Un texte de Liliane ROCHE
Maurice Roche est né le 7 janvier 1675 à Saint-Saturnin dans le Cantal au village de Soulages. Soulages, c’est le versant ensoleillé en face du village de Nuix de l’autre côté de la vallée. Maurice est le quatrième enfant d’Estienne Roche et de Jeanne Cuzol. Il a un frère aîné Jean et deux sœurs Jeanne née avant 1670 et Antonia née le 14 mars 1671.

Le père, Estienne Roche, meurt pendant l’hiver 1680 à Saint-Saturnin (voir le testament chez Charles Julhien notaire 3E 245/11 AD Cantal). Maurice a tout juste cinq ans. Dans son testament Estienne lègue la totalité de ses biens à son fils Jean avec l’obligation de prendre soin de la mère Jeanne Cuzol qui demeure dans la maison, de verser des dots à ses sœurs Jeanne et Antonia au moment de leur mariage, et de verser la somme de vingt livres à Maurice quand il se mariera.
Le 1er juillet 1687, Maurice a douze ans, sa sœur Jeanne épouse Louis Raimond du village de la Massugére paroisse de Saint-Bonnet-de-Condat. (Contrat de mariage Charles Julhien notaire 3E 245/13 AD Cantal).
Le 3 septembre 1695, Jean épouse Magdeleine Serre à Saint-Saturnin, Maurice est présent au mariage. (Contrat de mariage Charles Julhien 3E 245/14 AD Cantal).
Le 17 septembre 1697 Antonia épouse François Marmier à Saint-Saturnin, Jean et Maurice sont présents au mariage. (Contrat de mariage Charles Julhien 3E 245/14 AD Cantal).
Le 27 avril 1699, Maurice se marie à Échiré dans les Deux-Sèvres en présence de son frère Jean. (Contrat de Mariage Louis Amelotte 3E 937 AD DS).

En 2006, ma première visite à Saint-Saturnin (15) et au village de Soulages, suivie d’une visite aux Archives départementales à Aurillac me permets d’imaginer leurs vies. Région de moyenne montagne, les cultures y sont difficiles sur le plateau du Cézallier, les prairies à perte de vue sans arbre, battues par les vents permettent de survivre grâce à l’élevage : vaches et moutons, de la culture de blé (moulin à eau restauré à la Gazelle commune de Ségur-les-Villas). L’hiver est très rude et très long. L’été, la récolte de foin nécessaire pour nourrir les animaux tout l’hiver demande beaucoup de bras ; l’hiver, hommes et bêtes se réfugient dans les maisons aux toits de lauze et aux toits de chaume pour affronter le froid. Depuis le chaume a été remplacé par des tôles ondulées.
Pour faire vivre leurs familles, les hommes valides de cette région partent à l’automne avant les grands froids autour de la Saint-Géraud (13 octobre, une date qui revient souvent dans les actes) et reviennent au printemps quand les chemins redeviennent praticables autour de la Saint-Jean. Avant de partir ils font leur testament chez le notaire. Ils partent à pied, bien sûr, avec leurs hottes de colporteurs, peut-être avec une mule pour les plus riches. Difficile de faire passer une charrette sur ces sentiers de montagne, et suivre les vallées oblige à de grands détours. Peut-être ramènent-ils un peu d’argent ou des objets indispensables à la survie des leurs. Mais c’est avant tout un système économique : les hommes partis sont des bouches en moins à nourrir pendant l’hiver, ils reviennent en été pour les travaux des champs.
Dans tout le diocèse de Saint-Flour (à peu près le département du Cantal actuel) les hommes se font marchands : sabotiers pour le sud du Cantal, chaudronniers pour ceux du Cézallier, marchands de draps de Marcenat, marchands de parapluies (nos grands parapluies maraichins bleus viennent d’Aurillac), ils sillonnent toute la France et vont jusqu’en Espagne et en Italie.
Depuis quand ? Probablement bien avant 1698 puisque Maurice épouse à Échiré en Deux-Sèvres, Magdeleine Brunet fille de Pierre Brunet maître maréchal né à Allanche dans le Cantal, et de Marguerite Berlon née à Échiré.
Par où passaient-ils ? Par les hauts plateaux du Cézallier plus faciles que les gorges humides mais ils devaient traverser la Corrèze, ses forêts sombres et ses vallées encaissées, ils avaient de la parenté à Bussières-Poitevine (Berlon et Ferdonnet), ils devaient rejoindre les foires où ils s’approvisionnaient en marchandises comme Ambazac, Bellac, Limoges…
Nos chaudronniers colporteurs connaissaient déjà bien la région de Niort. Ils voyageaient probablement à plusieurs d’une même famille, d’un même village ou d’un village voisin.
Jean Roche revenait ainsi tous les étés vers les siens ; sept enfants connus : Jeanne née le 5 mars 1697, Jacques le 13 mars 1699, François le 18 mai 1704, Antonia le 1er juillet 1705, Anne le 27 décembre 1706, Toinette le 29 décembre 1708, (peut-être est-il resté au pays les hivers 1706 et 1708 ?) et Jacqueline le 27 mars 1713, tous nés à Saint-Saturnin (15). Il est présent au mariage de son frère Maurice le 27 avril 1699 à Échiré (79).
Il est probable que son jeune frère ainsi que ses fils et neveux l’ont accompagné dès qu’ils ont atteint l’âge de faire le chemin.
Jean a-t-il arrangé le mariage de son cadet avec la fille du maréchal dans une région plus hospitalière que le Cézallier assurant par cette alliance un refuge possible pour les descendants de sa famille ? Après les dragonnades de Saint-Gelais, la région devait manquer de bras. Pierre Brunet a-t-il préféré marier sa fille à un gars de son pays, chaudronnier comme lui ?
Jacques Roche, le fils de Jean, né dans le Cantal, aussi chaudronnier épouse Marie Guesseau à Sainte-Pezenne (79) le 21 novembre 1729.
François Raimond, le neveu de Jean, fils de sa sœur Jeanne, épouse Jeanne Charles en 1719 à Saint-Gelais (79). Celui-ci sera cultivateur.
Jean Meusnier, cousin de Maurice, arrière-petit-fils de François Roche, né en 1702 à Saint-Saturnin (15) se marie en 1733 à Sainte-Pezenne (79) avec Jeanne Guesseau, et s’établit chaudronnier sur le port de Niort (Notaire Baudin Champmargou 3E 404 AD DS).
À la mort de son beau-père, Maurice devient maître maréchal. Avec sa femme Magdeleine Brunet, il a eu 14 enfants entre 1700 et 1725 nés à Échiré et à Saint-Gelais. On retrouve sa signature dans de nombreux actes notariés autour d’Échiré.
L’un de ses fils, Etienne Roche maréchal s’installe à Niort rue des Piques (actuellement rue du 24 février) où ses fils, ses petits-fils, et arrière-petits-fils travailleront après lui. Une grande partie des Roche de Niort sont des descendants des chaudronniers colporteurs du Cézallier, comme plusieurs ancêtres de notre région.
Vos ancêtres s’appellent : Borel, Bos, Bossi, Chabrier, Cornet, Cuzol, Coursoles, Foulgoux, Peligris, Rhode, Roche, Serre, Tible…
Ils se prénomment : Agnès, Alix, Antoine, Antoinette, Bonnet, Cirgues, Élis, Élisabeth, Estienne, Gabriel, Gabrielle, Géraud, Guillaume, Helis, Itier, Jacqueline, Laurence, Léonard, Marguerite, Martial, Maurice, Rigou, Toinette…
Ils sont : marchands, poêliers, chaudronniers, ferblantiers ou marchands de draps…
Et malgré toutes vos années de recherches vous ne savez pas d’où ils viennent…
Ils sont peut-être venus du Nord-Cantal…
Remerciements à Lydie Sauquet du Cercle Généalogique des Deux-Sèvres qui la première est allée avec son mari découvrir nos ancêtres du Cantal, aux Archives départementales du Cantal à Aurillac et aux Archives départementales des Deux-Sèvres à Niort, aux membres de l’association Aprogemere du Cantal, ainsi qu’à Jean-François Trouvé pour l’aide aux transcriptions.
Quelques lectures qui parlent du Cézallier :
- Les migrants de travail d’Auvergne et du Limousin au XXe siècle Marc PRIVAL, Institut d’études du Massif Central, Imprimerie Moderne Aurillac 1979.
- Nos ancêtres auvergnats, l’immigration auvergnate en Bretagne Serge DUIGOU, Éditions Ressac Quimper, 2004.
- Ségur, son histoire Christian BAILLARGEAT-DELBOS, imprimerie Gerbert Aurillac 1988.
- Au cœur du Cézallier, Allanche Les Amis du Vieil Allanche 1986, Imprimerie Moderne Aurillac.
- Guide historique, archéologique, statistique et pittoresque du voyageur dans le département du Cantal Henri DURIF 1860 réédition 1999 société cantalienne du livre Aurillac.
- Les églises romanes du Cézallier au Puy-Mary Bernard Vinatier les amis du Vieil Allanche Imprimerie Moderne Aurillac.
Article bien intéressant car il a le mérite d’aborder un sujet me semble t’ il mal connu et le texte remet ces hommes et ces femmes dans les contexte géographiques , sociaux.
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Merci pour ce texte très intéressant et bien documenté sur les cantalous. J’ai appris des choses par exemple l’origine des parapluies maraichins. Les Queuille (quincaillier, chaudronnier) que j’ai rencontrés à Celles et Prahecq venaient du même coin, de Marchastel près de Riom es Montagnes mais ils sont arrivés plus d’un siècle plus tard. Et les prénoms cités sont pour beaucoup ceux que je retrouve chez mes ancêtres corréziens.
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Un beau retour aux sources ! cette migration devient une évidence. Merci pour ce bel éclairage.
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Merci pour ce texte très intéressant. Mon ancêtre Raboisson Léonard était chaudronnier auvergnat originaire de Condat.
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Merci du partage !
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