Un texte de Jean-Pierre Mortaud

C’est toujours avec grand plaisir que je lis le blog de Généa79.
En quelques lignes, je voudrais apporter ma modeste contribution au challenge lancé sur ce site pour cet été, en émettant une hypothèse que je soumets à la sagacité des lecteurs et à leur érudition ; il s’agit de savoir s’il y eut dans le 79 avant la Révolution et peu de temps après, dans le bocage bressuirais, à Boismé particulièrement, des moulins à vent en bois dits moulins à pivot jumelés le plus souvent avec des moulins à eau comme l’ont été les moulins à vent en dur (moulins-tours) dont certains sont arrivés jusqu’à nous,
Ma conviction est faite depuis ce printemps ; je dis oui mais je me sens un peu seul…
Voici l’histoire.
Mon arrière-grand-mère maternelle, née et décédée à Boismé, qui avait épousé en 1869 à Boismé toujours Pierre Joseph Fouchereau (1835-1873) de la même commune, s’appelait Mélanie Flavie Rambault (1840 – 1917).
Elle descendait de Jean Rambault (1767-1823) meunier avant et pendant la Révolution et jusqu’à son décès, au moulin des Guitèrières de Boismé.
Celui-ci avait trois frères qui furent également meuniers :
- Jacques (1748-1809) ( avec des réserves) au moulin de la Guiraire de Boismé,
- Louis (1775-1835) au moulin Libault de Chanteloup,
- Toussaint (1756-1830) au moulin de Thouaret de La Chapelle-Saint-Laurent.

Ce dernier retient notre attention.
C’est lui qui m’a conduit à m’intéresser à la famille Rambault car il reste de lui le portrait ci-dessus réalisé par Louise de la Rochejaquelein vers 1826. Ce tableau figure en tête de l’« Album vendéen, Légende revécue » publié en 1992 par l’« Association des descendants de la Rochejacquelein ». L’auteure a écrit sur la toile : « Père nourricier de la petite de Lescure ».
En clair, la femme de Toussaint, Jeanne Paindessous, fut choisie pour être au château de Clisson la nourrice du premier enfant, né le 30 octobre 1792, de Victoire de Donnissant épouse de Lescure, future marquise de la Rochejacquelein dont les Mémoires sont bien connus. (Pour Toussaint Rambaut voir sur internet l’excellent article de la Maraîchine normande)
Le 18 mai 1793 au soir, Jeanne Paindessous à son tour enceinte (de sept mois) ne voulut pas suivre la marquise au château de la Boulaye et cessa ses fonctions ; l’enfant « fut mis en sécurité », écrit la marquise, pour trois semaines, chez les Charri (Charrier) et Texier de Courlay ; sa mère la récupéra à la Pommeraie le 9 avril pour la garder avec elle y compris pour le passage de la Loire etc. etc.
Toussaint qui avait été blessé au combat de La Châtaigneraie en avril 1793 perdit son épouse en 1794, se remaria en 1795, abandonna le métier de meunier vers 1813 et fut le reste de sa vie journalier à la Ménaudière de Boismé.
Revenons à nos moulins.
Quand le meunier des Guitèrières de Boismé, Jean Rambault dont je descends mourut en 1823, deux ans après avoir perdu son fils aîné, petit meunier âgé de 18 ans, il laissa en héritage aux deux enfants survivants un petit pactole : deux maisons, une grande grange, 9 hectares de terres avec une source et deux moulins :
- L’un à eau aux Guitèrières de Boismé (Encore en état de marche en 2022)
- Un autre à vent, moulin-tour (Encore debout ) sur Chiché, appelé sur la carte d’état-major de 1860 « moulin du Gourneau » et connu « de mémoire d’homme » des gens de Boismé sous le nom de « moulin à vent des Guitèrières ».
Là est le problème.
Question :
Pourquoi le 2 septembre 1833 lors de la rédaction de l’acte notarié (que nous avons) liquidant la succession-partage, les « deux moulins des Guitèrières » considérés comme « jumeaux (l’un à eau et l’autre à vent) sont-ils sur deux communes différentes alors qu’en 1811 ils étaient tous les deux sur Boismé !
• En effet, sur le cadastre de Boismé établi en 1811 ( Bien avant soit dit en passant les cadastres de la plupart des autres communes du département) il est clairement indiqué (ci-dessous) en toutes lettres « Moulin du Guitèrière » sur la rivière et « Moulin à vent du Guitèrière » sur une parcelle de terrain plus au nord ; les deux sur Boismé.

Notez que la parcelle contenant le moulin à vent est bien définie, au nord , sur Boismé, chemin de la Ménaudière ; le rond du moulin à eau est près du chiffre 27 en bas, sur le Thouaret ; son nom est coupé.
• D’ailleurs aux Archives, l’état des moulins (ci-dessous) établi en 1809 par le département fait bien apparaître ces deux moulins jumeaux sur Boismé : (dits « le Guitèrière »).

- En revanche si le cadastre rénové de Boismé de 1970 (ci-dessous) confirme bien l’existence du « moulin à eau des Guitèrières » il ne fait plus mention du « moulin à vent du Guitèrière » sur Boismé.
La petite parcelle où nous l’avions trouvé en 1811 est bien reconnaissable ici (sous le S de Guitèrières, ci-dessous). - Il apparait aussi que quatre parcelles touchant la petite où le moulin était antérieurement implanté s’appellent « champ de moulin ».
Nous en reparlerons.

Conclusion partielle :
Le « moulin à vent du Guitèrière » inscrit sur Boismé qui produisait de la farine en 1809 et fut porté au castre de 1811 n’est pas cité dans l’acte notarié de 1833, qui partage la succession de Jean Rambault et en 1970 il ne reste plus que la mémoire de ce moulin dans les noms des parcelles.
Un nouveau moulin à vent situé sur Chiché l’a remplacé ; l’acte notarié fait référence clairement à un moulin situé près de Champ de la Croix sur Chiché que nous connaissons comme étant un moulin-tour en dur situé à l’est du village tout proche du Gourneau.
Pour faire court, disons que Jean Rambault qui avait fait de bonnes affaires, a acquis à une date qui resterait à préciser (1815 ?) ce moulin à vent en dur en lieu et place de celui dont nous avons constaté la disparition. Voici le nouveau moulin.

- « Lot 12 – Une petite pièce de terre sur Chiché dite le cercle de l’asinien du Moulin à Vent avec la haie qui renferme cet emplacement ». Me Henry Jules Texier notaire à Moncoutant, acte passé et signé à La Chapelle-Saint-Laurent le 2 août 1833.
- Ci-contre, à droite, émouvant souvenir : une meule restée sur en place.

Alors, quid du moulin disparu
Mon cousin Michel Fouchereau hélas décédé récemment, était la mémoire des lieux. Né aux Guitèrières (comme ma mère) et y ayant fait sa maison il me disait sans cesse : « le moulin à eau des Guitèrières c’est celui que nous avons encore sous les yeux, sur Boismé, et le « moulin à vent des Guitèrières » il est sur Chiché, de l’autre côté de la rivière »…
Perplexe pendant des mois je continuai à écrire pour mes petits-enfants l’histoire de Toussaint Rambault « Père nourricier de la petite de Lescure » et de sa femme Jeanne Paindessous. Je scrutais aussi les cadastres et constatai un jour d’autres cas de disparitions de moulins à vent, partis sans laisser la moindre trace.
Dans le même temps j’observai que les cadastres les cartes routières et les plans des rues des communes signalent en grand nombre des champs du moulin, chemin du moulin, rue du moulin sans qu’il soit possible de trouver la moindre trace bien souvent.
C’est le cas des moulins à vent du village dit le Moulin aux Grains de Boismé (signalé aussi en 1811), du moulin à vent de Courberive près de l’étang sur Pugny, du moulin à vent du Libaut à Chanteloup près de la Touchotière, celui de la Marchetière de Chiché, celui de Puy Chevrier sur Boismé etc. Bref : la toponymie nous renseigne sans rien expliquer.

Dernier coup d’œil au cadastre de 1811 de Boismé. Tous les moulins sont là… en 1811…

Le moulin à vent « du Guitèrière » en 1811 (ci-dessus) chemin de la Ménaudière, était à peu près au centre de la photo, là où se trouve l’arbre en boule isolé.
Il me plait de penser qu’il y fut planté pour le souvenir. Les quatre petites parcelles dites « champ du moulin » ont été rassemblées au remembrement.
Au fait : les paysans d’aujourd’hui savent-ils encore comment s’appelaient autrefois les champs qu’ils exploitent ?
Vers une explication
Je suis porté à croire que jusque dans les premières années du XIXe siècle, il y eut dans nos campagnes du bocage moins riches en eaux que la Gâtine, des moulins en bois dits à pivot ou chandeliers.
Leur construction s’apparentait à un travail des charpentiers de marine. C’était des moulins artisanaux voire familiaux, peu productifs, en général tolérés par les nobles et les abbés. Les châteaux et les abbayes se réservaient en plus des étangs et moulins à eau, les moulins à vent en dur qui nécessitaient de forts investissements et dégageaient de bons revenus.
Les petits moulins en bois, peu ou pas taxés, moulins d’appoint en quelque sorte, pouvaient être vendus, démontés ou déplacés ; d’où la multitude de parcelles rappelant le souvenir d’un moulin déplacé ou abandonné, ruiné etc.
Avec le plus souvent un socle en bois ils ont disparu sans laisser de traces.
Ailleurs, quelques moulins à vent en bois





En guise de conclusion et en attendant les avis commentaires et contributions des lecteurs, je ne saurais oublier de lancer une recherche : peut-être reste-t-il quelque part un dessin voire une photo du moulin à vent le plus original du bocage qui fut le Moulin à vent de Noirterre : « le Moulin à six ailes » !
Je suis bluffée par cette belle recherche. Actuellement les archives de Maine et Loire ont une exposition qui peut vous intéresser : Exposition Moulins et meuniers d’Anjou, du Moyen Âge au XXe siècle, du 10 mai au 23 septembre 2022, 106 rue de Fremur à Angers (voir sur https://archives.maine-et-loire.fr) Comme ce sont deux départements voisins, avec une histoire commune…
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Merci chère amie. J’adore lire ce blog !!!!!Cordialement
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Bonsoir,
Merci pour cet article concernant les moulins de notre ancêtre commun Jean Rambault et sa femme Marie-Anne Rochard.
Au plaisir d’échanger
Amicalement
Sophie
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Merci d’accueillir ainsi cet article que j’aurais dû relire avant parution(!!!!!))
J’aimerais beaucoup avoir l’avis d’un expert. Peut-être trouvera-t-on un jour un texte faisant allusion à ce genre de moulins venus compenser dans le bocage bressuirais le manque d’eau.qui empêchait souvent de faire tourner les moulins à eau.
Les nombreux moulins à vent « tours » encore visibles sur Boismé et Chiché attestent du besoin d’un complément …et les moulins en bois constituaient une modeste solution…
Bien cordialement en attendant » chère cousine » de vous lire. (mortaudjp@orange.fr)
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Merci de me contacter chère cousine !!!!!!!!!!
mortaudjp@orange.fr Amicalement
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Bonjour et merci pour cet article intéressant.
Je m’intéresse aux moulins à vent qui sont sur Chiché et Boismé (notamment les 3 ensembles à la Guiraire, juste en face ainsi que celui proche « du champ de la croix »). Après recherches, les « moulins à pivot » qui sont visibles dans le deuxième lot de moulins (reste de 3 moulins) sont des moulins plus anciens que les moulins-tour, dits « moulins à pivot tournant » ou « moulins turquois », abandonnés a priori vers le 16ème/17ème siècle car il y était impossible d’ajouter un monte-sac. Pour ce qui est des moulins-tour, beaucoup ont souffert d’un abandon au 20ème siècle ; il est donc possible que certains n’aient laissé qu’un nom comme souvenir. Le pain étant l’aliment de base, le nombre de moulins dans le secteur devait être bien plus important que maintenant.
Quoiqu’il en soit il est dommage, je trouve, de laisser les quelques survivants disparaître à leur tour. Une valorisation et des utilisations diverses sont tout à fait d’actualité et perpétuerait le souvenir de la riche activité que devait avoir la gâtine il n’y a pas si longtemps que ça.
Au plaisir d’échanger plus avec les personnes intéressées…
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6 août Cher ami « Chiché « Ravi de votre réponse Je suppose que vous êtes sur place; hélas je suis loin Donc: je suis parti du double constat qu’en 1811 dans un champ chemin de la Menaudiere sur Boismé le cadastre porte « moulin à vent des Guiterieres « ( mention introuvable ensuite) et que les gens du pays appellent ainsi le moulin- tour d’une Gourmeau sur Chiché J’en déduis qu’il y eut là comme dans le village voisin du Moulin aus grains des moulins légers voire déplaça les en bois qui ont disparu sans laisser d’autre trace que des noms de parcelles dite « du moulin » Sans vanité d’auteur je crois que cette hypothèse n’avait pas été faite jusqu’à présent et éclaire l’histoire des moulins de ce coin de bocage Les traces auxquelles vous faites allusion seraient elles celles de socles en dur semblables à ceux des moulins familiaux d’Ouessant???????Interessant..!!!!! Il faudrait faire un dossier photo de tous ces sites…. Amitiés JP Mortaud
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En effet le moulin à vent des Guitterières a dû disparaître il y a un certains temps. Peut-être était-il en bois, ou peut-être était-il en pierre et a été totalement démantelé. Certains moulins-tour récemment détruits n’ont laissé aucune trace…difficile de faire la lumière là-dessus sans plus d’éléments.
Pour ce qui est des moulins pivot il reste la base, qui fait tout de même 4m de haut (à laquelle devait s’ajouter une cage en bois de la même hauteur), et qui abritaient le pivot du moulin ; j’en ai compté 3 au bas Gourmeau et un autre à côté de la Renelière. Sur le cadastre napoléonien on les retrouve sous forme de cylindres tronqués. Ces moulin sont spécifiques à l’Ouest de la France, mais il n’y en a aucun en fonctionnement actuellement. J’ai des photos et documents si cela vous intéresse. Vous pouvez taper « moulin turquois » sur internet, cela vous donnera une meilleure idée de ce à quoi un tel moulin ressemblait.
Par ailleurs si vous avez des informations sur les moulins à vent de ce secteur ou si vous en connaissez les propriétaires cela m’intéresserait pour mes recherches.
Amitiés
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JP Mortaud
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