Un texte de Sylvette BRIZARD
Passionnée par les voyages, je gardais espoir au cours de mes recherches généalogiques de trouver des ancêtres ayant vécu à l’étranger. Mais déception, les différentes branches familiales ne m’amenaient que dans les Deux Sèvres et seulement dans un rayon de 20 km…
Toutefois, un jour, j’ai eu la surprise de découvrir un ancêtre né dans la Creuse. Satisfaite de cette nouveauté, je suis partie à sa recherche. Aussi, je me suis rendue sur les lieux afin de glaner toutes les informations utiles.
Je vais vous faire partager son histoire.
Michel Ducros est né le 12 novembre 1738 à Méouze, commune de Saint-Oradoux-de-Chiriouze dans la Creuse. Son père né le 15 janvier 1714 se nommait Jean et exerçait la profession de laboureur. Sa mère Antoinette Goumet a vu le jour le 13 septembre 1718. Ce couple de laboureurs vivaient à Méouze, petit village de la Creuse qui dépendait administrativement de Saint-Oradoux-de-Chiriouze.

Ces ancêtres de la 9e génération (à partir de ma naissance) ont été baptisés dans la chapelle rurale de Méouze. Le château et le fief appartenait en 1668 à Gilbert Duron de Segonzac, écuyer seigneur de l’Écluse.
Michel avait plusieurs frères, parmi lesquels l’aîné Gaspard né en 1733 qui resta travailler sur la ferme familiale. Par conséquent les autres frères durent rechercher des emplois, l’exploitation ne permettant pas de vivre à plusieurs. J’ai retrouvé la trace des autres frères, Jean, Antoine, Pierre. Ce dernier était maréchal.

Toutefois, le mystère reste total sur la date du départ de Michel vers Saint-Georges-de-Noisné.
Les raisons de cette migration peuvent s’expliquer par la pauvreté des terres de la Creuse qui ne pouvaient pas nourrir des familles nombreuses. Aussi les jeunes partaient souvent accompagnés de plusieurs habitants de leur village ou par des membres de leur famille. Ils parcouraient à pied environ 50 km par jour, couchaient dans des fermes mais n’étaient pas bien acceptés par la population qui se méfiait de ces pauvres.
Il fallait environ une huitaine afin de rejoindre les Deux-Sèvres dans un environnement hostile, les routes étant peu sûres à cette époque. Mais ces écueils ne faisaient pas reculer ces jeunes en quête d’emploi.
Pourquoi Saint-Georges-de-Noisné ?
Cette bourgade était alors très prospère.
Michel rejoignait-il des membres de sa famille déjà installée ? Je n’ai pas retrouvé la trace de ses frères restés dans la Creuse comme forgerons, voituriers, mais celle de ses neveux (les fils de son frère Gaspard) qui ont migré et se sont mariés dans notre région.
En effet, la migration procurait la possibilité de réussite sociale impossible en Creuse.
J’ai glané aux archives de la Creuse des actes de mariage (où il était témoin) qui stipulent qu’il exerçait la profession de scieur de long. Ce travail étant saisonnier, les scieurs de long partaient 8 mois en dehors de leur département et retournaient dans leur pays pour les travaux d’été.
Il est probablement resté à Saint-Georges-de-Noisné après sa rencontre avec Magdeleine Bordage qu’il épousa. Mais là aussi, de nombreux vides dans les archives en raison d’un incendie ne m’indiquent ni la date de son installation définitive ni celle de son mariage. L’heureuse élue née vers 1733 s’était mariée 2 fois, Son premier époux se nommait René Taillée et le second Joseph Béliard. Elle avait plusieurs enfants. Elle semblait issue d’un milieu relativement aisé, elle savait écrire, son père était sacristain.
De son union avec Michel est né un fils Jean en 1777. La famille vivait dans le bourg de Saint-Georges-de-Noisné et Michel exerçait alors la profession de marchand. Plusieurs recherches m’ont permis de comprendre qu’il s’était enrichi en faisant le commerce de bois. Les marchands issus de la Creuse avaient la réputation de ténacité en affaires et un sens certain du commerce. J’ai retrouvé plusieurs actes notariés qui prouvent sa réussite sociale. Quand son fils Jean se maria le 4e jour de pluviôse an IV avec Marie-Françoise Pain, fille de maréchal, il lui attribua une dot de 1 200 livres, somme relativement importante pour l’époque. Sa mère décéda 6 mois après le 15 juin 1796. Jean vivait avec son père. Malheureusement, ce fils qui travaillait avec lui comme marchand lui occasionna de nombreux déboires. Il dilapida son argent. J’ai retrouvé aux archives des actes de jugement témoignant de la mauvaise administration qu’il faisait des biens. Il mettait dans ses affaires de mauvais marchés et subissait des poursuites de la part de ses créanciers comme en témoignent des procès divers. Même son épouse l’interpelle et dresse contre lui 6 jugements où elle lui reproche sa facilité de se rendre caution pour les autres, sa mauvaise administration des biens dépendant de la communauté et lui reproche son habitude de se livrer au vin et au jeu. J’ai relaté ces affaires peu communes pour l’époque dans la revue du cercle n° 104 éditée en septembre 2018.
Jean décéda le 26 juin 1809 à 32 ans. Son épouse se remaria 2 ans plus tard.
Michel Ducros suivit son fils un an après le 24 juin 1810 à 72 ans emportant avec lui les secrets de son existence.
Cette histoire prouve que les migrations ne sont pas nouvelles et que l’intégration peut être réussie occasionnant une descendance. Les 6 petits-enfants de Michel contribuèrent à garder le nom.
Mon arrière-grand-mère s’appelait Ducreau, l’orthographe du patronyme s’étant modifié au fil du temps.
Il reste toutefois bien des questions pour reconstituer une histoire de vie en s’appuyant sur des faits réels mais c’est le plaisir de la généalogie.
Voici un article encore bien intéressant, bien étoffé . merci beaucoup .
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Je reconnais bien le plaisir de la découverte du moindre détail qui nous rapproche de ceux à qui nous venons d’être là. Les surprises sont au rendez-vous… Bravo.
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Allégrement raconté. C’est un plaisir.
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Je viens de lire avec intérêt votre article.
Dans ma famille maternelle qui a toujours vécu dans les Deux Sèvres, un seul étranger. Il était né à Tarnac en Corrèze en 1778 et était scieur de long. Il s’est marié en 1816 à Bouin.
C’est l’objet de mon article pour la lettre D comme Dejammet.
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Un bel article sur un ancêtre limousin. Pour ma part venant du Limousin, en Deux Sèvres je n’ai trouvé que des cousins maçons de la Haute Vienne au début du XIX° siècle. Mais j’ai un ancêtre qui a fait souche à La Rochelle dont le père était natif de la Corrèze ; ils étaient menuisiers et semble-t-il compagnons faisant le tour de France. Et du côté paternel, en région nantaise, j’ai un ancêtre venu de Limoges au début du XVIII° siècle, sans avoir rien trouvé de plus pour l’instant. A son décès après plus de 40 ans dans le même village, il était qualifié d’étranger de Limoges. Quant au fils qui dilapide ce que le père a laborieusement acquis, j’ai aussi dans les Deux Sèvres.
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Beaucoup de scieurs de long dans le challenge de cette année! 😀 (pour moi, entre Puy de Dôme et Marne)
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Ces recherches très précises et particulièrement documentées par Sylvette retracent l’historique d’un arrière grand père commun ,qui ,comme aujoud’hui était sans doute confronté à rechercher du travail là ou la région semblait être plus propice .
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Merci beaucoup de votre article. M’intéressant aux maçons limousins depuis longtemps, j’ai noté quelques constantes :
-ils constituent les plus gros effectifs d’ »étrangers » dans nos paroisses rurales sous l’Ancien régime, avant les scieurs de long du Forez, les chaudronniers du Cézallier et les charbonniers du nord-ouest.
-les migrations saisonnières qui se perpétuent pendant des siècles mènent des maçons des mêmes villages et familles sur les mêmes routes et vers les mêmes destinations. En gros, la majorité des maçons qui travaillaient dans les Deux-Sèvres actuels venaient du centre du département de la Creuse (cantons d’Ahun et de St-Sulpice-les-Champs) -on les appelait les Bigaros-, une minorité non négligeable était issue de Basse-Marche (la région du Dorat) et quelques migrants isolés arrivaient d’autres secteurs de la Haute-Marche comme Ducros.
-les maçons relativement nombreux qui se marient en Poitou ne retournent pas chez eux.
On croisait aussi beaucoup de mendiants limousins en Poitou. À Mazières-en-Gâtine, il y avait même un hameau misérable habité par des indigents venus du Limousin qui ne mêlaient guère à la population.
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