Un texte de Pascal Desbois-Fillon, auteur du livre « Les monuments religieux, templiers, hospitaliers et privés des Deux-Sèvres », et de Monique Bureau
La paroisse de Saint-Léger-de-Montbrun ne possède pas de bourg propre de ce nom. Ce genre de situation est assez rare. C’est l’ensemble des villages présents, qui forme la paroisse. L’église est, quant à elle, située sur la butte de Montbrun, à 103 mètres de hauteur. Nul ne sait si auparavant un village a existé ou si son choix fut celui d’être éloigné de l’homme. Seule la présence du cimetière jouxte l’église.



Lors sa visite de l’église, Pascal a photographié quatre pierres épigraphiées : trois sont des pierres tombales qui vont faire l’objet de deux articles : le présent article est consacré à la première pierre tombale, celle de Louise DE LA VILLE DE FEROLLES :

Epitaphe :
DAME LO
UISE DE LA VILE
DE FEFROLE VEF
EUVE DE HAULT &
PUISSAN MESIRE
LEON AUBINEAU
VIVANT CHEVALIER
Léon AUBINEAU [1], écuyer, seigneur de Rigny-sous-Vrère, est fils de Mathurin, écuyer, seigneur de Vérie et d’Auboué, et de Françoise de TERVES. Il épouse vers 1624 Demoiselle Louise DE LA VILLE DE FEROLLES, fille de Nicolas et de Louise SOCHET, dame de la Charoullière [2]. Ils auront un fils, Nicolas, qui poursuivra la lignée familiale.
Rigny Montbrun est un fief et haute justice qui relève du duché de Thouars à hommage lige abonné à 300 livres et a été possédé par Léon AUBINEAU, qui en a rendu aveu le 4 août 1634, puis par son fils Nicolas, qui a rendu l’aveu le 3 septembre 1659 et l’hommage de 19 juillet 1675.
Henri de la TRIMOUILLE, duc de Thouars, accorda à Léon AUBINEAU « le droit de haute justice sur sa maison seigneuriale de Rigny, église, maison presbytérale et cimetière de Montbrun, et sur les sujets et mansionnaires du village de Rigny et y demeurant, mais non sur les autres habitants de la paroisse, sans lui accorder le droit de châtellenie, 20 décembre 1624 » [3]. Léon fut l’objet de poursuite criminelle devant les Grands Jours de Poitiers, qui, le 25 octobre 1634, lui ordonnèrent de réintégrer les prisons pour subir l’audition des témoins, comme accusé du meurtre du nommé de la ville.
Maurice POIGNAT indique, mais sans mentionner sa source, en 1619, grâce aux libéralités de Léon AUBINEAU, seigneur de Rigny, l’église, comme l’atteste une inscription gravée dans la pierre fut reconstruite sur un terrain lui appartenant [4]. Parlerait-il de la chapelle située au village de Vrère.
Selon wikipédia, la famille DE LA VILLE est une famille originaire du Poitou, qui forma deux branches dites, de Baugé anoblie en 1654, et de Férolles des Dorides anoblie en 1586. Ces deux branches, qui se sont toutes deux développées dans les Deux-Sèvres, forment deux familles subsistantes de la noblesse française.
-Branche ainée de Baugé : La branche de Baugé fut anoblie en 1654 et maintenue noble en 1671. Cette branche a pour auteur François de LA VILLE, sieur de Baugé et de Lardillier, marié en 1577 à Catherine BODIN, dont le fils Jean, avocat en Parlement, marié en 1615 à Françoise FALLOUX, fut père d’Uriel, seigneur de Baugé, sénéchal et premier capitaine de la ville de Thouars, déclaré roturier puis anobli pour services militaires en 1654, et maintenu dans cette noblesse, nonobstant la révocation de 1664, par lettres patentes de 1671 non enregistrées puis confirmées en 1789, d’où postérité.
-Branche cadette de Férolles des Dorides : Nicolas de La VILLE, seigneur de Férolles, 2e fils de Pierre et de Jeanne Le Maistre, fut anobli en 1586, reçut des lettres de surannation et d’anoblissement en tant que de besoin en 1608, et fut confirmé noble en 1611. II épousa en 1685 Louise SOCHET. Leur fils, Nicolas de La VILLE, seigneur de Férolles épousa en 1623 Charlotte des Herbiers, dame des DORIDES, d’où postérité. La branche de Férolles des Dorides fut maintenue noble en 1627,1667, 1699 et 1715.
Le Nobiliaire universel de France [5] donne plus d’informations sur cette famille et notamment :
XII. Nicolas de la VILLE-DE-FEROLLES, Ier du nom, chevalier, seigneur de Férolles, Saint-Cyr-la-Lande, Tourtenay, Mâcon, les Grand et Petit-Mans, la Brosse-Guilguaud, Mayé, Grenouillon, Liniers, Chambretault, la Charroulière, la Belle-Marion, le Champ-Rémond, etc. dit le capitaine Férolles, se distingua dans toutes les guerres de son temps, et s’acquit une grande réputation militaire. Il commença à servir sous Pierre Pidoux, seigneur de Nesde, son parent, et se trouva avec lui à la prise de Cahors, étant sous les ordres du roi Henri IV.
Il fut homme d’armes de la compagnie des ordonnances du roi, en 1585, et suivit le duc de Montpensier, lorsqu’il alla attaquer les nouvelles levées que le duc de Mercœur faisait dans le Poitou pour le parti de la Ligue. Il servit aux sièges de Talmont et de Fontenay-le-Comte en 1586 ; se rendit à l’armée d’Henri IV, avec un corps de 500 carabins qu’il commandait, sur l’invitation que lui avait faite ce prince, par une lettre, très-flatteuse et très-honorable, datée de Champigny, du 2 avril 1589, se trouva au premier siège de Paris, et au combat d’Arques, la même année; à la bataille d’Yvry où il fut blessé, en 1590; lieutenant des quatre compagnies de carabins ou chevau-légers, commandées par Pierre Pidoux, seigneur de Nesde, en 1591, avec lesquelles il reprit la ville de Chemillé en Anjou, dont les Huguenots s’étaient rendus maîtres; se trouva en 1592 dans l’armée du prince de Conti, lorsqu’il s’empara de Mirebeau, et emporta d’assaut Montmorillon; fut du nombre des deux mille gentilshommes que le duc de la Trémoille mena à l’armée du roi, en 1595, et se trouva avec ce seigneur au combat de Fontaine Française, où il se distingua d’une manière particulière, et où il reçut encore d’honorables blessures, et au siège d’Amiens, en 1597.
Le roi Henri IV lui avait accordé des lettres-patentes, au mois d’août 1593, où il est dit qu’il est issu d’une noble et ancienne maison, et que lui et ses ancêtres avaient toujours rendu de grands services aux rois ses prédécesseurs. Ces lettres très-flatteuses pour lui, prouvaient l’ancienneté de sa race, quoique, y est-il dit, la plupart des titres de sa maison eussent été perdus ou détruits dans les premier, second et troisième troubles. Elles furent enregistrées à la chambre des comptes et à la cour des aides de Paris, et confirmées par Louis XIII, au mois d’octobre 1610. Il reçut depuis 1580 jusqu’en 1600, plusieurs lettres aussi flatteuses qu’honorables, des rois Henri III et Henri IV, de François et de Henri de Bourbon, ducs de Montpensier, de Claude, duc de la Tremoille, de François, comte de la Rochefoucault, qui, en 1595, ayant levé une compagnie d’ordonnance, le priait d’en accepter le guidon ; de Jean de Chourses, seigneur de Malicorne, et de Jean de Baudéan, seigneur de Parabere. Toutes ces lettres sont remplies des marques de la plus haute estime et de la plus grande considération.
Il avait épousé, le 13 novembre 1585, Louise SOCHET, dame de la Charoullière, près de Thouars, fille de Jean SOCHET, écuyer, seigneur de la Charoullière et de Renée GAUVAIN. Il mourut en 1626, laissant de son mariage :
1. Pierre dont l’article viendra,
2. Nicolas, chevalier, seigneur de Chambertault, auteur de la branche des seigneurs des Dorides, rapportée ci-après,
3. René, écuyer, prieur de Tourtenay, seigneur de la Charoullière et de la Belle-Marion, mort en 1632;
4. François, mort sans postérité, avant 1629.
5. Michelle, morte sans alliance, avant 1629.
6. Louise, mariée à haut et puissant Léon Aubineau, chevalier, seigneur de Rigné et de Montbrun ;
7. Renée, morte sans alliance, avant 1629 ;
8. Noelle de la Ville-de-Férolles, mariée à haut et puissant Louis de la Haye-Monthault, seigneur de la Godelinière et des Herbiers.
La pierre tombale située dans l’église de Saint-Léger a été déplacée car elle n’est plus à sa place d’origine. On la voit fracturée et pas entière. De ce qu’elle nous révèle :
… DAME LOUISE DE LA VILE DE FEFROLE VEFEUVE DE HAULT & PUISSAN MESIRE LEON AUBINEAU VIVANT CHEVALIER
Cette pierre décrit l’épitaphe de Louise DE LA VILLE DE FEROLLES, épouse du seigneur Léon AUBINEAU. On y apprend qu’il est décédé avant elle. Nous avons retrouvé les actes de sépultures de ce couple :

Le dernier jour de janvier mille six cent cinquante
six a esté inhumé dans l’église de Monbrun le
corps de deffuncte Dame Louise de laville de ferole
en son vivant épouse de deffunct hault et puissant
Léon aubineau aussi en son vivant escuier seigneur de Rigny
AD 79 BMS Saint-Léger-de-Montbrun 1639-1708 E DEPOT 269 / 2 E 261-1 vue 022/381

Le vingt cincquiesme jour de septembre
a l’heure de midy il a pleu (plu) à Dieu avoir
Séparé l’asme d’avecq le corps du defunct
Leon Aubineault vivant hault et puissant et
Escuier seigneur de Rigné
ce Vingtsiysiesme jour dudict mois
Et le corps fut enterré en l’église de St Leger de Monbrun [6]
AD 79 BMS Saint-Léger-de-Montbrun 1639-1708 E DEPOT 269 / 2 E 261-1 vue 019/381
Nous avons également trouvé dans le registre paroissial de Saint-Léger-de-Montbrun l’acte de baptême du 22 août 1654 d’une cloche nommée Léone avec pour marraine Louise DE LA VILLE DE FEROLLE (qui signe) et pour parrain Nicolas AUBINEAU (certainement son fils), représenté par Messire Léon de GRAILLY.
C’est peut-être la cloche très ancienne qui a été retrouvée en 1887 en labourant d’anciens marais [7].

Le vingt et deusiesme jour d’aoust mil six cent
Cinquante quatre a este beniste Léonne Cloche
Résonnante par venerable et discrette personne
Messire Pierre Baillargeau curé et recteur de
Laditte paroisse à laquelle dicte cloche a este
Parain Messire Léon de Grailly chevallier tenant
Place de Messire Nicollas Aubineau chevallier
Seigneur de Rigné et fondateur de laditte
Eglise et cure de St Leger de Monbrung et Marine ( marraine)
Dame Louise de La Ville de Ferrole veufve de
Messire Léon Aubineau en son vivant chevallier
Seigneur de Rigné et aussi fondateur de laditte
Eglise et cure dudict Monbrung nommé Sainct
Leger dict et faict le vingt et deusiesime jour daoust
An susdict en présence de Messire Pierre Guilloteau pretre
Vicquaire dudict lieu, René Charron, René Masrolleau,
François Soulbraie, Hillaire Robin et plusieurs autres
Habitans desquels …… ?…je ne saurois me rememorer
Estant néanmoins tous habitans de ladicte paroisse [6]
AD 79 Saint-Léger-de-Montbrun BMS 1639-1708 E DEPOT 269 / 2 E 261-1 vue 108/381
Le site www.chateau-fort-manoir-chateau.eu donne des informations sur le Château de Rigny [8] :
Le lieu-dit de Rigny, Rigneum, est signalé dès le premier tiers du XIIe siècle dans le cartulaire de Saint-Laon. Les seigneurs connus du lieu sont les Aubineau, puis au XVIIIe siècle, les Bunault. Maurice Poignat nous parle de Charles Louis Bunault qui termina sa carrière militaire comme maître de camp. Celui-ci prit part en 1789 à l’assemblée des nobles du Poitou, puis émigra en 1791 et, après avoir servi dans l’armée des princes, devint prévôt d’Angers en 1816. Les Vendéens, en 1793, profitèrent de son absence pour stocker de la farine dans le château. Le domaine de Rigny passa ensuite aux Haward de la Blotterie. Le château a été modifié à plusieurs reprises et en particulier au XIXe siècle. Parmi les plus majestueux des Deux-Sèvres, il remonte probablement à la Renaissance finissante, mais présente de forts accents classiques.

AD 79 -Thouars : collection Nau, [s.d.]. – impression photomécanique sur papier (carte postale), noir et blanc ; 9 × 14 cm (image). [1890]-[1950] cote 40 FI 3010
Carte de Cassini [9] :

Sources :
[1] Beauchet-Filleau H, De Chergé C. (1840-1854), Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, 2ème édition, premier fascicule, p. 154.
[2] Beauchet-Filleau H, De Chergé C. (1840-1854), Dictionnaire historique, biographique et généalogique des familles de l’ancien Poitou, 1ère édition, tome II, p. 804.
[3] Dom Fontenau, 26
[4] Poignat M. (1986), Le Pays Thouarsais (Thouars, Argenton-Château, Airvault, Saint-Varent), p. 109.
[5] « Le Nobiliaire universel de France, ou Recueil général des généalogies historiques des maisons nobles de ce royaume « – Auteur : Nicolas Viton de Saint-Allais via Gallica, page 17 à 19.
[6] Merci à Marguerite Morisson d’avoir déchiffré l’acte.
[7] © PARVIS – 2005 Centre théologique de Poitiers http://www.poitiers.catholique.fr/parvis
[8] Site Chateau de Rigny à Saint Léger de Montbrun, du XVIe siècle (chateau-fort-manoir-chateau.eu)
[9] Carte de Cassini Feuille 66 Richelieu Saumur via Gallica : le nord-est (Thouars, Saint-Jouin-de-Marnes…)
[10] Photographies de Pascal Desbois-Fillon