Un texte de Marguerite Morisson
Parthenay, haut-lieu de la culture régionale
UPCP-Métive, CERDO
Connaissez-vous la « Maison des Cultures de Pays », située au 1 de la rue de la Vau-Saint-Jacques, dans ce magnifique quartier médiéval de Parthenay ?
« O l’est la mésun André Pacher » du nom de celui qui lança l’idée, un jour de janvier 1968, au château de Brégion, d’une structure régionale qui regrouperait les associations culturelles du Poitou-Charentes. Il fallut un an de gestation pour qu’en 1969, naisse enfin « L’Union Poitou-Charentes pour la Culture Populaire » raccourcie par la suite en UPCP. Et l’UPCP est une belle quinquagénaire qui se porte bien !
C’est en 1969, à Gençay (86), que fut signé par André Pacher, président des « Pibolous » de La Mothe-Saint-Héray et Michel Valière, responsable de « la Marchoise » de Gençay, l’acte de naissance de L’UPCP. C’est donc à Gençay que se clôturera les 22 et 23 novembre 2019, le cycle des célébrations pour ce cinquantenaire, qui eurent lieu toute l’année, dans les 4 départements de Poitou-Charentes et en Vendée. Le spectacle « Pibole », à la gloire de l’Éducation populaire, y sera présenté : auteur Gérard Baraton, metteur en scène Michel Gelin, acteurs Gérard Baraton et Christian Pacher. Le sujet : l’accès à la Culture et la réussite dans la vie d’un jeune de la Marchandelle d’Augé, grâce à l’Éducation populaire.
Et ils sont nombreux aujourd’hui et bien connus, à avoir émergé de ce creuset : Yannick Jaulin, le conteur génial, défenseur de notre langue, bien connu en France, mais aussi en Amérique du Nord, actuellement en spectacle à Paris. Maurice Pacher, chorégraphe des « Ballets Populaires Poitevins », compositeur de chansons, mais aussi d’un opéra « Aunis » présenté sur toute la planète, de l’opéra de Rio à la Scala de Milan, de Montréal à Moscou, sans oublier Paris et Versailles et dernièrement à Niort au CAC, où il fut interprété par 4 danseurs étoiles de l’Opéra Garnier, accompagnés par nos deux accordéonistes virtuoses, Gérard Baraton et Christian Pacher. Christine Authier, prix Charles Cros, avec une chanson de Maurice Pacher est aussi « née » à ce moment-là, tout comme Jany Rouger, qui a terminé sa carrière comme directeur de « l’Agence Régionale du Spectacle Vivant ». Aujourd’hui retraité, il poursuit sa mission militante pour la sauvegarde de la culture orale et des traditions populaires, ses activités artistiques en tant que musicien et chanteur, et aussi ses activités électives comme 1er adjoint au maire de Saint-Jouin-de-Milly et vice-président du Bocage Bressuirais, chargé de la culture. Pardon pour tous ceux que j’oublie. Beaucoup ont fait carrière grâce à leur passion et sont les salariés de la « Maison des Cultures de Pays », faisant tourner cette énorme machine. Beaucoup d’entre eux sont issus des associations constitutives. Je pense aux Josette, directrice d’UPCP-Métive, aux Dominique, Chantal, Stéphanie, nos musiciens Gérard et Christian, sans oublier, Francis et Jean-François qui ont fait carrière ailleurs en France, mais toujours dans le domaine culturel. Il est impossible de les nommer tous.
Car l’UPCP fut à l’origine de ce formidable mouvement, unique en France. En peu de temps, une cinquantaine d’associations de Poitou-Charentes-Vendée, toutes membres de la Ligue de l’Enseignement, vinrent rejoindre l’UPCP. Plus de 2000 jeunes, convaincus, performants, (avec les moyens de l’époque !), en tout cas participant activement à tous les stages, enquêtes, ou réunions. Toutes ces associations, avaient pour but le sauvetage, la valorisation et la transmission de notre culture paysanne poitevine. Il faut dire aussi, qu’à ce moment-là en France, était né un mouvement de lutte qui militait pour le droit à la diversité culturelle.
Maguezite à Noirmoutier, Rachel Grimaud en Gâtine, deux témoins intarissables de cette culture orale paysanne, enquêtées par les jeunes. Elles ont donné un nombre incalculable de chansons, de danses, de contes, de coutumes, et de souvenirs extraordinaires. Au moins 10 CD à elles deux !
Car il fallait sauver cette culture de tradition orale, notre culture, nos racines, qui ont fait ce que nous sommes, cette richesse dont nos anciens étaient porteurs, mais que l’on avait ignorée, voire méprisée.
Notre langue poitevine-saintongeaise.
C’est bien elle qui fut le véhicule de tout ce savoir ! C’est ainsi, que de stage en enquête, de séminaire en université de printemps ou d’été, fut engrangé par des centaines de collecteurs, armés de cahiers, de crayons, d’appareils photos, de magnétophones à cassettes, ou à bande dans le meilleur des cas, ce considérable fonds d’archives sonores : 8 000 heures, ou audio-visuelles 800 heures ainsi que 45 000 clichés. Aujourd’hui gérées par le CERDO, (Centre d’Étude de Recherche et de Documentation sur l’Oralité) au sein de la Maison des Cultures de Pays, ces précieuses archives ont été conservées, rassemblées, numérisées, décrites, cataloguées.
Mais il y a encore du travail de décryptage des enquêtes à faire ! Pas une seule fois nous n’avons été gênés par la langue poitevine, très largement utilisée pourtant, que ce soit à Noirmoutier, où elle est semblable au « parlange » vendéen ou encore dans le sud de la Vienne ou dans le sud des deux Charentes ou la langue d’oc se faisait entendre.
On ne peut non plus citer ici tous les professeurs, ethnologues, maîtres de conférences dans des universités françaises, mais aussi étrangères qui ont fait des ouvrages sur ce sujet… sans oublier bien sûr le français de France et le français du Québec qui fit l’objet de sérieuses études. Plus près de nous Liliane Jagueneau, maître de conférences à l’Université de Poitiers, enseignante militante de l’association UPCP « Parlange vivant », Michel Gautier linguiste, Michel Valière ethnologue, sans oublier Jean-Jacques Chevrier de Gençay, à l’origine ouvrier du bâtiment puis enseignant. Il rédigea un mémoire sur « Jeux et jouets à base d’éléments végétaux » qui fut déposé à l’École des hautes études en sciences sociales. Car les enquêtes bien sûr portaient aussi sur l’artisanat, l’habitat, les modes de vie liés à un terroir (marais, plaine, bocage…), les témoignages oraux sur les conflits mondiaux, les souvenirs de jeunesse, la musique, les chants, les danses, les instruments de musique, les costumes, enfin tout ce qui pouvait concerner cette civilisation paysanne à jamais disparue.
Au début des années 80, est créé un atelier régional pour une meilleure connaissance de la langue poitevine, sa diffusion par l’édition, le spectacle et l’enseignement. La télévision régionale FR3 Poitou-Charentes, diffusera l’émission « Parlange » pendant une longue période.
Pour conclure ce paragraphe, je dirai qu’il n’est qu’à écouter notre poète Ulysse Dubois pour se convaincre de la vigueur de notre parlange poitevin-saintongeais. Si on l’entend de moins en moins dans les marchés ou dans la rue, il reste encore bien vivant dans le cœur des gens.
Quelques dates
Dès 1968, les Pibolous et la Marchoise de Gençay, reviennent du concours national de folklore à Dijon avec le collier d’argent.
C’est aussitôt la création des Ballets Populaires Poitevins, formés des meilleurs musiciens et danseurs de tous les groupes qui viennent de naître un peu partout.
Dés 1971 et les années qui suivront, c’est le lancement de l’opération OSTOP (Opération Sauvetage de la Tradition Orale Paysanne). Les vacances de février verront donc chaque année, 7 où 8 stages répartis dans les 4 départements plus la Vendée et l’île de Noirmoutier. C’est à ce moment-là que les collectes ont été les plus fructueuses. C’est aussi cette année-là qu’il va y avoir à Verruyes, un premier essai de spectacle « Les Paysans » qui préfigure les deux autres qui suivront en 1974 et 1976 : « La Geste Paysanne ». Il y eut aussi cette année là les premières « Rencontres Culturelles Régionales » à Poitiers où l’on monta une importante exposition de costumes traditionnels.
En 1972, vont être organisées les deuxièmes « Rencontres Culturelles Régionales » à Angoulème, avec présentation de tous les groupes et spectacle des Ballets Populaires Poitevins (BPP). En 1973, ce sera à Parthenay et en 1974 à Niort où la foule était impressionnante.

En 1974 : Première « Geste Paysanne » à Verruyes.
En 1975 : Festival en forêt de l’Hermitain et à l’abbaye de Celles.
En 1976 : Deuxième « Geste Paysanne » à Verruyes, mais aussi « Année Romane » décrétée par le Ministère de la Culture et festival « Off » autour de Verruyes.
Chaque groupe a par la suite monté des spectacles, des groupes de chant, et a cherché à se perfectionner. Ce seront les créations de spectacles de « l’ARCUP » à Cerizay, des « Pibolous » à La Mothe, des « Gens » de Cherves, de « la Marchoise » à Gençay, de « la Marchandelle » à Augé ou encore de « Saute-Palisse » à Juillac-le-Coq en Charente.
La grande décision
Entre 1978 et 1980, l’UPCP signe un partenariat avec l’ASF (Autoroutes du Sud de la France) pour installer aux Ruralies une vitrine régionale. C’est l’occasion pour l’UPCP de se doter d’une équipe de salariés. En effet le bénévolat a ses limites et la charge de travail était devenue telle, que les bénévoles ne pouvaient plus fournir. Un musée de la machine agricole y fut installé, qui a attiré bon nombres de voyageurs.
Malgré cette petite amélioration, l’UPCP a besoin d’un lieu spécifique à ses activités. En un mot on a besoin d’être chez nous !
C’est ainsi que nait l’idée d’un CRAR : Centre Régional d’Animation Rurale. Mais le projet se révèle impossible ; peut être trop ambitieux… mais en tout cas trop cher et l’emplacement difficile à trouver ! Il y a pourtant eu un nombre incalculable de réunions !
En 1990, c’est la naissance de « Geste Editions » et de « Geste scénique ». L’UPCP se dote d’outils de développement. Ce ne sera qu’en 1993 que sera inaugurée « La Maison des Cultures de Pays », ou « Mésun André Pacher » dans des locaux proposés par la ville de Parthenay. Elle devient alors UPCP et Métive, puis peu après UPCP-Métive, dénomination labellisée par le ministère de la Culture. En effet, il s’est établi un partenariat entre l’UPCP et la structure nationale du secteur des musiques et danses traditionnelles. Relations aussi avec la TGB (Très Grande Bibliothèque) à Paris. Le CERDO, lui, est né en 1994, pour mettre en valeur le fonds de documents.
Aujourd’hui à Parthenay
Depuis 1993, la ville de Parthenay et le département peuvent s’enorgueillir d’une animation de qualité. Tout le monde connait « Le festival de Bouche à Oreille » qui attire chaque année depuis quelques décennies, la foule des passionnés de leur culture et des artistes de qualité venus du monde entier. Ce sont aussi les rencontres, les expositions, les ateliers de musique et de danse, les spectacles, sans oublier les écoles de musique traditionnelle où des centaines de jeunes ont pu se former et jouer de l’instrument de leur choix. UPCP-Métive c’est aussi une bonne quarantaine d’associations réparties en Poitou-Charentes et Vendée. Tout ce travail est soutenu par le département et la région.
Pardon pour tous les oublis et les oubliés. Quelques lignes sont bien insuffisantes pour dire cette belle histoire, née il y a maintenant 50 ans et qui continue aujourd’hui encore à prouver combien nous sommes attachés à ce terroir, à nos racines, à notre culture.
Merci ! 🤗
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A la lecture de cet article, j’éprouve un immense regret : celui de n’avoir pu participer à cette belle expérience. Merci de nous rappeler tous ces bons moments si riches de notre histoire locale.
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Ca tombe bien, la Nouvelle République du jour, parle d’un des plus brillants élèves de l’UPCP.
https://www.lanouvellerepublique.fr/deux-sevres/commune/melle/quand-patois-rime-avec-culture-et-ouverture
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Pour être franc :
Un article trop élogieux fait mal et celui-ci dès le premier paragraphe en lisant « Et l’UPCP est une belle quinquagénaire qui se porte très bien ! ». Il est bien vrai qu’il n’est pire aveugle que celui(ou celle) qui ne veut pas voir.
Cette glorification dans son aveuglement, peut-être même enluminée de mauvaise foi, contribue à remuer le couteau dans des plaies béantes et toujours saignantes car il reste quelques survivants de ceux qui y ont crus, de ceux qui se sont engagés dans cette belle aventure démarrée par André Pacher.
Mais voila aujourd’hui n’aboutit qu’à « faire tourner une énorme machine » permise à quelques uns d’y « faire carrière » dixit les mots même de Marguerite Morisson.
De dissociation des « virtuoses » à l’exclusion de centaines de « bénévoles » éliminés, disparus du mouvement « pour le droit à la diversité culturelle (Oups?)», place aux spectacles, aux élites et aux distractions… payantes…
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Bonjour. Vous n’avez de toute évidence pas le même point de vue que Marguerite Morisson et vous avez tout à fait le droit de l’exprimer. Cependant, dans le but de garder un caractère convivial à notre blog, je pense que le mieux est que vous en débattiez entre vous. Pour cela, Je me suis permis de lui communiquer votre adresse mail. Elle devrait vous répondre par ce biais.
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