Z comme les Z’écoliers de Terves

Un article de Raymond DEBORDE

Je ne pouvais imaginer parler de l’enfance en généalogie autrement que par le prisme de l’école primaire qui a occupé une grande partie de ma vie en tant qu’élève puis en tant qu’enseignant. J’ai choisi de parler de l’école et des écoliers de Terves, la commune qui a vu grandir tant de mes ancêtres.

À Terves, autrefois, si on était un garçon, on allait forcément à l’école publique et, si on était une fille, on allait le plus souvent à l’école « libre ». Cela n’a pas empêché certains garçons de devenir curés et certaines filles d’oublier leur catéchisme.

Plan de l’école

La 1re école municipale de garçons semble apparaître en 1834, tenue par un nommé Tissot qui reçoit un traitement annuel de 200 francs. Le conseil municipal suit à partir de cette date régulièrement les affaires scolaires, améliorant le traitement de l’enseignant, fixant la rétribution que doivent donner les écoliers, achetant du matériel, mais traînant des pieds pour faire construire une vraie maison d’école. En 1840, il fallait verser 1 franc 50 par mois pour apprendre à lire et à écrire, 2 francs pour le calcul et la grammaire en plus. L’école ne concerne que les garçons et elle est tenue par un instituteur laïque. Ceux qui se succèdent à ce poste sont souvent des jeunes gens issus du sud du département de culture plus laïque que dans le Bocage. Cela n’empêche pas certains de s’intégrer très bien puisque j’en retrouve mêlés à une belle et triste histoire d’amour. Avec les lois Ferry, l’école devient obligatoire. Ce n’est qu’en 1877-1878 qu’est construite une nouvelle école et qu’est demandé et obtenu le poste d’instituteur adjoint. Il fallait que les enfants soient bien sages ou les maîtres autoritaires car les classes pourtant toutes neuves sont très vite bien remplies Une étude statistique nationale de 1884 dit qu’il y a 2 classes et 2 maîtres, 95 élèves inscrits et 89 présents. 4 ont de 5 à 6 ans, 90 entre 6 et 13 ans et 4 plus de 13 ans. Il y a même un cours d’adultes avec 11 élèves. Les classes sont chauffées grâce à un poêle à bois. Il manque des bancs et des tables. La bibliothèque possède 235 volumes. La caisse des écoles bénéficie de dotation communale. Les fournitures ne sont données gratuitement qu’aux familles indigentes.

Parallèlement, les filles sont scolarisées dans une école libre depuis 1841, suite à la donation d’une paroissienne aisée, Mme Torterue de Langardière. Elle est tenue par la congrégation des Filles de la Charité du Sacré-Cœur. Certaines règles fixées sont strictes : « Cette donation ne servira qu’à l’enseignement des jeunes filles, sans que les garçons puissent en profiter. Cette école ne pourra être tenue que par des maîtresses appartenant à une congrégation religieuse ; ainsi seront exclues à toujours, les maîtresses laïques… Les sœurs devront faire réciter tous les jours aux petites filles de l’école un Pater et un Ave pour le repos des âmes de M. et Mme de Langardière à titre des fondateurs de cette école. » En 1885, après des années d’obstructions de la part de la mairie pour se conformer à la loi, une école publique de fille se construit et elle ouvre 2 ans plus tard mais elle n’aura jamais autant d’élèves que l’école privée. Pour éviter la fermeture de cette dernière en 1902 quand le gouvernement s’en prend aux écoles tenues par des religieux, la mairie autorise alors le port du costume « laïc » pour les enseignantes. Elle ferme toutefois en 1903 mais rouvre peu après sous une autre forme.

Comme beaucoup de mes ancêtres ou de collatéraux de mon arbre, mes parents fréquentèrent donc ces 2 écoles, mon père à l’école publique de garçons, ma mère à l’école privée de filles. Papa se souvenait de la déclaration des droits de l’homme affichée dans la classe, de son livre de lecture, Le Tour de la France par deux enfants… Maman se rappelle de son enseignante, une religieuse qui se faisait appeler Mlle Augustine avant-guerre et sœur Joseph pendant l’Occupation. À la récréation, c’était les jeux d’enfants comme la puce coupée… Je garde précieusement leurs photos de classe.

Pour tous les deux, l’école s’est arrêtée bien tôt, avec le Certificat d’études primaires (mention bien pour papa) et en plus pour maman celui des écoles libres (mention très bien). Ils auraient sans doute aimé aller plus loin mais l’époque ne le permettait pas. Ils gardèrent tous les deux foi dans l’instruction, ainsi que reconnaissance et confiance envers les maîtres et maîtresses.

Ils y ont appris à lire, à écrire, à compter, l’histoire, la géographie, les sciences et bien plus encore, mais peut-être pas grand-chose sur leur terroir et leur département. Le manuel de lecture préféré de mon père Le Tour de la France par deux enfants, évite malencontreusement notre belle campagne. Dans ceux de géographie, les enfants apprenaient : « Deux-Sèvres, préfecture Niort, sous-préfectures Parthenay, Bressuire… (et Melle » avant 1926) et seuls quelques gros plans sur les différentes cartes de France Vidal-Lablache permettaient aussi de connaître quelques particularités physiques et économiques des Deux-Sèvres.

Merci à Marie-Madeleine ALONSO et aux amis du Patrimoine de Terves, auteurs d’une exposition sur les écoles de la commune aujourd’hui associée à Bressuire.

PS : Les 2 photos de classe de mes parents donnent une fausse impression de mixité. Pour celle de mon père, je suppose que les garçons de l’école publique étaient photographiés avec les filles de l’école publique. Pour ma mère, je pense que les classes enfantines (on dirait maternelles aujourd’hui) étaient mixtes à l’école privée.

2 commentaires sur « Z comme les Z’écoliers de Terves »

  1. Merci, Raymond. Je retrouve bien la fierté de nos parents d’avoir « bien travaillé » à l’école, obtenu le certificat d’études « premier du canton ». La cohabitation tranquille des deux écoles dans la moitié nord du département me laisse un peu plus perplexe. Je sais que sortir de la règle entraînait de vives réactions. A Terves, on était probablement plus tolérant. En 1962 une enseignante angevine originaire des Deux-Sèvres disait « le pays des oies blanches et celui des oies grises » pour évoquer le partage du département au niveau scolaire.

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    1. Merci Mauricette. Il y a en effet de quoi être perplexe car Terves est situé dans un terroir très catholique. Je sais pas si c’est une histoire de tolérance mais les familles dans l’ensemble acceptaient très bien de mettre leurs garçons à l’école publique.

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