I comme Immortelle Catherine Martineau

Un texte de Raymond Deborde, L’arbre de nos ancêtres

Un des premiers actes qui a éveillé ma curiosité d’apprenti-généalogiste est le décès de mon ancêtre Catherine Martineau. Quand je l’ai lu dans les registres d’état civil de Pugny à l’année 1809, il m’était inconcevable de ne pas résoudre la question qui m’était posée : à quel âge réel est décédée Catherine Martineau ? Voici la transcription de cet acte (noms et orthographe corrigés) :

« L’an mille huit cent neuf et le trentième jour du mois de janvier devant nous Pierre Guérin, maire de Pugny faisant les fonctions d’officier public de l’état civil, est comparu Pierre Renaudeau, bordier et cabaretier demeurant dans le bourg de La Chapelle-Saint-Étienne, lequel m’a déclaré que Catherine Auger, sa grand-mère, est décédée aujourd’hui dans sa maison sur une heure après midi âgée de cent quinze ans. D’après cette déclaration et m’être assuré du décès de la dite feue Catherine Martineau veuve Auger, j’ai rédigé en vertu des pouvoirs qui me sont délégués ce présent acte en présence 1° du dit Pierre Renaudeau petit-fils de la défunte âgé de quarante ans demeurant dans le bourg de La Chapelle-Saint-Étienne 2° de Jacques Renaudeau âgé de trente-six ans garçon domestique demeurant au village de la Grande Noullière commune de Moutiers-sur-Chantemerle petit-fils de la défunte, que le déclarant et le témoin ont déclaré ne savoir signer, de ce enquis à la mairie de Pugny les jour mois et an ci-dessus.

Guérin maire »

Et pour confirmer que j’avais bien lu, il y avait dans la marge « décès de Catherine veuve Auger âgée de 115 ans » en chiffres.

115 ans, nous ne sommes pas très loin du record de Jeanne Calment ! Une longévité remarquable surtout pour l’époque ! Si j’en crois les deux petits-fils, sa vie se serait déroulée sur 3 siècles. Elle aurait commencé en 1694, traversé tout le XVIIIe siècle pour s’éteindre en 1809. Il m’a donc fallu enquêter pour vérifier les dires des deux déclarants et, qui sait, pouvoir inscrire mon aïeule dans le livre des records.

Son acte de naissance qui est la preuve ultime est malheureusement introuvable. Par chance, j’ai découvert son acte de mariage : elle épouse le laboureur Pierre Auger le 19 février 1743 à Vernoux-en-Gâtine. Je ne me faisais pas trop d’illusions et la date de ce mariage m’a confirmé ce que je pensais bien avant : les 2 petits-fils avaient exagéré, sciemment ou pas, l’âge de leur grand-mère. En suivant leur estimation, elle se serait mariée à 49 ans. Et, comme elle a donné naissance à ses 10 enfants entre 1743 et 1760, au baptême du petit dernier, Pierre Auger, le 29 juin 1760 à Largeasse, elle aurait eu 66 ans, ce qui n’est évidemment pas crédible.

Il ne me reste plus qu’à essayer de rétablir la vérité, estimer l’âge réel de ma sosa 139 à son décès. Je sais grâce à son mariage qu’elle est la fille de François Martineau, tuilier à Secondigny, et de Catherine Bouffard. Ses parents se sont unis le 6 novembre 1708 dans l’église de cette paroisse et je leur ai trouvé 8 enfants. Ceux dont je connais la date de naissance sont tous nés à Secondigny. Les 3 aînés entre 1709 et 1713 et les 2 derniers en 1727 et 1730. Il se trouve que les années de 1716 à 1726 sont manquantes à Secondigny. C’est forcément dans ce laps de temps que sont nés les 3 enfants dont je n’ai pas trouvé l’acte, François, Françoise et Catherine, mon aïeule. Mon ancêtre s’est donc mariée à un âge compris entre 17 et 27 ans et elle a eu son dernier enfant entre 34 et 44 ans. À la fin de sa vie, elle paraissait sans doute très vieille et elle n’avait sans doute pas eu le loisir de compter les années qui passent. À son décès, elle avait entre 83 et 93 ans. Je n’ai donc pas découvert de centenaire chez mes ancêtres ; le petit-fils qui avait fait la déclaration était cabaretier, j’aurais dû me méfier davantage.

Catherine n’a en tout cas pas démérité. Arriver à un âge aussi avancé sans doute très proche des 93 ans, survivre à 10 grossesses, supporter si longtemps le travail éreintant de la ferme, traverser indemne les guerres de Vendée… ce n’était pas donné à beaucoup. Quelques années plus tard, au temps de la photographie et de la carte postale, elle aurait sans doute eu sa place parmi ces vénérables Deux-Sévriens !

Source et images : Site des Archives des Deux-Sèvres et de la Vienne

Baptême par césarienne à Moutiers-sous-Chantemerle

Marc Bouchet a déniché aux Archives départementales des Deux-Sèvres un fait divers extraordinaire et tragique qu’il nous fait partager ci-dessous : le baptême d’un embryon par césarienne après le décès (supposé) de la mère. Âmes sensibles s’abstenir !

naissance de César
Naissance de César (anonyme XIVe siècle) – source Wikipédia

Le 17 décembre 1828, le maire de Moutiers envoie une lettre au préfet des Deux-Sèvres, en réponse à un précédent courrier du 13 décembre, pour lui donner le compte-rendu des conditions dans lesquelles le curé desservant la paroisse avait eu « l’imprudence de fendre le ventre » de Marie Rousseau, enceinte de trois ou quatre mois, sans doute pour baptiser l’embryon, « par bonne intention pensant sauver son âme ».

Le décès de la femme n’avait pas été constaté par un chirurgien ou un médecin. On avait pensé qu’il était de la compétence du maire de le faire.

Monsieur Vrignaud, maire, avait consulté le père Courjaud, beau-père de la défunte pour connaître la vérité. Le curé desservant avait fait « cette opération » contre l’avis de l’époux de la défunte.

Le premier magistrat de Moutiers affirme qu’il avait demandé au beau-père s’il s’était bien assuré du décès de sa belle-fille avant le commencement de « cette opération ». Il lui a répondu affirmativement et qu’elle était décédée dans ses bras.

Pour ne pas faire de peine à monsieur le desservant et pensant que « cette affaire » (à noter l’euphémisme pour désigner une acte qu’on qualifierait aujourd’hui de barbare) se passerait dans le secret, le maire n’a pas cru bon de faire de rapport qu’il aurait dû remettre à qui de droit.

Après la lettre du préfet, il a pris de nouveaux renseignements. Il a consulté une fille du voisinage qu’il ne nomme pas. Cette fille lui a dit être entrée dans la maison du dit Courjaud au moment où le prêtre était occupé à faire cette « opération », qu’elle était tombée « comme pâmée et hors d’elle ».

Le maire a alors écrit au curé qui a prétendu avoir agi avec prudence et « n’avoir fait que ce sa conscience lui avait dicté de faire » : seule la femme Rousseau, mère de la défunte, et lui savent au plus juste comment cette opération s’est passée.

Et le maire de conclure sa lettre en soulignant que « d’après tous les rapports, il parait certain que monsieur le desservant a fait cette action, mais il l’a faite par bonne intention » pour sauver une âme. Mais il a causé dans le pays un grand scandale.

Marie Rousseau était décédée quelques mois auparavant, le 8 octobre 1828, âgée de 28 ans. Elle était la fille de Louis Rousseau et l’épouse de Jacques Courjaud.

Réf. Série 11F 40 Archives départementales des Deux-Sèvres.