N comme Normandie, terre d’accueil

Un texte de Jean-Pierre DAVID

Saint-Paul-en-Gâtine

Julien Augustin ROCHAIS, mon grand-père maternel, est né le jeudi 26 août 1886 à La Bonnelière Saint-Paul-en-Gâtine, à quatre heures du matin. Enfant et adolescent il sera berger, domestique ou journalier. Le 4 octobre 1907, il est appelé sous les drapeaux pour effectuer son service militaire, incorporé au 2e Régiment de Zouaves. Il embarque pour l’Algérie où il arrive le 12 octobre. Jusqu’au 2 décembre il effectue ses classes. Le 3 décembre 1907 il part en opérations à la frontière marocaine dans l’Amalat d’Oujda, pour contenir l’agitation anti-française entretenue par la population locale, après l’assassinat du docteur Mauchamp en mai 1907 à Marakech. Il rentre à Oran le 10 janvier 1908. Deux mois plus tard, le 11 mars son Régiment est appelé pour maintenir l’ordre dans le massif des Beni Snassens (toujours dans la région d’Oujda) où une nouvelle effervescence s’était produite. De retour le 8 juin, il sera libéré le 27 septembre 1909. A noter que toutes ces campagnes sont effectuées sous les ordres du Général Lyautey, ce qui vaudra à Julien de recevoir la « Médaille du Maroc Oujda et Haut-Guir ».

L’église de Vernoux-en-Gâtine

De retour à Saint-Paul-en-Gâtine, il trouve un emploi de cultivateur à la ferme de la Verrie, à Vernoux-en-Gâtine, à quelques kilomètres de Saint-Paul. Il fait la connaissance d’une jeune servante, Françoise Camuzard et… le 29 septembre 1911 ils se marient en l’église de Vernoux.

Tous les deux vont s’installer à Parthenay, quartier de La Mara où Julien trouve un emploi de domestique. Puis, le 8 juillet 1912, naît leur premier enfant, c’est une fille, elle se nommera Juliette (maman).

Mais la vie est difficile, Marcellin, le frère aîné de Julien travaille à Evreux aux Chemins de Fer de l’Ouest, il lui trouve du travail comme poseur de voies. Il déménage avec femme et enfant et s’installe à La Fontaine-Soret, dans le département de l’Eure, à la Maisonnette N° 5, Françoise fera office de garde-barrières.

C’est là que naîtra leur deuxième enfant, un garçon, nommé Marcel, en 1914. Mais le ciel s’assombrit en Europe et la guerre est déclarée au mois d’août à l’Allemagne, la mobilisation générale est décrétée. Le 2 août Julien est « affecté spécial des Chemins de Fer de l’Etat en qualité de poseur à La Rivière-Thibouville ». Le 1 septembre 1914, il est mis à la disposition de l’Autorité militaire. Il laisse sa petite famille et rejoint le 3e Régiment d’Infanterie Coloniale, passe au 44e Régiment d’Infanterie Coloniale le 27 octobre 1914.

Participant à la bataille de Vauquois dans la forêt de l’Argonne, il est blessé à Boureuilles le 17 février 1915, une balle lui transperce le haut du bras gauche. Après avoir été soigné il part en rééducation à Prats-de-Mollo jusqu’au 4 mars 1916. Il est alors classé en Service auxiliaire. Renvoyé dans ses foyers le 16 mars il est « affecté spécial des Chemins de Fer de l’Etat en qualité de poseur à Condé ».

Avec leurs trois enfants vers 1935

La petite famille vient s’installer à Sotteville-lès-Rouen, où Maurice viendra au monde en 1918. Il reprend son activité, mais en tant que sédentaire à la gare de Rouen comme employé aux écritures, et cela jusqu’à sa retraite en 1941.

Pendant l’Occupation il se retire avec Françoise à Freneuse, petit village en bord de Seine, près d’Elbeuf. Ils y resteront jusqu’en 1955, avant de revenir à Sotteville.

Freneuse… Que de souvenirs ! Je pense que c’est là où j’ai vécu les plus agréables moments de mon enfance, pendant les grandes vacances d’été : promenades dans la campagne, où Julien m’initiait à la découverte de la nature qu’il connaissait bien, apprentissage de la pêche en bord de Seine, glanage du blé pour les poules après les moissons. Et puis je connu, sans le savoir, ses petites recettes poitevines : tartines de beurre (normand dorénavant) saupoudrées de miettes de fromage de chèvre sec, les mojettes et le miget au vin les soirs de forte chaleur.

J’avoue avoir éprouvé beaucoup de tristesse lors du retour de mes grands-parents à Sotteville. Mais bien sûr ils vieillissaient et l’isolement de la campagne devenait difficile pour eux.

A Freneuse, dans les années 50

Puis, le jeudi 5 novembre 1959 au matin, maman m’annonça le décès de ma grand-mère… Ce fut un choc, car c’était mon premier contact avec la mort et la disparition d’un être cher. Julien restait seul, mais je venais le voir le plus souvent possible pour parler avec lui, un peu moins à la fin de sa vie, car le travail m’avait éloigné de la région.

Il fit un ultime pèlerinage en 1965 dans sa Gâtine natale chez une cousine à Azay-sur-Thouet.

Il nous quittait le jeudi 29 mars 1973, à l’hôpital de Petit-Quevilly, à l’âge de 86 ans.

2 commentaires sur « N comme Normandie, terre d’accueil »

  1. Merci de ce témoignage, on ne parlera jamais assez de nos grands-parents et des lieux qu’ils habitaient car jamais on ne retrouvera cette ambiance champêtre, travailleuse et bon enfant le plus souvent!

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  2. Un ancêtre Lesaint de mon mari vient de l’Eure, est passé par les Deux-Sèvres…
    Votre grand-père a fait le voyage en sens inverse.
    On quitte mais on n’oublie pas,… le chèvre sec et le miget m’ont émue.

    Aimé par 1 personne

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