la déformation de Croix du Bourg. Nous considérons que Parthenay-le-Vieux devait être occupé vers le IXe siècle.

Quant au Parthenius, était-il romain, et d’où pouvait venir son patronyme ?
Tous les noms commençant par Parth, pourraient tirer leurs origines des Parthes, un peuple de l’actuel Iran. On peut également évoquer les Parthéniens, peuple Lacédémoniens né, durant la première guerre de Messénie, du commerce des jeunes femmes de Sparte (parthenoi) avec les esclaves. Méprisés par leurs compatriotes, les Parthéniens conspirèrent avec les Hilotes. Découverts et forcés de quitter Sparte, ils s’établirent en Italie sous la conduite de Phalante et bâtirent Tarente en 707 av. J.-C.
Divers lieux situés à l’est de la Méditerranée font références à Parthénius et l’on rencontre dans le Grand dictionnaire historique de Moréri de 1759, que ce nom était « donné à diverses rivières et cité par Strabon, Pline et Ovide. Il y en avoit un dans la Bithynie, appelé aujourd’hui Parthenai, comme le veut Moletius, ou Dolap au sentiment de le Noir : un autre dans l’Arcadie : un autre dans l’isle de Samos, & un autre dans la Sarmatie d’Europe ». On peut encore ajouter que Le Parthénios, dénommé également Fleuve de Bartin (Bartin Çayi), est un fleuve de Paphlagonie qui est une ancienne région côtière du nord de l’Asie Mineure. D’autre part, le Mont Parthénios est une montagne d’Arcadie au centre du Péloponnèse.
Venons-en maintenant aux personnages dénommés Parthenius que l’on rencontre dans l’histoire. Le plus ancien est un compagnon d’Énée, un prince de la légende troyenne attaché à la fondation de Rome.
Le Grand dictionnaire historique de Moréri nous fait encore connaître Parthenius de Nicée : « Poëte, vivoit au commencement du regne d’Auguste. Il composa un livre en prose, que nous avons en intitulé (titre en grec), dédié à Cornelius Gallus, gouverneur d’Egypte, qui est d’autant plus considérable, que toutes les narrations sont prises d’auteurs anciens, qui ne sont pas venus jusqu’à nous. Ce livre a été traduit en françois, par Jean Fornier sous ce titre : Les affections de divers amans. Cette traduction fut d’abord imprimée à Paris en 1555, avec les narrations d’amour de Plutarque. Elle a été réimprimée en 1743 à Paris, in-12. Parthenius composa l’éloge d’Arétas sa femme, & diverses autres pièces. On dit qu’il fut fait esclave pendant la guerre de Mithridate ; qu’il fut affranchi par Cinna, & qu’il mourut du temps de Tibere. S’il faut ajouter foi à tout ce que Suidas rapporte à ce sujet, il faut croire que Parthenius fut pris étant encore fort jeune, car il y a plus de 70 ans depuis cette guerre jusqu’à Tibere. Quoi qu’il en soit, on dit que Virgile fut son disciple, & qu’il imita de lui le poëme qu’on lui attribue, intitulé Mretum ; & il est sur que Tibere se plaisoit à l’imiter dans ses poësies. Ses métamorphoses pouroient bien aussi avoir été le fond de celles d’Ovide ».
Après Parthenius de Nicée, citons Parthenius de Chio, surnommé Chaos, un auteur Grec qui écrivit un traité de la vie de son père Thestor.
L’Italie conserve plusieurs souvenirs attachés à des Parthenius. On trouve tout d’abord sous ce patronyme un valet de chambre de l’empereur Domitien (empereur de 81 à 96). C’est peut-être le même qui est dit « grammairien, disciple de Denys, vivoit encore au temps de Domitien ». Plus tard, se rencontre aussi un eunuque chrétien dénommé Parthenius qui fut martyrisé en 250 et inhumé au cimetière de Callixte à Rome dans une crypte de 4 m de long sur 2,95 m de large en 304. La paroi de la crypte, aujourd’hui disparue, portait un graffiti dont l’inscription PARTENI MARTIRI.

Rapprochons-nous de notre époque et entrons maintenant en France. Ainsi, selon divers auteurs, un autre Parthenius aurait des origines aristocratiques et Arverne par sa filiation avec l’évêque de Limoges Rurice. Il pourrait être petit-fils de l’empereur Avitus, ou encore neveu d’Ennodius de la famille de Anicii, évêque de Pavie. Pour François Clément, historien bénédictin, Parthénius serait né à Arles quelques années avant la fin du Ve siècle. Christian Settipani le dit petit-fils de Firminus et il serait cité dès 485. Selon les auteurs, il aurait étudié à Rome ou à Ravenne. On le trouve en 507 à Arles puis en 508 à Ravenne comme ambassadeur de l’assemblée provinciale et représentant de la citée de Marseille. En 533, lorsqu’Arles est libérée par le préfet des Gaules, il reste à son poste parmi les fonctionnaires. En 536, passé sous la domination franque, il devient patrice voire Préfet des Gaules si l’on en croit Édouard Baratier. Appelé vir illustrissimus, il porte également la dénomination de magister officiorum atque patricius (maître des offices) pour la Gaule en 544. Il se retrouve représentant et principal conseiller de Théodebert 1er en 547. Il décède vers 548, juste après la mort de Théodebert 1er. Il aurait été lapidé par les Francs à Trèves car on lui reprochait une politique fiscale trop oppressante. Cependant, selon François Clément, le Parthénius lapidé à Trèves ne serait pas le maître des offices cité en 544.
Pour terminer, Grégoire de Tours cite un Parthenius évêque de Gévaudan entre 541 et 625. Il est alors connu pour ses querelles avec Palladius auquel le roi Sigebert avait donné puis ôté le gouvernement du Gévaudan.

Et qu’en est-il du Parthenius qui aurait donné son nom à la capitale de la Gâtine ?
Une question sans véritable réponse. Selon nous, il est peut probable que cet homme fut un soldat romain en l’absence de vestiges avérés de cette époque à Parthenay. Nous pensons plutôt que le Parthenius qui donna son nom à la capitale de la Gâtine vivait à l’époque mérovingienne ou carolingienne, mais qu’il pouvait avoir des origines romaines. Les recherches que nous venons de citer font état de plusieurs Parthenius au VIe siècle et l’un d’eux, ou un descendant, ne pourrait-il pas avoir un lieu avec le Parthenius qui donna son nom à Parthenay ?

O comme : Officier d’Académie

C’est encore moi qui m’y colle ! En conséquence, le deuxième article (et dernier) de Raymond Deborde sur une personnalité bien connue de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire des communes des Deux-Sèvres.

poignat2Pourquoi évoquer Maurice Poignat (1911-1997), officier d’Académie ? Son lieu de naissance (La Chapelle-Saint-Laurent, le 19 mai 1911) en fait plutôt un Bocain. Né d’un père cordonnier et d’une mère lingère dans une petite commune, il aurait pu être contraint comme beaucoup à une vie rurale et discrète. Pourtant, il va devenir un historien local reconnu, un journaliste, un écrivain, et sa carrière en fera un Gâtineau.
Historien, il est conservateur du musée Georges Turpin à Parthenay, membre de la Société historique des Deux-Sèvres et de la Société des antiquaires de l’Ouest. Il s’intéresse à l’histoire régionale, au folklore, aux guerres de Vendée et fait d’importantes recherches en sillonnant les territoires de Gâtine et du département, recherches qui aboutissent à des milliers de fiches.
Journaliste, il est responsable des chroniques consacrées à Parthenay et à la Gâtine du journal Le Petit Courrier jusqu’à la guerre, puis du Courrier de l’Ouest à partir de 1944.
poignat1Il est aussi écrivain et publie plusieurs livres historiques sur la Gâtine, mais aussi iconographiques avec Parthenay et la Gâtine en cartes postales anciennes. Mais surtout, dès 1948, il commence à rédiger pour Le Courrier de l’Ouest une série d’articles consacrés aux communes des Deux-Sèvres. Ces années de travail se retrouvent compilées dans son œuvre monumentale Histoire des communes des Deux-Sèvres. C’est un bonheur pour les généalogistes : elle fourmille d’anecdotes et de renseignements qui permettent d’approcher au plus près le cadre paroissial puis communal où ont vécu nos aïeux. 2 tomes sont consacrés à sa chère Gâtine. Je ne résiste pas au plaisir d’extraire presque au hasard une petite anecdote qui se situe dans la commune de La Ferrière :
Au mois d’octobre 1836, le recrutement d’une institutrice ayant été envisagé, le maire, M. Bourdin, suggéra qu’il soit fait appel à une religieuse, et ce à fin d’économie, la paroisse s’engagea à lui fournir le logement et le mobilier. Trois conseillers ayant demandé un vote à bulletins secrets « il a été demandé – lit-on sur le registre des délibérations conservé à la mairie – de voter avec des pois, en prenant des pois blancs pour l’adoption et des pois rouges pour contre ». Cette curieuse façon de procéder avait été décidée afin de favoriser la tâche de certains conseillers sachant tout juste signer leur nom. Toujours est-il que la proposition d’accueillir une religieuse comme institutrice communale munie de son « diplôme » fut décidée… par sept pois rouges contre cinq pois blancs !

Maurice Poignat a reçu de justes récompenses honorifiques pour l’ensemble son travail . Il est ainsi Chevalier des Arts et Lettres, mais aussi Officier d’Académie (ou de l’Instruction publique) ce qui me permet de rendre hommage au rôle de transmission qu’il a eu. Avec ses livres, il a donné le goût de l’histoire locale et offert des pistes aux généalogistes de Gâtine et des Deux-Sèvres pour mieux connaître la vie de leurs ancêtres.

 

N comme : Nicolas, une famille en Gâtine

Aujourd’hui, je connais très bien celle qui écrit. Sylvie Deborde est membre du C.A. du Cercle généalogique des Deux-Sèvres et elle écrit aussi sur notre blog de généalogie familiale L’arbre de nos ancêtres. Elle est enfin l’auteure de « 365 jours en Deux-Sèvres » (Geste édition).

ParthenayEgliseSt LaurentCPLes Nicolas sont nombreux dans mon arbre, j’en trouve dès 1590.  Mon ancêtre le plus ancien sur cette branche est Jean Nicolas (sosa 3952), sieur de la Taupelière, qui épouse le 26 octobre 1631 Madeleine Mocquet à Parthenay en l’église Saint-Laurent. Après lui, avec ses descendants qui sont aussi mes ancêtres, je parcours la Gâtine.
Olivier, son fils (sosa 1976), lui aussi Sieur de la Taupelière, naît, se marie et meurt paroisse de Saint-Laurent. Puis Charles, 7e fils d’Olivier, (sosa 988), Sieur de la Mitoisière, de la Taupelière et de la Romplelière, naît à Fenioux, il se marie hors de la Gâtine (en premières noces à Poitiers et en secondes noces à Aigonnay),  mais ses enfants voient le jour à Parthenay et à La Peyratte. Charles-Antoine, fils aîné de Charles, (sosa 494) Sieur de la Mitoisière et de la Valentinière, naît à Parthenay, se marie à Soutiers et est enterré à Beaulieu-sous-Parthenay. Enfin, Marie-Marguerite Nicolas (sosa 247) vient au monde à Gourgé, se marie à Saint-Pardoux et meurt à Soutiers. Me voici donc avec une famille de Gâtine !

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– Plan extrait de l’atlas de Trudaine réalisé de 1745 à 1780 ©Archives de Parthenay

Au fil des générations, la famille se déplace dans toute la Gâtine, mais revient toujours en son berceau : la paroisse Saint-Laurent de Parthenay. C’est la principale des 7 paroisses existant dès le Moyen-Age. Située sur le plateau, dans la ville haute au cœur du bourg, elle s’organise autour de son église gothique, la plus ancienne de la ville. Construite au XIe siècle, l’église a subi de nombreux remaniement au fil des siècles. Au moment où je rencontre mon ancêtre Jean Nicolas, le bâtiment doit être en chantier car, en 1572, les voûtes se sont effondrées, 4 ans après un incendie causé par les Huguenots.

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– Chirons en Gâtine  ©Tourisme Deux-Sèvres

Quand ils ne sont pas à Parthenay, les Nicolas vont dans leurs divers logis : Beaulieu-sous-Parthenay, Fenioux, Gourgé, Saint-Lin, Louin, Xaintray, Soutiers, Vouhé, Saint-Pardoux, autant de destinations qui leur font découvrir les paysages vallonnés de Gâtine, ces « terres gâtées » qu’on parcourt le long de chemins creux et où dans chaque petite parcelle de terre on peut voir un « chiron », un de ces blocs de pierre que l’on trouve souvent par ici.

Les Nicolas, qui appartiennent à la petite noblesse de province, vivent en Gâtine et unissent leur destin à celui d’autres familles locales : leurs enfants épousent des Olivier, des Augron, des Gatet et même une ou 2 fois des de La Porte, la grande famille locale issue de Charles de La Porte, maréchal de La Meilleraye et neveu de Richelieu, arrivé à Parthenay en 1641. Toutes ces familles comptent des officiers seigneuriaux lesquels s’occupent des affaires de police et de justice (lieutenant général de police, avocat au siège présidial, greffier…) ainsi que des médecins et bien sûr des ecclésiastiques.
Les descendants de Jean Nicolas et Madeleine Mocquet ont vécu en Gâtine. Je les accompagne sur 5 générations et je les quitte avec Marie-Marguerite Nicolas, l’arrière-arrière-petite-fille de Jean, seule descendante en vie d’un père mort à 28 ans. Elle perd la relative aisance de la famille en épousant un menuisier à Saint-Pardoux, toujours en Gâtine.

M comme : Ma Mystérieuse Marthe

Aujourd’hui, c’est moi qui m’y colle. Donc, un article de Raymond Deborde, vice-président du Cercle généalogique des Deux-Sèvres, en charge du blog et de la revue. J’écris aussi avec Sylvie, mon épouse, sur notre blog de généalogie familiale et deux-sévrienne, L’arbre de nos ancêtres.

Même si mes aïeux sont dans l’ensemble plutôt issus du Bocage, j’ai quelques ancêtres qui ont vécu dans la proche Gâtine. Parmi eux, il y a Marthe Audebrand qui a été longtemps pour moi juste un prénom et un nom. Je n’avais aucun acte, aucune date, aucun lieu précis à y associer. Je savais juste, grâce à quelques actes de mariage (et par déductions) qu’elle avait épousé un nommé René Jourdain (tout aussi énigmatique pour moi) et qu’elle avait eu au moins 5 enfants. Elle était décédée avant 1745, avant les mariages de plusieurs de ses enfants à Fénery et Amailloux, deux villages de Gâtine.

Je ne pouvais que supposer sans pouvoir l’affirmer que, avant d’être mère, Marthe avait été une fille qui avait grandi au milieu des chirons et ruisseaux de Gâtine !

Chirons1
Paysage de Gâtine

Je ne veux pas dire que je l’ai beaucoup cherchée, mais souvent, oui ! Son prénom plutôt rare et son nom pas si fréquent me laissaient l’espoir de l’identifier plutôt facilement, mais ce fut pendant longtemps en vain. La situation s’est finalement débloquée parce que je lui connaissais une sœur, Perrine Audebrand, présente en tant que tante à différents mariages des enfants de Marthe. J’avais aussi trouvé un fils à Perrine, sans doute unique et sans doute célibataire, Bonaventure Noirault, et c’était tout. Je ne connaissais même pas le prénom de son mari. Pour moi cette piste était définitivement fermée. C’est en cherchant en désespoir de cause l’éventualité que Perrine soit témoin à d’autres baptêmes, mariages ou sépultures (merci à la base de donnée Généa79 d’offrir cette possibilité de recherches) que la situation s’est enfin décoincée pour moi. En fouillant bien, je lui ai trouvé d’autres frères et sœur, et j’ai même, de fil en aiguille, trouvé des actes qui citaient ma mystérieuse Marthe, qui du coup l’est un petit peu moins.

Marthe Audebrand, est donc la fille d’un maréchal, Louis Audebrand, et de son épouse Marie Guignard. Le couple a eu au moins 6 enfants et ils sont de purs Gâtineaux ! Le père est peut-être né à Amailloux. Ils se sont mariés avant 1683 et ont vécu tout près de Parthenay, à Châtillon-sur-Thouet. Ils sont apparemment proches des autres artisans et tisserands du bourg. J’ai maintenant une petite idée de la jeunesse de mon ancêtre Marthe. Je n’ai pas sa place dans la fratrie, mais je sais que son frère Louis est mort jeune en 1691. Elle n’est pas citée au mariage de son frère Jean à Adilly en 1712. Elle est par contre présente au décès de sa mère la même année, au mariages de son frère Pierre à Amailloux en 1715 et de sa sœur Marie à Châtillon en 1716. C’est là que je perds sa trace. Dans quel petite paroisse de Gâtine s’est-elle mariée avec René Jourdain ? Était-ce en même temps que sa sœur Perrine ? Dans quel village le couple a-t-il vécu et donné naissance à 5 enfants ? Où et à quelle date Marthe est-elle morte ? Il me reste encore beaucoup à découvrir ! La Gâtine, terre de mystères je vous dis !

L comme : Lageon

Un article de Serge Jardin, membre du conseil d’administration du Cercle généalogique des Deux-Sèvres. Serge habite au cœur de la Gâtine et il est l’un des responsables des permanences de notre association à Parthenay.

Il n’est pas rare de trouver au hasard des recherches dans les registres paroissiaux des pages qui rompent la monotonie des actes répétitifs. C’est le cas particulièrement d’un registre de la commune de Lageon (BMS 1722-1792) qui cumule exposés-bavardages de curés, dispenses de consanguinité, morceaux de textes imprimés, brouillons de ce qui ressemble à la préparation d’un sermon.
Lageon, commune rurale de 350 habitants au nord de Parthenay s’appelait avant 1897 La Boissière-Thouarsaise, lieu-dit Boissière que l’on retrouve en direction d’Amailloux, près du château de Tennessus.

prêche
Première page de commentaires en 1740 (AD79)

Nous nous intéresserons plus spécifiquement aux écrits des curés. En janvier 1736, François David signe son premier acte comme « prêtre desservant de la paroisse » puis plus tard comme « prieur curé ». Il écrira son dernier acte le 16 février 1749 et sera inhumé le 03 mars 1749. Entre 1740 et 1748, chaque fin d’année, il rédigera un résumé des événements marquants de l’année. Il parle pêle-mêle de sa vie, des travaux effectués dans les biens de l’église, du temps (pluie, froid, sécheresse), des animaux (achats, mortalité), de ses démêlés judiciaires, du prix des certaines denrées, principalement « bled seigle » et vin, et un peu de la situation internationale (guerres).
J. Guibert lui succède dès le 2 mars 1749 jusqu’au 2 janvier 1767. On ne trouve pas trace de son décès à La Boissière-Thouarsaise. Les premières années, il se cantonne à baliser dans le registre les grandes étapes de la vie des paroissiens. De 1754 à 1762, il reprend la chronique de son prédécesseur, la teneur y ressemblant la première année, mais se singularisant à partir de 1755. Il parle un peu des prix des denrées et du temps, mais sans transition il expose beaucoup plus la vie politique (tentative de régicide, rubrique nécrologique du pape et des rois, situation des Jésuites en France, puis leur expulsion), des événements sismologiques ou climatiques (tremblements de terre, notamment celui de Lisbonne de 1755 ; influence de la lune sur le climat) et particulièrement la situation internationale, surtout les guerres, en Europe, en Asie, en Afrique, dans le nouveau monde, avec la guerre de sept ans. Il liste un état très détaillé des différents conflits et des forces en présence. On éprouve un sentiment de malaise devant le catalogue des batailles et la litanie des morts (très impressionnant). Face aux écrits de ce prêtre, on est partagé … entre la consternation devant sa fascination des guerres et des chefs militaires, le peu d’empathie envers les victimes … et la stupéfaction face à la mine de renseignements rapportés (les forces en présence, les commandements des différents corps, l’analyse des stratégies, les bilans matériels et humains) : on se demande comment toutes ces informations peuvent arriver si régulièrement, si précisément et si vite au fin fond de la Gâtine.
Nous ne pourrons malheureusement pas connaître les commentaires suivants et en particulier ceux relatifs à la fin de la guerre de sept ans, non par décision du rédacteur mais malheureusement car les registres sont lacunaires à partir de 1762. Peut-être ceux-ci avaient-ils continué… ?
On a là des exemples qui montrent à quel point la vie pendant l’ancien régime était aussi faite de batailles fréquentes et donc de réquisitions et de morts.

Pour être plus complet, on trouve également au milieu des actes :
-des textes de prêche ? (brouillons) : 71/306, 72, 77, 79, 80
-des morceaux de textes d’époque imprimés : ordonnance du roi : 90, 94 ; mandements d’actions de grâce par l’évêque de Poitiers : 119, 123
-des dispenses de consanguinité de l’évêque de Poitiers : 157, 182

Pour les passionnés, on trouve par ailleurs des textes en latin : folios 151/264, 152, 154, 155 des BMS 1645-1721 de La Boissière-Thouarsaise.

La retranscription de l’intégralité des notes des curés David et Guibert est accessible en cliquant ici.

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Dispense de consanguinité (AD79)

 

 

K comme : Kriegsgefangener – 1915-1919

Julien Baraton, prisonnier de guerre à Meschede et Hamelin (Allemagne), quatre ans loin de la Gâtine.

Le troisième article de Caroline Cesbron du blog La Drôlesse est écrit en collaboration avec son cousin Vincent Moreau.

15 août 1914, de Parthenay en Gâtine, à Nancy et ses environs en Lorraine.

1Julien est né en Gâtine, à Verruyes, au moulin de la Roussière en 1887. Après avoir fait deux ans de service militaire, de 1908 à 1910, il a épousé Léonie en 1913. Mais le 1er août 1914, la mobilisation générale est ordonnée. Comme tous les hommes en âge de combattre, Julien rejoint son régiment, le 114e RI à Parthenay, et arrive au corps – comme on dit – le 4 août 1914, plein d’entrain et de fierté. Il est affecté au régiment de réserve qui vient de se créer, le 314e RI. Le caporal Julien Baraton, vingt-sept ans, a déjà fait vingt-quatre mois de service militaire de 1908 à 1910. Le 314e RI, composé entre autres de réservistes de Gâtine, appartient à la 117e brigade d’infanterie, 59e division d’infanterie, 9e région, 2e groupe de réserve. Julien part aux armées le 14 août. Le 15 août, le régiment défile dans les rues de Nancy puis cantonne, à quelques kilomètres, à Pulnoy*, pas très loin du 125e RI et de Louis Victorien Désiré Dutin, le cousin de sa femme. Le 314e RI veille sur la Seille, la rivière lorraine qui délimite les territoires des belligérants, protège ainsi Nancy et son Grand-Couronné, et participe aux batailles de Sainte-Geneviève (août 1914) et de la forêt de Champenoux (septembre 1914). La fin de l’année et le début de 1915 furent apparemment calmes.

13 février 1915, la catastrophe du Signal de Xon

Autour de Nancy, plusieurs collines ont un intérêt stratégique, dont celle du Xon, sur la commune de Lesménils. Cette motte d’une hauteur de 356 mètres offre une vue imprenable sur la plaine, et est occupée depuis septembre 1914 par les Français. Les Allemands sont juste en face, à moins de 500 mètres. Le 13 février 1915, après des mois de calme, une lourde canonnade en provenance du camp ennemi assourdit tout le monde. En quelques heures, le Signal de Xon est devenu allemand, les soldats de la 20e compagnie du 325e qui le gardait sont morts ou prisonniers. Du 13 au 16 février, les ripostes françaises pour reprendre cet endroit tactiquement important sont totalement désordonnées. On appelle des renforts mais sans aucune coordination ou plan réellement pré-établi. Les 18ème, 21e et 22e compagnies du 314e arrivent ainsi dans la soirée du 13 février, en ordre dispersé, et se font cueillir par les Allemands. Le capitaine Cochin du 325e RI meurt héroïquement le 14 février, à l’avant de ses troupes.

14 février 1915, Vive la vie, Adieu la liberté !

Julien est porté disparu depuis cette même date du 14 février 1915. Léonie, la jeune femme de Julien, sera rassurée quelques semaines plus tard sur le sort de son mari. En mars, la nouvelle se répand dans la famille que Julien est prisonnier, et non plus disparu ou pire encore. Le soulagement est immense à Verruyes, en Gâtine.

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19 mars 1915, lettre de Victor Niveau, le frère de Léonie, à son oncle et sa tante, Célestin Babin et Louise Niveau, mes arrières-grands-parents.

Le Xon a été finalement repris par l’armée française le 18 février, au prix de 1250 hommes hors de combat, morts, disparus, prisonniers. Aujourd’hui, la gêne, voire la honte de l’avoir perdu est palpable à la lecture des documents. Les 277e RI et le 18e Chasseurs qui ont permis la victoire le 18 février, sont mis régulièrement à l’honneur dans les récits de cet épisode. Deux régiments peu cités voire oubliés très souvent : le 325e, certes fautif dans la perte de la colline mais qui le soir même affrontait à nouveau les Allemands et le 314ème RI arrivé vers 20h en soutien, sans plan pré-établi de contre-attaque mais répondant aux ordres. Deux régiments sacrifiés avant la mise en place à partir du 16 février d’une véritable stratégie, et la victoire le 18 février.

Du Xon en Lorraine à Meschede en Rhénanie du Nord

4Si Julien a réussi à échapper au massacre du Signal de Xon, il a pris le chemin des camps allemands dits de prisonniers ou encore d’internement voire de concentration selon certaines appellations retenues dans les documents. Selon toute vraisemblance, il a été transféré dans un premier temps à Meschede, en Rhénanie du Nord-Westphalie, comme l’indique sa fiche militaire puis a été évacué vers celui de Hamelin, près de Hanovre, les deux camps étant distants d’une centaine de kilomètres. Par méconnaissance du statut à donner aux prisonniers de guerre, il a peut être fait le chemin vers Meschede à pied ou dans un wagon à bestiaux****. Les Allemands, certains de leur victoire rapide, au début des hostilités, n’ont pas anticipé l’afflux de prisonniers, engendré par leur avancée sur Paris, à l’automne 1914. Les camps de prisonniers ne sont pas opérationnels pour recevoir autant d’hommes, ou pas encore aménagés en cette fin de première année de guerre. Beaucoup de prisonniers meurent durant l’hiver 14.

Meschede, rectangulaire, est entouré de plusieurs rangs de fils de fer barbelés, très serrés et très hauts, et situé sur une colline qui domine la ville : il est composé (en décembre 1914) de 2 baraquements en planches, pouvant loger 100 prisonniers chacun, et de plusieurs bâtiments servant aux magasins et cuisines, à un lazaret, logement du gardien, des soldats et officiers qui gardent le camp**.

5Des transformations du camp sont initiées au début de 1915. Une route principale est créée dans le camp, avec des allées transversales et des trottoirs en ciment. Les conditions semblent s’améliorer avec la création de sanitaires dignes de ce nom et la constructions de nouveaux baraquements. La palissade fait désormais 4 mètres de haut, formant un chemin de ronde, il y a aussi une autre clôture de 3 mètres de haut, des sentinelles aux quatre coins du camp qui sont installées dans des observatoires de 8 mètres de haut. tout autour du camp, des mitrailleuses, des 71 de campagne et de puissantes lampes électriques***.

La vie des prisonniers reste extrêmement difficile en ces premiers mois de guerre, en plein hiver, et leur quotidien diffère énormément d’un camp à l’autre. Le typhus en 1915 fait plus de 2 000 morts à Wittenberg, à Cassel****. Près de 20 000 prisonniers français au total mourront en Allemagne*****.

Jusqu’en 1919, à Hamelin ou Hameln, près de Hanovre

6La Convention de la Haye, signée par 44 pays en 1907, doit régir le sort et la détention des prisonniers mais elle n’est pas appliquée. Cela commence à se savoir, et les protestations des belligérants déclenchent les visites de représentants des pays neutres, comme la Suisse et l’Espagne ou encore de la Croix Rouge.
7Julien apparaît sur les fiches de La Croix Rouge en 1916, le 26 février, lors d’une visite d’inspection de l’organisation. La pièce le concernant est la n° P 34498. Le recensement concerne les soldats français internés au camp de Hamelin (ou Hameln, en allemand). Quand Julien est-il arrivé à ce camp ? Travaillait-il dehors, à la ferme dans le respect du statut de prisonnier de guerre ? Beaucoup de questions encore sans réponse… En tout état de cause, la fiche indique Julien Baraton, Caporal, du 314e d’infanterie, capturé à Don (en fait le signal de Xon), originaire de Versugen (sic ! En fait Verruyes), et prisonnier n° 11565.

Le numéro de prisonnier correspond bien à celui que Julien indique sur chaque carte postale, adressées à Léonie ou à la famille pendant sa captivité. Très peu de mots, aucune information, jamais de date. Pas de numéro de régiment sur l’uniforme.

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Julien a été rapatrié au centre de Dunkerque le 12 janvier 1919. Il retrouve sa Gâtine natale, Verruyes, après quatre ans de captivité. Il obtient sa carte de combattant le 11 janvier 1931. Le 314e régiment d’infanterie ne compte aucune citation et a été dissous en 1916. Julien n’a reçu aucune médaille. Prisonnier de guerre pendant la guerre n’était pas une situation enviable, mais cela ne l’est pas plus après la guerre.

Plus de 600 000 Français prisonniers ne sont pas considérés comme des combattants, et les décédés en captivité ne se voient accorder la mention Mort pour la France qu’en 1922.*****

14Julien Arthur Hubert Baraton. Julien… Personne ne l’a jamais appelé comme ça. Jamais. Encore aujourd’hui, ma mère, sa petite cousine par alliance, Gérard et Alain, ses petits-enfants, ne l’ont toujours connu que sous le prénom d’Ernest. Allez savoir pourquoi ! Il s’agissait peut-être de son prénom de baptême, souvent différent de celui, de ceux, de l’état civil. Ernest est parti en 1970, à l’âge de 83 ans, emportant avec lui les détails de son histoire, celle d’un jeune homme de Gâtine, réchappé par miracle d’une des plus grandes boucheries de l’Histoire du XXe siècle.
Un homme sur des millions à qui nous devons notre liberté aujourd’hui.


* Historique du 314e Régiment d’infanterie – Saint-Maixent, Imp. Charoussant-1920
** Site chtimiste.com
*** Site prisonniers de guerre 1914-1918
**** Site Chemins de mémoire – Les prisonniers de guerre français 1914-1918
***** Site du centenaire 14-18 – L’image des prisonniers de guerre

J comme : Jureur ou non Jureur

Le 2ème article de Marc Bouchet.

État du clergé dans le canton de Champdeniers, pendant la période révolutionnaire.
Réf. Archives départementales des Deux-Sèvres et état du clergé, de l’année 1800, réf. Archives diocésaines de Poitiers.

Dans le canton de Champdeniers, comme dans la plupart des paroisses de la Gâtine et du Sud des Deux-Sèvres, sauf dans le Bocage, la plupart des prêtres ont prêté le serment à la Constitution Civile du Clergé du 27 novembre 1790.
Les prêtres de ce canton, sauf l’un deux, Arsène Largeau, appartiennent à des familles aisées, petite bourgeoisie locale, artisans, commerçants. Réf. Leur succession après décès. Bureaux cantonaux.

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Les curés jureurs

  • Louis René Hercule Terrasson, excuré de La Boissière-en-Gâtine, il demeure à Saint Denis. Il a prêté serment le 1er jour complémentaire de l’an V. (déjà présenté pour le blog).
  • Jacques Guillemoteau. Il est fils de Jean et Marie Guillon. Prêtre assermenté, il habite Xaintrais, sa fonction est d’être agent municipal du canton de Champdeniers. À ce titre le 13 messidor de l’an VI, avec les citoyens Philippe Augustin Delmotte et Hilaire Debout, gendarmes de la résidence du canton de Champdeniers, en vertu de la loi du 18 messidor, concernant les visites domiciliaires, il va faire la visite de la maison du Breuil. Cette visite s’est effectuée dans tous les appartements et endroits qui paraissaient suspects, ainsi que les granges. La citoyenne Brochard, propriétaire de la maison, a accompagné l’agent municipal et les gendarmes pendant la visite. Aucune personne suspecte n’a été découverte.
  • Gabriel Guirault La Rante demeure à Xaintray, n’a pas prêté serment à la constitution et n’exerçait pas le culte avant ni après la loi, car trop âgé. Le 9 février 1786, il agit en faveur comme curateur de Jacques Benjamin Lambert, son neveu clerc, mineur émancipé, étudiant au grand séminaire d’Angers.
  • Jacques Benjamin Lambert, assermenté demeure à Surin, est agent municipal. Il a été baptisé le 19 septembre 1763, à Xaintray, fils de Jacques et Marie Rocquier. Il a succédé à l’abbé Morin, prêtre de janvier 1782 jusqu’en 1791 à la paroisse de Surin.
  • Charles André Texier, ex-curé de Sainte-Pezenne, assermenté, demeure à Champdeniers, il remplit la fonction de secrétaire de l’administration cantonale. Pensionnaire ecclésiastique. Il a été curé de Sainte-Pezenne jusqu’en décembre 1792.
    Le 20 février 1773, son père, André Texier sieur de la Caillerie, demeurant au logis de la Basse-Folie à Germond, donne une pension viagère de 80 livres, payables chaque année, pour seconder la vocation de son fils, à l’état ecclésiastique, clerc tonsuré, demeurant au séminaire de Poitiers, paroisse de Saint-Porchaire dès son entrée dans l’état de sous diacre. Réf. Acte passé devant le notaire Pruel. 3 E 1433.
    Dans la lettre adressée au préfet, le 27 floréal de l’an X, il écrit à propos de lui-même, qu’il a 51 ans, natif de Germond, comme on l’a vu plus haut, qu’il n’est pas marié. Il prie le préfet de s’informer auprès des habitants de Sainte-Pezenne, dont il a été curé pour savoir s’il aurait la confiance des habitants de cette commune. Il souhaite retourner à Sainte-Pezenne, si on y établit une succursale. Et s’il ne peut retourner dans son ancienne paroisse, dit-il, le préfet pourrait s’informer auprès des habitants de Champdeniers, d’Échiré ou de Saint-Maxire, pour savoir si on lui fait confiance. La lettre se termine par des formules où perce la flatterie. Ainsi il demande « la protection, l’estime et les bonnes grâces du préfet ». Il conclut en affirmant son désir de régler sa conduite de manière à n’agir  « que conformément aux intentions du gouvernement, à le faire aimer ainsi que tous ceux qui gouvernent. » Comme on le verra plus loin, il déteste Joseph Ayrault, curé légitime de Champdeniers.
  • Pierre Louis Brelais, habite Champdeniers, n’a pas prêté serment et n’exerçait pas le culte catholique avant ni depuis la loi. Son certificat de résidence du 1er jour complémentaire atteste bien qu’il est pensionnaire ecclésiastique. Il est né à Champdeniers le 12 mars 1731 et baptisé le 13 du même mois.
    Il est pensionnaire ecclésiastique et par patriotisme, il a offert une somme de 129 francs en numéraire, somme qui lui était due par le trésor public pour sa pension pendant le 1er semestre de l’an V. Ce don a été fait pour la descente en Angleterre. Les administrateurs des Deux-Sèvres adressent le 7 ventôse an VI aux administrateurs de Champdeniers un courrier pour dire qu’ils applaudissent à son patriotisme. Réf. L 47.
    À son sujet, en réponse à un courrier du préfet qui veut savoir quels prêtres sont domiciliés à Champdeniers, Charles André Texier, envoie une lettre, le 27 floréal de l’an X. Il précise que Brelay est âgé de 72 ans, natif de Champdeniers, assermenté, qu’il n’exerce plus depuis 1794. Il n’est pas marié. Il était autrefois curé de Cours. « On aurait certainement de la confiance en lui ». À cause de son âge avancé et de ses infirmités, il est empêché d’exercer activement la fonction de curé ou de desservant. Il dispose d’un revenu annuel de 3 à 4000 francs.
  • Joseph Ayrault, né à Poitiers, le 15 juillet 1731, fils de Michel Pierre, chirurgien de l’Hôpital général de Poitiers et Catherine Elie. Curé assermenté, de Champdeniers. Il est chef de bureau de l’administration municipale. Considéré comme schismatique. Il a fait sa déclaration le 7 messidor an VI et a certifié n’avoir pas rétracté les serments prescrits par la loi du 14 août 1792 et du 5 fructidor de l’an V et a affirmé ne pas avoir l’intention de le faire. Il a déclaré lors de son serment qu’il regardait « comme un des devoir les plus sacrés pour un citoyen d’obéir aux lois de son pays. » Réf. L 96.
    Il est pensionnaire ecclésiastique en l’an V. Dans un tableau des pensionnaires ecclésiastiques, on note qu’il touchait 1500 francs de pension avant le 2 frimaire de l’an II. Réf Série V.
    À son sujet, Charles André Texier écrit au préfet des Deux-Sèvres qu’il est âgé de 67 ans, natif de Poitiers, assermenté. Il exerce à Champdeniers dont il était curé. Il n’est pas marié. Et d’ajouter une critique à l’égard de Joseph Ayrault. « Je vous dois la franchise et la vérité, précise le citoyen Texier, je vous apprends peut-être qu’il n’inspire et n’inspirera jamais aucune confiance à la majeure partie des habitants de cette commune. » Il les a indisposés et irrités et contre lui et contre les prêtres assermentés. Texier l’accuse de « malhonnête intolérance », d’avoir éloigné du culte catholique des personnes religieuses qui l’ont quitté et ne reviendront pas. Ces mêmes personnes protestent tant qu’il exercera dans la commune. Et Texier de demander au préfet de l’envoyer dans une autre paroisse ou succursale, pas trop éloignées de son domicile actuel. Unique concession dans le rapport, Joseph Ayrault est jugé de bonnes mœurs.
    Joseph Ayrault était en fonction depuis 1783 et y était encore, le 21 décembre 1792. Il remit les registres de l’état civil aux officiers publics mais il continua de signer les registres comme officier public.
    Le 29 floréal de l’an VIII, Ayrault écrit une lettre au préfet Dupin dans laquelle il dit avoir exercé paisiblement ses fonctions depuis 18 ans et s’être conformé aux lois. Il dénonce Texier, alors ministre du culte à Souché qui s’est rétracté. Texier apporte le trouble dans la paroisse de Champdeniers où il exerce dans des maisons particulières. Réf. Léo Dessaivre Histoire de Champdeniers.
  • Noël Abel Pastural, ex-bénédictin de l’abbaye de Saint-Maixent, instituteur à Germond.
    Il est né le jour de Noël 1763 et a été baptisé le 26 décembre 1763, à Saint -Didier-sur-Rochefort, aujourd’hui département de la Loire, fils de Pierre Pastural, notaire royal et Jeanne Raisonnier.
    Il a prêté le serment à Poitiers, le 30 septembre 1792, « en la maison commune » devant le maire Mottet. Réf. Extrait du registre du directoire du district de Saint-Maixent. Réf. L 96.
    Selon le recensement de l’année 1798, il est arrivé dans la commune de Germond, en l’an IV, où il est instituteur. Il signe à partir de l’an VIII, en qualité de premier adjoint au maire, les actes de l’état civil. Il terminera sa vie curé de La Chapelle-Saint-Laurent. Réf. Archives communales de Germond. E dépôt 2 -1 D 1 à 9.
  • Arsène Léon Larjault, assermenté, habite Sainte-Ouenne. À partir de 1793, il est officier public et signe les registres d’état civil.
    Il est baptisé, le 17 novembre 1736, par l’abbé Bion, curé de Saint-Maxire. Il est fils d’Arsène Largeau dit Poictevin, cabaretier, et de Françoise Guitteau. Son parrain est Léon Jourdain de Villiers et sa marraine est Françoise Geneviève Jourdain. Le père ne sait pas signer. La famille Jourdain est une famille noble, dont le père Léon, chevalier, seigneur de Villiers, est enseigne colonel du régiment du Poitou.
    Arsène Largeau est vicaire de Saint-Maxire lors du décès de son père qui a été enterré, le 24 août 1769, à l’âge de 72 ans, à Saint-Maxire.
    Il fait une déclaration, le 9 messidor de l’an VI où il affirme être pensionnaire ecclésiastique et n’avoir pas rétracté les serments prescrits par la loi du 14 août 1792. Serments qu’il a fait, ajoute-t-il, dans les délais convenables. Terrasson a entériné et entériné sa déclaration le 17 messidor an VI. Réf. L 96.
    Il devient curé de Surin, où il décède le 3 mai 1811. À la différence des autres prêtres du canton de Champdeniers, assez aisés il n’a pas ni fortune ni fermes, ni rentes. En voici pour preuve la déclaration de succession faite par Louis Largeau, son frère, cultivateur, demeurant dans la commune de Villiers-en-Plaine qui affirme qu’il « dépend de la succession de desservant, que les meubles et effets détaillés » dans un état joint à la déclaration, d’une valeur de 480 francs. Réf 3 Q/7-52.

Les curés non-jureurs

  • François René Bonneau ancien curé et prieur de Germond, non-jureur. Il est parti en Espagne où il est décédé. Ce qui est confirmé par l’état du clergé du diocèse de Poitiers.
    Un acte de la justice de paix de Champdeniers du 7 floréal de l’an VIII, pour une demande en justice contre Me Bonneau, notaire public à Niort, contre Louis Bonneau de la commune de Breloux et contre Corbier veuf de la citoyenne Bonneau, « tous héritiers de François Bonneau, prêtre déporté. »Justice de Paix. L251.
    En effet à Breloux, près de La Crèche, est retranscrit l’acte de décès du dit Bonneau, décédé dans la paroisse de Sainte-Marie de diocèse de Pampelune, royaume de Navarre. Cet acte, extrait des registres des morts, commencé en 1770 et au verso de la 22ème feuille, à l’acte 40 et suivant, atteste que le 25 novembre 1800 « est mort François René Bonneau, âgé de 58 ans, ex curé de Germon au diocèse de Poitiers en France ». Il a reçu les sacrements et n’a point fait de testament. « Il a été enterré solennellement et avec les cérémonies accoutumées pour les prêtres. » L’acte a été rédigé par Joseph Ségara, curé de la dite paroisse de Sainte-Marie.
    Le 30 novembre 1800, deux greffiers publics du royaume de Navarre, Jean Antoine Moriones et Vincent Phelippe attestent que l’acte mortuaire délivré par Dom Joseph Ségara « mérite foi et confiance ainsi que tous les extraits mortuaires et autres actes d’Église qu’il délivre et signe. Et qu’on doit y ajouter foi tant en jugement que hors jugement. »
    François René Bonneau est remplacé le 3 juillet 1791 par Charles Garoteau, curé constitutionnel, qui a prêté le serment le 20 mars 1791. Il décède le 2 pluviôse de l’an II. Réf. Archives communales de Germond. E dépôt 2 -1 D 1 à 9.
  • Le 8 juillet 1790, Jean Maynier, (Mainier) de Germond, vicaire, donne la somme de 8 livres pour la contribution patriotique (pour le terme du mois d’avril et d’octobre).
    Jean Maynier fut aussi prêtre non assermenté, comme en témoigne l’acte de succession après décès, du 9 prairial de l’an II du bureau de Champdeniers. Ce prêtre est décédé à Poitiers, dans la maison des Carmélites, (où il devait se cacher) section de saint Porchaire, le 2 août 1793 à l’âge de 29 ans, selon la déclaration faite à la mairie de Poitiers, par Pierre Louis Jourde et Jean Jahau. La déclaration de sa succession a été faite par Basile Mainier, faisant tant pour lui que pour ses frères et sœurs, au nombre de 6 et par Marie Auguste Texier, receveur des domaines au bureau de Champdeniers. Les frères et sœurs sont héritiers pour chacun une partie et la République pour la septième partie. À savoir une borderie et ses dépendances situées sur la commune de Rouvres, pour un revenu supposé de 17 livres 17 sols et 9 deniers et un capital de 3860 livres 18 sols et 9 deniers. Plus la 8ème partie d’une tannerie, située au bourg de Champdeniers, abandonnée pour les rentes qui s’élèvent à la somme de 49 livres et 3 livres de ferme, ce qui fait pour la 8ème partie de ce capital la somme de 159 livres 7 sols et 8 deniers. Réf 3 Q /7 – 31.
  • L’abbé Morin, ex-curé de Surin, est mentionné dans un état des prêtres du canton de Champdeniers établi le 1er pluviôse de l’an VIII, qui ont été déportés pour n’avoir pas prêté le serment ou l’avoir rétracté, état signé Texier et Berthon. L’état précise qu’il est âgé de 58 ans, insermenté. Il a été sujet à la déportation, mais il a été trouvé sur le territoire de la République, depuis la Constitution de l’an III. Il a été déporté par ordre du directoire à l’île de Ré.

I comme : Interrogateur, Ratil… et autres fermes

Un article de Mauricette Lesaint qui est une de nos plus anciennes adhérentes. C’est donc une généalogiste fidèle mais aussi très active qui écrit le billet du jour. Elle a toujours vécu aux limites de la Vendée insurgée de 1793, de l’est deux-sévrien, entre Parthenay et Saint-Loup-sur-Thouet, à la partie nord-est angevine,  juste au-delà du Layon, ce qui lui a permis de sentir souvent ces traces de l’Histoire. Mauricette participe volontiers à la rédaction de notre revue et de notre blog.

Ma grand-mère Sidonie fut servante dans la ferme de Ratil en 1906, dit le recensement de population de Louin. Ratil est une des fermes près de la Pinsonnière.

Louin 1906 Lebout Sidonie Ratil 36 39
Sidonie Lebout recensée au Ratil de Louin en 1906 (source AD79)

L’eau n’est pas loin dans ces terres de granit et d’argile, les puits sont peu profonds, ce qui explique sans doute cet habitat très dispersé. Les maisons de ce coin de Gâtine étaient construites en petites pierres de granit et recouvertes de tuiles rondes.
La ferme avaient quelques prés et champs dans lesquels affleure souvent le granit et entourés de haies vives. La mare n’est jamais loin des bâtiments, les bêtes allaient s’y désaltérer.
Sur ces terres ingrates, avec quatre à cinq vaches laitières, quelques chèvres, deux cochons, des poules et des lapins, le fermier assurait la subsistance de sa famille. C’étaient des gens durs à la tache, qui ne sortaient de leur ferme que le dimanche.

Je les ai vus, dans les années cinquante, dans la boutique qu’avaient ouverte Sidonie et son mari après la grande guerre, café, épicerie et quelquefois salon de coiffure.
Les femmes allaient à la messe puis faisaient les achats indispensables. Pendant ce temps, les hommes jouaient à la boule en bois ou aux cartes suivant la saison, parfois se faisaient couper les cheveux, vidaient un verre au café, en discutant de la vache qu’ils avaient eu du mal à vêler, de l’influence du temps sur leur culture, puis rentraient à la ferme, prêts pour une nouvelle semaine de labeur.

interrogateur
L’Interrogateur, près de la Pinsonnière

Ces fermes : Ratil où fut gagée Sidonie ma grand-mère, Avec, l’Essai, l’Interrogateur, Réussi, le Curieux, le Temps et le Contretemps regroupées autour du hameau de la Pinsonnière, sont à cheval sur trois communes.
Elles furent construites juste avant 1881. Sur les recensements de population des communes Maisontiers, Louin et la Boissière-Thouarsaise, (Lageon depuis 1896), aucune de ces fermes ne figure en 1876 et elles y sont toutes en 1881.

Ma grand-mère Sidonie racontait que « ces fermes » appartenaient à un même propriétaire et que… chaque nom de ferme est le fragment d’une phrase.
Il existait déjà dans ce coin de Gâtine de pittoresques noms de hameaux et lieux-dits : La Pinsonnière, la Ronde, l’Orge-Boisseau, L’Ormeau-Pitry, l’Herpinière, Bel-Aise, Bellebouche, Puyrenard, la Roche-aux-Enfants, La Taverne, Rochemenue, les Viollières…
Pour nommer ces nouvelles fermes, le propriétaire utilisa une phrase…

Avec le temps et le contretemps, l’interrogateur curieux réussira-t-il l’essai ?

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Avec, le Temps et le Contretemps, l’Interrogateur, le Curieux, Réussi, Ratil, l’Essai