Les inscriptions funéraires de l’église Saint-Pierre de Chauray

Un texte de Michel Grimault, préambule par Monique Bureau

Préambule

J’ai visité l’église de Chauray après une randonnée par une belle journée ensoleillée mais froide, début janvier. Construite autrefois pour une petite paroisse rurale, l’église se dresse au milieu de l’ancien bourg, juste à côté de la mairie et de l’ancien temple dans un univers verdoyant. Les décorations de Noël sont encore en place.

On pénètre dans l’église par un magnifique portail roman, en descendant une marche.

La crèche de Noël est encore en place :

Lors des travaux de restauration de l’église en 1991, Michel Grimault avait pris des photos des pierres tombales, objets du présent article. Mais lors de cette première visite de l’église, je n’ai pas vu de traces des pierres tombales décrites par Michel ; aussi vendredi dernier, j’ai visité à nouveau l’église de Chauray accompagnée de Michel qui avait relevé la trace d’une des pierres tombales lors d’un récent enterrement auquel il avait assisté. Après quelques investigations, nous avons découvert la trace de trois autres pierres tombales ainsi que la présence d’un dessin. Rendez-vous en fin d’article pour en savoir plus.

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B comme Baronne de la Porte de Puyferrat

Un texte de Michel Grimault

Les anciens de la commune de Chauray, et plus particulièrement ceux du village de la Roche, connaissaient tous quelque anecdote concernant la baronne qui avait habité le château autrefois, une femme dont la personnalité et les actions avaient profondément marqué les esprits.

Alexandrine Henriette Léontine Coumeau est née à Cours le 14 octobre 1837, au domicile de sa grand-mère, comme cela se faisait souvent autrefois. Son père, Jacques Coumeau, était marchand. Il avait épousé Victoire Alexandrine Gusteau en 1835 et le couple habitait Niort. Jacques Coumeau était propriétaire et conseiller municipal de la ville de Niort lorsque Léontine, qui avait près de vingt-et-un ans, épousa Pierre Amédée Godin, âgé de quarante-huit ans, le 7 septembre 1858 à Niort. Ils étaient cousins avec une génération d’écart, car elle avait pour grand-mère paternelle Marie Désirée Godin, sœur du père de son époux, Pierre Venant Godin. Ce dernier, épicier fortuné de Niort, avait acheté le château de la Roche de Chauray et les terres qui en dépendaient lors d’une vente aux enchères à la bougie, le 31 décembre 1821.

Pierre Venant Godin est décédé à Niort le 9 octobre 1833, laissant Pierre Amédée comme héritier. Celui-ci est venu habiter au château de la Roche en 1835 avec quelques domestiques. Désormais Chauraisien, Pierre Amédée proposa, en 1857, de mettre fin à un litige foncier ayant autrefois opposé son défunt père à la commune de Chauray, en échange de quoi, il faisait donation à celle-ci d’un terrain pour l’établissement d’un nouveau cimetière communal pour lequel la municipalité recherchait un emplacement.

Léontine vint habiter le château de la Roche avec son époux et les serviteurs de celui-ci. Pierre Amédée Godin avait complété le domaine de la Roche, autrefois propriété de Charles Louis Duchilleau, de vieille noblesse et officier de marine, par d’autres exploitations alentour. Il était, de beaucoup, le plus imposé de la commune car le plus riche, et y avait une influence certaine, ne serait-ce que par l’autorité qu’il avait sur les gens qui dépendaient de lui, métayers et bordiers de ses exploitations. À partir de 1853 jusqu’à sa mort, Pierre Amédée Godin fut conseiller municipal, même s’il fut peu présent la dernière année pour cause de maladie.

Le G de Godin et le C de Coumeau, enlacés avec le L de Léontine, sur la grille en fer forgé du château

Pierre Amédée Godin décéda à Niort le 25 février 1881. Le curé Ragot ayant l’intention de restaurer l’église Saint-Pierre de Chauray, Léontine, lui fit un don de 10 000 francs, avec semble-t-il l’intention de faire inhumer son défunt mari dans la chapelle latérale. L’adjudication n’avait pas encore eu lieu lorsque le scandale éclata. Le préfet fut informé que la fabrique (il s’agit du conseil de fabrique, chargé de l’administration de l’église paroissiale) aurait autorisé la construction d’un caveau dans la chapelle, au profit de la famille Godin, principale donatrice ! Non seulement le caveau n’était pas prévu dans le devis mais, de plus, les inhumations étaient interdites dans les églises. Interrogé à ce sujet, le curé apporta un démenti formel et expliqua qu’on avait seulement extrait des pierres pour la construction. Pour en avoir le cœur net, le préfet diligenta un agent voyer sur les lieux. Celui-ci constata l’existence d’une excavation d’environ 4 mètres de profondeur ayant pour conséquence de tripler le coût des fondations alors que les pierres extraites étaient impropres à la construction. Comme il n’y avait pas de commencement de maçonneries et devant les dénégations vigoureuses du curé, on ne put prouver qu’il ait eu le projet dont on le soupçonnait. L’affaire en resta là, mais aucun caveau ne fut construit dans la chapelle.  Alexandrine Henriette Léontine Coumeau, veuve Gaudin, qui tenait à laisser son empreinte dans l’église dont elle avait financé la restauration, fut la marraine de la cloche installée en 1878, baptisée Henriette Pauline, le parrain étant Paul Frappier, maire et président de la fabrique de Chauray.

L’église de Chauray, après sa restauration par le curé Ragot

Ayant hérité de son défunt mari, Léontine prit en main la gestion du domaine, lequel comprenait alors à Chauray les métairies de Chaillé, du Deffend, du petit Deffend, du Bourgneuf, du Poteau, du Sailier, de la Chapellerie, de la borderie de la Doucelinière, et à Niort, celle de Saint-Martin. Il y avait là de quoi occuper la solitude de son veuvage. Elle se révéla une active et excellente gestionnaire. Soucieuse du bien-être de ses fermiers, elle fit démolir et reconstruire la plupart des bâtiments de ses métairies. Elle fit même déplacer celle du Bourgneuf, à l’origine voisine du château, en la reconstruisant sur une parcelle à l’ouest de la route de François, afin de dégager les abords du château et d’y aménager un parc boisé. C’est également à la même époque que fut construite la serre du château.

La veuve Godin ne resta pas seule très longtemps, car elle épousa le 29 mars 1883 à Chauray Ludovic Gaston Jules de la Porte de Puyferrat, noble désargenté mais pouvant s’enorgueillir du titre de baron. Contraint de travailler faute de fortune personnelle, le baron exerçait alors le métier d’inspecteur d’assurance pour le compte de la compagnie La Nationale. Il demeurait à Lorient où il était né le 3 avril 1844. Il avait donc presque sept ans de moins que son épouse.

Cette union ne fut certes pas un mariage d’amour, mais chacun y trouvait son compte. La dame Coumeau devint baronne en même temps que le baron redorait son blason. Ainsi dispensé de gagner sa vie à la sueur de son front, il parait que le noble époux préférait courir la gueuse dans la capitale plutôt que de se morfondre dans le château provincial de son épouse. Ludovic Gaston Jules de la Porte de Puyferrat décéda à Bordeaux le 14 décembre 1889.

Léontine Coumeau, baronne de La Porte de Puyferrat, s’est éteinte le 19 novembre 1921, à Niort.

X comme Xe siècle à Chauray

Un texte de Michel GRIMAULT

X, c’est le chiffre 10 en notation romaine. X comme Xe siècle, de l’an 901 à l’an mil. C’est la période la plus sombre de notre Moyen Âge. L’empire, un moment ressuscité par Charlemagne, s’effondre définitivement, pour laisser la place à un ordre nouveau, l’ordre féodal. Nous n’avons que bien peu de documents écrits pour décrire ce que furent nos localités à cette époque, et encore celle de Chauray fait-elle figure d’exception, étant citée deux fois. Il faut donc faire appel à d’autres sources, notamment l’archéologie.

C’est en 904, au tout début du Xe siècle, que le nom de Chauray apparaît pour la première fois dans un document écrit parvenu jusqu’à nous. Il s’agit d’un contrat, inclus dans les chartes de l’abbaye de Saint-Maixent, par lequel un certain Baraud a vendu à un nommé Hugues, pour le prix de vingt sous, son alleu consistant en mas de terre avec vigne et verger, sis au village de Semelié, dans la viguerie de Chauray.

C’était un temps de misère et de profondes mutations. La prospérité du règne de Charlemagne était bien loin désormais. À la mort de l’empereur, en 814, tout s’était bien passé, car il ne lui restait plus qu’un seul fils, Louis, qu’on appela le Pieux ou le Débonnaire. Louis succéda sans problème à son père, mais il était bien conscient que le partage de l’empire entre ses trois fils pouvait poser problème, aussi l’organisa-t-il de son vivant. Cependant, un quatrième fils lui naquit d’un second mariage, et il fallut lui faire de la place au dépend des autres. Louis n’était pas encore mort que la guerre pour sa succession éclatait entre ses fils.

Depuis longtemps, les pirates nordiques harcelaient nos côtes, mais l’empire franc avait toujours réussi à les contenir. La guerre civile qui sévissait alors désorganisa la défense, laissée à la seule initiative des autorité locales. Les pirates, que les populations nommaient Normands, s’enhardirent et pénétrèrent loin dans les terres, ravageant et massacrant impunément, pendant que les armées franques des différents partis se faisaient la guerre. En 848, les Normands pillèrent Melle et son atelier monétaire. Ils étaient si bien installés dans l’ouest de la Francie que Pépin II d’aquitaine n’hésita pas à les engager comme mercenaires contre son frère Charles, dans son combat pour la succession.

La population fuyait les Normands, à la suite des moines qui emportaient leurs reliques. Ceux qui restaient s’en remirent aux grands propriétaires pour assurer leur défense. L’état était en pleine déliquescence, même après que la guerre civile eut pris fin en Aquitaine par la défaite de Pépin II. L’empire partagé par le traité de Verdun, en 843, Charles le Chauve devint roi de la Francie occidentale, mais son pouvoir était considérablement affaibli. Les comtes, qui étaient précédemment nommés par le roi, transmirent leur charge à leur fils. Leur autorité ne reposait plus sur une délégation par le pouvoir central, mais sur leur capacité à rassembler les armées des seigneurs locaux, généralement en leur distribuant les terres de l’état et des abbayes. Le système féodal commençait ainsi à se mettre en place.

Le bourg de Chauray n’est pas directement concerné dans l’acte de vente de 905, mais désigné comme le siège d’une viguerie (vicaria, en latin), la plus petite division territoriale du comté. Le viguier Ucbert a signé l’acte, ainsi que Savary, vicomte de Thouars, qui commandait un vaste territoire comprenant la quasi-totalité des Deux-Sèvres. Au centre du bourg, au lieu-dit la Seigneurie, nous distinguons, sur une ancienne photographie réalisée par l’IGN, la trace d’un fossé ovalaire entourant un bâtiment rectangulaire. Probablement s’agit-il du siège de la viguerie, là où demeurait Ucbert.

Seigneurie CL’étendue de la viguerie n’est indiquée par aucun document, mais il est cependant possible de s’en faire une idée. L’acte de 905 et un autre, non daté mais postérieur, précisent que les villages d’Aigonnay, de Chavagné et de Semelié sont situés dans la viguerie de Chauray. Nous savons, par ailleurs, que l’étendue des archiprêtrés était calquée sur celle des vigueries, jusqu’à ce que le clergé y renonce en raison des trop fréquents changements des circonscriptions laïques. À l’époque moderne, l’archiprêtré d’Exoudun avait une forme bizarre, étranglée en son milieu, à l’emplacement de la forêt de l’Hermitain. Les forêts étant souvent des limites territoriales, tout comme les cours d’eau, il est possible que cette étrange configuration résulte de la réunion de deux entités auparavant distinctes, celle de l’Ouest, d’Échiré à Goux (La Couarde), correspondant à la viguerie de Chauray. Cette dernière n’eut d’ailleurs qu’une existence éphémère, car elle n’apparaît plus dès la fin du Xe siècle.

figure 14 C.jpegPar un édit du 24 juin 864 (édit de Pitres), Charles le Chauve demanda aux comtes d’édifier des défenses sur les rivières pour contenir les invasions des normands. C’est ainsi que fut construit le premier château de Niort. Il existait autrefois, à Chauray, un lieu-dit Château-Gaillard, sur le coteau dominant le moulin de Gondain. Cette fortification, dont il ne reste rien, était sans doute une simple tour en bois, comme on en édifiait au Xe siècle. On ne voit guère l’intérêt féodal d’un château construit en un tel endroit, si ce n’est pour surveiller la Sèvre. Le péril normand était en effet toujours présent à cette époque. Un acte parle encore d’infestation de Normands (infectatio Normanorum) aux abords du château de Niort en 946.

Le Xe siècle prend fin avec l’an mil, considéré par beaucoup d’historiens comme l’aboutissement de la mutation instaurant le système féodal. À Chauray, chaque village avait alors son château, simple tour de bois juchée sur une modeste motte entourée d’un fossé, affirmant l’autorité d’un hobereau local. Au Bourg, il est vraisemblable que le lieu de pouvoir soit resté au lieu-dit La Seigneurie, cité plus haut. À Chaban, la trace d’une motte est visible dans le tracé semi-circulaire de la rue du Vieux Temple et il existe, à cet endroit, une salle souterraine d’où partent des souterrains en partie effondrés. À Trévins, la motte est encore en partie visible rue du Doignon, les fossés en ayant été comblés au siècle dernier. À la Roche, on ne trouve pas de traces matérielles d’un château, mais le nom de Roche désigne la salle souterraine sur laquelle ces mottes étaient construite, et il y existait autrefois un lieu-dit La Tour, non précisément localisé.

Nous ne savons rien des premiers possesseurs de ces châteaux, sauf pour celui de Trévins qui se nomme Château-Ravard. Nous retrouvons ces Ravard à Saint-Gelais, dont le château portait le nom de Ravardière. La seigneurie de Trévins, divisée en deux, fit l’objet de donations successives à l’abbaye bénédictine de Saint-Maixent et perdit de ce fait toute importance. Sur le site du Château-Ravard, on a retrouvé des fragments de céramique du Xe siècle, attestant que celui-ci a bien été construit à l’aube de l’âge féodal.

ParoisseChauray n’est pas sorti du néant en 905, ce village existait bien évidemment avant la date de cette première citation. Son choix comme siège d’une viguerie, indique qu’il avait une certaine importance à cette époque et comportait évidemment une église. Il ne reste rien de cette première construction, le bâtiment actuel remontant au XIIe siècle pour ses parties les plus anciennes : le portail et le chœur. La paroisse est la plus petite circonscription religieuse, mais à l’origine il s’agissait seulement des paroissiens fréquentant l’église la plus proche, sans connotation territoriale. Le choix de saint Pierre pour saint patron de celle de Chauray indique une création carolingienne, et sans doute regroupait-elle un grand nombre de villages à l’origine. Si l’on trace un cercle avec l’église Saint-Pierre au centre et le village de Chaban en périphérie, nous encerclons également les villages de François et de Saint-Gelais. Chaban est toujours rattaché à Chauray, mais les deux autres sont devenues des paroisses distinctes dont les églises ont été consacrées à Notre-Dame, culte qui ne s’est développé qu’à la fin du XIème siècle.

Ce premier indice en faveur d’un rattachement de ces deux villages à la paroisse de Chauray est confirmé par une particularité qui a subsisté jusqu’à la Révolution : la dîme (impôt dû à l’église) de la seigneurie de Chauray était prélevée par le prieur de Saint-Gelais, à charge pour celui-ci de pourvoir à l’entretien de l’église Saint-Pierre. Il en était de même pour la dîme de François. C’est Hugues VII de Lusignan qui avait fondé ce prieuré en 1109, et c’est certainement lui qui avait disposé de la dîme des domaines lui appartenant, au profit du prieur qu’il avait installé. Le curé de Chauray ne percevait plus que la dîme de La Roche, village tout proche du bourg et de l’église Saint-Pierre, mais qui constituait une seigneurie distincte, directement rattachée au comte de Poitiers. Ainsi, au Xe siècle, la paroisse de Chauray englobait-elle Saint-Gelais, François et peut-être plus encore.

X comme inconnu, nous espérons avoir un peu levé le voile sur le Xe siècle à Chauray.