Un texte de Jacqueline Texier
Saint-Léger-Lès-Melle, devenu Saint-Léger-de-la-Martinière après sa fusion avec la commune de l’Enclave-de-la-Martinière le 1er janvier 1973, étape sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle (via Turonensis) entre Poitiers et Saint-Jean-d’Angély, possède une petite église romane datant du 12ème siècle, probablement érigée sur un précédent édifice datant du début du 11ème siècle. Détruite en grande partie par les protestants en 1574, elle a fait l’objet de plusieurs restaurations. Cette église, très modeste comme beaucoup de petites églises du mellois, se caractérise par son clocher mur, son portail du 16ème siècle de style gothique flamboyant et son chevet avec une corniche à modillons : acrobate, joueur de harpe, visage encapuchonné, têtes de chiens…


A l’intérieur on trouve un très beau bénitier réalisé à partir d’un chapiteau roman, et entre la nef et l’entrée du chœur, un pilier surmonté d’un curieux chapiteau. Quatre personnages avec les mains placées de façon différente : mains jointes, bras croisés, bras replié sur la poitrine et le dernier tient un objet dans la main et semble taper sur le bord d’une énorme feuille, ce qui en fait un ensemble curieux. On y trouve aussi un lutrin posé sur ce qui semble être les vestiges d’une pierre tombale.



Dans cette église, j’ai été baptisée, j’y ai fait ma première communion puis ma confirmation, je suis allée à la messe chaque dimanche et j’ai assisté à toutes les cérémonies religieuses pendant 10 ans, sans jamais remarquer les pierres tombales qui s ’y trouvaient. Il est vrai qu’un enfant qui s’ennuie a le nez en l’air plutôt qu’à regarder ses pieds…
Ces pierres tombales reviennent de loin. L’histoire est racontée par Patrick Chatelain, ancien maire de Saint-Léger, auquel j’emprunte des extraits de son texte affiché dans l’église :
«… Dans les années 1960, le Père Constant, assomptionniste hollandais qui desservait Saint-Léger et Saint-Romans où il habitait, avait récupéré les bancs de la chapelle Saint-Joseph de Melle qui venait de fermer et souhaitait les mettre à Saint-Léger où les vieux bancs construits sur place, avec une porte fermant chaque rangée, étaient assez délabrés. Ceux-ci étaient établis de chaque côté de l’allée centrale en ciment qui avait été faite en 1901 lorsqu’on avait refait le campanile et mis des cloches neuves.
Le conseil municipal pensait que le mieux, une fois les bancs et leur plancher retirés, était de cimenter l’ensemble !!! Il a quand même été suggéré de mettre en dessous un polyane pour protéger les dalles, certes assez irrégulières. Les bancs sortis, on s’est aperçu qu’il y avait plusieurs pierres tombales dont certaines en partie recouvertes par le ciment de l’allée centrale. Par intérêt pour ces tombes on a commencé avec le maçon à soulever un peu le ciment pour voir les inscriptions en totalité et, de fil en aiguille, on a arraché tout ce ciment ancien. Le conseil a bien voulu accepter de conserver le vieux pavage. Il a fallu plusieurs jours à un menuisier pour caler l’ensemble des bancs !!!
Ce sauvetage a permis de faire apparaitre une quinzaine de tombes. La plupart sont illisibles ou ne comportent que quelques mots ne permettant pas d’identifier les personnes. Certaines ont une simple croix gravée. Les autres permettent l’identification dont 3 remarquables avec un blason, malheureusement tous très altérés.
Deux de ces tombes sont situées au pied des marches qui mènent au chœur et la dernière est en partie cachée sous la première rangée de bancs à droite.
La plus à gauche est celle de Jacques DE BREMOND.

CI GIST LE CORPS DE
MESSIRE JACQVES DE
BREMON CHEVALIER
SEIGNEUR DE VERNOV
DE CHIRONAIL LVCERAY
LA RONZE GRAND LE
GRAVSSER & AVTRES
PLACES DECEDE AV
CHATEAV DES MOVLINS
JOVSSERAND LE ONZE
DE MARS MIL SEPT
CENT QUARANTE CINQ
AGE DE CINQVANTE SEPT
ANS PRIEZ DIEV POVR
SON AME

La notice de Mérimée des Monuments historiques précise que les armoiries identifiées de la famille de Brémond figurant sur la pierre tombale sont « d’azur à l’aigle à deux têtes d’or au vol abaissé languée de gueules ». La description de l’iconographie précise : écu ovale armorié supporté par un lambrequin, tenu par deux anges et timbre d’une couronne de marquis.

Face au chœur, à droite de la tombe de Jacques de Brémond, on trouve celle de Charles LE COQ.

CI GIST LE CORPS DE MES
SIRE CHARLES LE COQ CH
EVALIER SEIGNEUR DE ST
LEGER LES MOVLINS LE PORT
& AVTRES PLACES CHEVALIE
DE JUSTICE DE L’ORDRE ROYA
LE MILITAIRE HOSPITALIE
DE NOTRE DAME DE MONT
CARMEL & ST LAZAR DE
HIERVSALEM CY DEVANT
LIEUTENANT COLONEL
DV REGIMENT D’INFANTERIE
DV LANGVEDOC & INSPEC
TEVR GENERAL DE L’INFA
NTRIE FRANCOISE & ETRA
NGERE DV DEPARTEMENT
DE LA BASSE ALSACE DECE
DE EN SON CHATEAU DES
MOVLINS LE 20 AVRIL 1718
AGE DE 78 ANS PRIEZ DIEV
POVR SON AME


Dessins d’Arthur Bouneault – Médiathèque de Niort.

BMS 1706-1718 E DEPOT 254 / 2 E 260-2 vue 091/094
Les armoiries identifiées de la famille LE COQ sont « d’azur au coq hardi d’or becqué, crêté et membré de gueules ». (Notice Mérimée)
Le point commun entre ces deux hommes est leur épouse, Suzanne Marguerite Aymer, qui veuve de Charles Le Coq épousa Jacques de Bremond. Elle est la fille de René Aymer, chevalier, Seigneur de Corniou, Germond et Mortagne et de Marguerite de Saint-Quintin de Blet, tous deux évoqués par Raymond dans l’article sur l’épitaphe de l’église de Germond (février 2022). Décédée en 1855, elle serait inhumée dans l’église Notre-Dame de Niort, devant la chapelle de la Vierge, loin de ses deux époux. De leur union est né une descendance nombreuse que l’on retrouve en partie en Argentine.


Sources Internet
Le château des Moulins Jousserand cité dans l’épitaphe est autrement appelé, logis de Saint-Léger.
Le logis de Saint-Léger, autrefois appelé les Moulins-Jousserand, appartenait à l’origine à la famille Jousserand qui le conserva jusqu’au XIVe siècle. Il passa alors aux de Lhosme au XVe siècle. En 1599, François Le Coq, conseiller du roi au Parlement de Paris, acheta le logis de Saint-Léger. Au début du XVIIIe siècle, il était passé dans les mains de Charles Le Coq, lieutenant-colonel du régiment Languedoc, inspecteur général de l’infanterie française et étrangère au département de Basse-Alsace. À sa mort en 1718, sa veuve, née Suzanne Marguerite Aymer de la Chevalerie, épousa en secondes noces Jacques Brémond, chevalier, seigneur de Vernoux-sur-Boutonne. Au moment de la Révolution, les Brémond émigrèrent et le domaine fut confisqué et vendu au profit de la Nation (Châteaux, manoirs et logis des Deux-Sèvres – Editions patrimoines & médias).
La troisième pierre tombale est celle de Louis David DU FIEF.


CI GIST LE CORPS DE MES
SIRE LOVIS DAVID DV FIEF
CHEVALIER SEIGNEVR DE
MARDRE & AUTRE PLACES
NOBLE MESTRE DE CANP
DE CAVALERIE CHEVALIER
DE L’ORDRE MILITAIRE DE
SAINT LOVIS COMMANDANT
SOVS SON ALTESSE SERENIS
SIME MONSEIGNEVR LE DVC
AGE DE 50 ANS DECEDE LE
10 JVIN 1718 PRIEZ DIEV
POUR SON AME


Dessins d’Arthur Bouneault – Médiathèque de Niort.

Acte de décès
BMS 1706-1718 E DEPOT 254 / 2 E 260-2 vue 092/094
Les armoiries identifiées de la famille DU FIEF sont « de gueules à trois épées d’argent à garde d’or en fasce l’une de l’autre ». (Notice Mérimée)
Louis David du Fief avait déjà été cité par Monique dans son texte sur les pierres tombales de l’église de Caunay : « Selon l’Armorial général d’Hozier, « René de Rechignevoifin de Guron, Ecuyer, Seigneur de Caunay, de la Madelene, du Breuillac & demeurant à Caunay près Sauzé en Poitou, fit hommage au Roi le 28 Juillet 1723 pour les Fiefs & Seigneuries de Caunay & du Breuillac, mouvans du Château & Comté de Civrai. Il tenoit le dernier de la Dame Garnier fa mère, qui l’avoit acquis du Seigneur de Chateaucouvert. Il avoit époufé :
1°. par contrat du 2 juin 1721 Marie-Gabrielle Juliot, veuve de Louis David, Ecuyer, Seigneur du
Fief, Meftre de Camp de Cavalerie, Chevalier de l’Ordre Militaire de Saint-Louis.
Cartes de Cassini : : Feuille 68 Charroux : le sud-est (La Mothe-Saint-Héray, Melle…)

Sources :
– Internet (blason, portraits)
– La notice de Mérimée des Monuments historiques
– L’Armorial général d’Hozier : Armorial général, ou Registres de la noblesse de France (Volume 15) Auteur : Hozier, Louis Pierre d’, 1685-1767
– Actes décès : Archives départementales des Deux-Sèvres
– Châteaux, manoirs et logis des Deux-Sèvres – Editions patrimoines & médias
– Dessins d’Arthur Bouneault : Fonds précieux de la Médiathèque de Niort.
– Carte de Cassini : Gallica.
Très bel article, Jacqueline et Monique, et désormais sans publicité, il n’en est que plus beau ! !
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