Il y avait bien longtemps que nous n’avions pas publié de dessin caché dans les registres. Je pensais même que le filon était tari et que nous n’en trouverions plus. C’était sans compter sur la sagacité de Monique qui a découvert ce très joli dessin dans le registre des sépultures de l’année 1752 de la paroisse Notre-Dame de Niort (vue 17/17). Je trouve même que le visage du personnage semble préfigurer certaines œuvres de Pablo Picasso.
Représente-t-il un noble seigneur avec son épée et sa perruque ? A-t-il été réalisé par un enfant de chœur ? Est-il contemporain de l’année 1752 ? Autant de questions qui n’ont pas de réponses. Reste le plaisir de découvrir un dessin d’enfant qui a miraculeusement traversé les siècles.
Dans les fonds des archives départementales des Deux-Sèvres, en série 5M, se trouve la correspondance avec la préfecture au sujet de la vaccination (ou vaccine) : Demande de vaccins, signalements de pic épidémique, listes des médecins vaccinateurs et des personnes faisant la promotion de la vaccination, états de la vaccination chez les enfants de l’assistance publique etc.
Le document suivant est un exposé d’un certain Caillet/Cailler/Taillet/Tailler (vous laisserez vagabonder votre imagination) qui je suppose était soit un scientifique, soit un personnage public. Était-il de Niort ? Ou est-ce que ce document a été adressé à la préfecture comme documentation, des recherches plus poussées sont les bienvenues de celui qui voudra bien les faire.
Eléments sur les procédés de vaccination contre la variole :
Edward Jenner, médecin anglais, le 14 mai 1796 inocule à un enfant du pus prélevé sur la main d’une fermière infectée par la vaccine (variole de la vache), l’enfant sera immunisé contre le virus. La vaccination de l’époque consistait à prélever du pus sur des pustules d’une homme infecté et d’infecter d’autres hommes pour créer la défense immunitaire, dite vaccination de « bras à bras ». Ce procédé de variolisation pouvait malheureusement transmettre d’autres maladies comme la syphilis. En France, l’idée de vaccination sera prise très au sérieux avec l’appui notamment de personnalités de premier plan comme Lucien Bonaparte et Talleyrand. Un comité central de la Vaccine est créé en 1803 et ordonne les campagnes de vaccination. Le procédé de bras à bras restera cependant le plus répandu jusqu’en 1880. Un projet de loi sur l’obligation vaccinale en 1843 échoue et l’obligation vaccinale ne sera imposée qu’a différents cas parmi la population : les enfants placés (1874), les conscrits (1876), les écoliers (1882), collégiens et lycéens (1883), les étudiants en médecine et pharmacie (1891) pour la France métropolitaine.
Il n’est pas question de donner un avis sur notre pandémie actuelle mais bien de donner un recul sur le sujet de la vaccination.
Voici donc le document (seules ont été apportées au document original la correction orthographique et grammaticale) :
A PROPOS DE LA VACCINATION
Ne doit-on pas s’étonner de voir qu’au milieu du dix-neuvième siècle, quand depuis la propagation de la merveilleuse découverte de Jenner, le monde civilisé a cessé d’être désolé par ce terrible fléau qui sous le nom de variole apparaissait à certaines époques et décimait la population. Il se trouve encore des incrédules capables de nier l’utilité de la vaccine ! Cependant, il faut bien le dire, dans nos campagnes et même dans nos villes, nous rencontrons encore des incrédules parents assez absurdes pour nous répondre quand nous proposons de vacciner leurs enfants : que la vaccine est dangereuse ; qu’eux ont bien vécu sans être vaccinés ; que la variole est une humeur qui doit sortir et que le vaccin fait rentrer, enfin que le vaccin est un mal et la variole, une nécessité. Avec de telles gens quel bien peut-on espérer faire ! Et contre d’aussi stupides arguments que l’évidence détruit chaque jour, que des millions de faits sont venus nier et mieux encore, quels moyens employer pour parvenir néanmoins au but que le vaccinateur cherche à atteindre et qui peut se résumer en ces deux mots : proscription de la variole !!!
Le gouvernement ne pourrait-il point prendre des mesures pour forcer les parents à faire vacciner tous leurs enfants ? En certaines contrées d’Allemagne, il existe une loi qui soumet à l’amende les parents qui n’envoient point leurs fils et leurs filles à l’école. Ne pourrait-on point user d’une mesure analogue à l’égard des pères et mères qui refusent pour leurs (page suivante) enfants le remède préventif que le vaccinateur vient leur offrir contre la variole, lorsque celle-ci plus tard, sans cette précaution, viendra peut-être victimer leur famille ? Ne pourrait-on point aussi exiger des parents qu’ils fissent vacciner leurs enfants avant un certain âge, par exemple lorsqu’ils sont encore à la mamelle ? Car souvent et je décrierai ici, un à un tous les ennuis qui viennent assiéger le vaccinateur ; le motif du jeune âge des enfants, est une des excuses que font valoir les parents pour se récrier contre l’urgence de la vaccination. Si la loi de recrutement fixe une époque de la vie à laquelle tout citoyen se doit à la défense de la patrie, une loi pareille ne pourrait-elle pas limiter l’âge auquel les enfants seraient obligés d’avoir subi l’inoculation du vaccin ?
Mais, vous dit-on, quand vous arrivez dans une localité où vous devez vacciner ; le vaccin que vous avez sous verre est-il bon ? a-t-il été pris sur un enfant bien sain ? Ou bien l’enfant que vous nous présentez pour vacciner les nôtres de bras à bras n’est-il point entaché de quelqu’une de ces maladies qui peuvent se propager par l’inoculation ? Et très souvent sans même attendre votre réponse, et comme se défaussant de votre bonne foi, la moitié des mères a déjà emporté ses enfants avant que vous ayez répondu à ces assertions inexactes, j’ose dire et toutes sans exceptions dues à l’ignorance où gémit la classe du peuple puisque le vaccin est toujours identique à lui-même, puisque à peu près constamment, les enfants vaccinés n’éprouvent que quelques mouvements fébriles après la vaccination et que je ne sache aucun fait parfaitement concluant et tout à fait prouvé de transmission par le vaccinateur de maladie autre que celle légitime l’éruption des pustules vacciniques. Toutefois je me garderai bien de dire qu’une affection réellement contagieuse, la syphilis par exemple ne pourrait pas être transmise par l’inoculation du vaccin. Mais quel est le vaccinateur qui ne sait pas se mettre à l’abri d’un semblable accident…
Un ennui qui vient encore gêner le vaccinateur dans l’exercice de ses fonctions, c’est la difficulté qu’il éprouve quelquefois pour se procurer du vaccin quand il a épuisé celui qu’il s’était ménagé. Il lui est prescrit de se présenter huit jours après chaque vaccination dans les localités où il a précédemment vacciné. (Page suivante) Certes cette mesure est doublement utile ; elle est motivée dans l’intérêt des enfants chez qui le développement des pustules ne se serait pas développé et qui à cette seconde visite peuvent de nouveau être soumis aux chances d’une revaccination ; en second lieu, elle est indispensable pour le vaccinateur lui-même qui lors de cette deuxième tournée aux lieux qu’il a précédemment visités peut , grâce aux enfants sur lesquels la vaccine a bien réussi, recharger de vaccin ses tablettes de verre épuisées. Eh bien ! Qu’arrive-t-il généralement le plus souvent la seconde fois où le médecin se présente rend dans les endroits où il est déjà venu ? C’est que sur vingt enfants qu’il aura inoculés cinq ou six seulement se présentent. Il est vrai, ce sont généralement ceux chez qui le vaccin a manqué et il a du moins la consolation de les soumettre à une seconde épreuve inoculation mais des enfants aux bras desquels les pustules se sont largement développées, un, deux apparaissent seulement. Les parents des autres n’ont pas voulu les amener. Ils étaient trop occupés sans doute ou plutôt ils n’ont plus besoin de vous ou bien encore ils ne veulent pas que l’on prenne du virus aux pustules de leurs fils et de leurs filles : prendre du vaccin sur un enfant, c’est lui causer dommage, tel est leur dire. Et avec un semblable système vous restez quelques fois sans vaccin, vos plaques de verre sont desséchées quand vous auriez cependant besoin de pouvoir y puiser afin de continuer la mission qui vous est imposée.
N’y aurait-il pas possibilité de faire disparaître en partie du moins les difficultés que je viens signaler et qui s’opposent à la reproduction du virus. Vous ensemencez un champ ; vous donnez la semence qui devra produire et le propriétaire du sol venu non seulement bénéficier de votre peine mais de la récolte toute entière. Encore si cette récolte, il ne la laissait pas s’annihiler !! En bonne justice, n’avez-vous pas le droit de reprendre une quantité de récolte proportionnée aussi à votre peine… Encore si le virus que vous réclamez comme votre part de bénéfice, quand l’inoculation a bien réussi, avait une valeur réelle et pouvait être utilisée par les parents, mais rien de tout cela.
Les parents refusent de se rendre à la seconde visite du vaccinateur, époque où ce dernier peut seulement, se reproduire du vaccin
1° parce que des individus aussi ignorants qu’eux-mêmes leur (page suivante) ont affirmés, que de recueillir du virus sur des enfants vaccinés épuise leur constitution.
2° Parce que fort peu intéressé à la santé publique et ne se souciant en aucune façon de la propagation de la vaccine à présent qu’ils en ont usé pour les leurs, ils ne veulent plus se déranger pour rendre service à autrui
Mais l’autorité ne pourrait-elle point arriver à paralyser la mauvaise influence de cette idée fâcheuse qui fait croire que les enfants souffrent si l’on puise du virus à leurs boutons de vaccin ; et ne pourrait-on point aussi parvenir à gourmander l’égoïsme un peu l’égoïsme paresseux de ceux qui ne veulent bouger de leur maison, à l’époque où le vaccin est bon à récolter, au jour dit où le médecin les attend à la mairie de leur commune. Ici qu’il me soit permis de hasarder l’indication d’une série de mesures au moyen de laquelle on pourrait peut-être se garer d’une partie des inconvénients que je viens de signaler et qui entravent la mission du vaccinateur.
1° Ne pourrait-on point dans le contenu des affiches apposées à la porte des mairies par Mrs les Maires pour prévenir de l’époque des vaccinations, non seulement faire mention des avantages que procurent l’inoculation vaccinique ; dire l’innocuité de la vaccination et du bien être qui résulte pour les enfants de la récolte du fluide vaccin mais encore retracer les terribles conséquences de la maladie varioleuse, raconter comment cette affection redoutable défigure pour jamais ceux qu’elle ne fait pas mourir…
On ne se soucie guère d’un péril qui semble éloigné, mais quand on vous en met sous les yeux le désolant spectacle, on est bien forcé d’y songé : et si le moyen d’y remédier se trouve tout à coup sous votre main, le plus communément du mois, l’on s’empresse d’y avoir recours.
2° Pour donner plus de poids et d’autorité aux paroles exprimées sur les affiches concernant la vaccination, ne serait-il point urgent que le nom de Mr le Préfet se trouvât inscrit au pied de chacune de ces annonces, afin que cette précaution d’intérêt général ne fût point envisagée, seulement, comme une mesure de bienveillance (page suivante) de la part de chaque maire pour ses administrés, mais aussi comme une émanation directe de la sollicitude gouvernementale. En leur qualité de premiers magistrats du pays, Mrs les préfets, sont chargés de faire exécuter par tous les moyens possibles, les mesures que la prudence réclame dans l’intérêt du bien être de la santé des populations. Ne serait ce point se conformer à la haute mission qui leur est confiée et aux intentions d’un gouvernement paternel, que de donner par leur signature une garantie morale, un appui certain à l’œuvre de la propagation de la vaccine. Un arrêté pris Ad hoc par Mr le préfet de notre département aurait certes une immense influence et servirait, nous n’en pouvons douter, à dessiller les yeux d’une foule d’individus que l’ignorance jette dans la voie de l’erreur ou que l’égoïsme mal entendu y entraine.
3°N’y aurait-il pas urgence à ce que, dans chaque commune, l’on dressât un tableau des individus vaccinés afin que chaque fois qu’une tournée de vaccination a lieu, le garde champêtre requis à cet effet par les maires, allât à leur domicile prévenir les personnes non vaccinées du passage d’un vaccinateur.
4° Le garde champêtre de chaque commune ne devrait-il point être tenu à chaque vaccination de se trouver à la mairie afin de pouvoir au besoin avertir les personnes retardataires qui cependant désireux être vaccinées.
5° Chaque curé dans sa paroisse ne pourrait-il pas être prié (et certes un grand nombre d’entre eux ont déjà devancé cette mesure par esprit de charité et de progrès), de vouloir bien faire entendre du haut de leur chaire de vérité quelques paroles d’encouragement, quelques simples discours en faveur de la vaccine et dans l’intérêt bien entendu de leurs administrés spirituels. L’éloquence d’un prédicateur surtout dans nos campagnes possède une puissance prodigieuse, nous avons été à même plus d’une fois d’en recueillir les heureux résultats et nous aimons à croire que puisqu’il s’agirait de vaccination par conséquent d’une bonne œuvre à accomplir, aucun des curés de nos contrées ne voudrait manquer à l’appel qui serait fait à son intelligence et à son cœur.
6° Enfin la vaccination ne constitue-t-elle point au sein de la société un fait d’hygiène assez important pour que nos mandataires à la chambre législative veuillent bien s’en occuper ? Une loi qui régirait la matière ne serait elle point d’une nécessité aussi immédiate que toutes celles qui, comme celles des aliénés etc. etc. ont pour résultat définitif la conservation des citoyens ? Bien entendu que si elle venait (page suivante) à être promulguée les mesures indiquées précédemment par nous deviendraient probablement de simples moyens d’exécution de cette loi.
Chaque fois qu’une épidémie, qu’un fléau meurtrier vient envahir notre pays, le gouvernement ne prend il pas des mesures énergiques et ne se sert il pas de tous les moyens qu’il a à sa disposition pour chercher à en arrêter la marche ou du moins pour en atténuer les effets désastreux ? N’est ce pas contre la peste d’Asie que l’état avait prescrit ces vexantes et prétendues mesures sanitaires au moyen desquelles on se figurait pouvoir en préserver nos populations ; lorsque le choléra eut dépassé nos frontières, nos gouverneurs ne mirent ils pas en œuvre toutes les précautions hygiéniques nécessaires qui sans aucun doute en suspendirent la terrible influence ? Quand dans une localité, le typhus européen ou toute autre grave épidémie vient à sévir contre ses habitants, l’Etat ne s’inquiète-t-il pas à juste titre de la vie des individus et n’agit-il pas de telle sorte que la maladie vient à cesser ses ravages ?
Eh bien ! contre la variole, cette épidémie constante, qui, chaque année encore et quoi qu’on ait fait avec malgré les mesures prises contre elle avec les encouragements donnés à la vaccination, n’en décime pas moins quelques-unes de nos contrées ; ne devrait-on pas user de précautions capables de la faire disparaître pour jamais du sol de la France.
N’y a-t-il point urgence absolue pour le gouvernement d’agir contre le fléau variolique ainsi que nous désirerions le voir faire ! Et n’est ce point un devoir pour nous de provoquer l’action gouvernementale dans les circonstances données, puisque pendant le cours de l’année qui vient, de s’écouler, en 1847, une seule commune de notre circonscription de vaccinateur a vu huit de ses habitants succomber aux atteintes de la variole et quatre autres arrivés à être défigurés par cette horrible maladie puisque nous savons qu’au chef-lieu de notre département, un certain nombre de cas de variole s’y est présentés avec de funestes symptômes et qu’enfin à l’hôpital de notre ville, dans les divers services de cet établissement nous avons observé une véritable épidémie varioleuse sur trente individus environ, dont quatre sont mort lors de sa période d’intensité et dont pareil nombre portera toujours sur le visage les traces indélébiles de la fatale épidémie dont ils ont été sur le point de devenir victimes.
Niort, le 19 février 1848 SIGNATURE
Sources :
Archives Départementales des Deux-Sèvres, 5M41, « A propos de la Vaccination »
Notre adhérente Bénédicte REIGNER-TROUDE aime chercher les Deux-Sévriens qui sont partis parfois très loin de notre département. Elle nous communique régulièrement ses trouvailles. Une activité bien utile car ces individus itinérants sont difficiles à retrouver. Mais partir au XIXe siècle, ce n’était pas forcément réussir sa vie. La preuve par l’exemple avec quelques Deux-Sévriens qu’elle a découverts dans différents fonds d’archives, à Brest, à Troyes et vers Paris.
POLICE DE LA PROSTITUTION (Brest – Finistère) 1858 – 1877 Dispensaire, enregistrement des prostituées
MARTEAU Marie : Née le 10 avril 1843 à Clavé, fille de Pierre et Marie FLEURY. Le 31 août 1864, s’est présentée volontairement venant de Lorient, porteuse d’un extrait de naissance et d’un passeport délivré à Lorient le 29 août 1864. Les parents sont décédés. Quitta le toit paternel (sans profession), époque où elle se livra. Fut à Poitiers, y reste une année, fut successivement à Rochefort, La Rochelle, Orthez, Niort, Nantes, Bordeaux, Villeneuve, Libourne, Lorient qu’elle quitta à destination de Brest. Déclare n’avoir subi aucune condamnation. Disparue.
Au XIXe siècle, Brest compte une vingtaine de maisons closes réparties dans le quartier des Sept Saints, à Ker Avel et à Recouvrance et quelques 900 prostituées. À cette époque, une femme qui travaillait 12 heures gagnait 1,50 franc par jour. Une nuit avec un officier de marine lui rapportait 10 francs. La pauvreté, la misère a fait basculer leur vie.
POLICE DES CHANTEURS AMBULANTS(Troyes – Aube) 1867 – 1881 SALTIMBANQUES, REGISTRE DES AUTORISATIONS(AD 10 – Série 4 M)
MIMAU Louis : n° 146 Autorisation du 10 octobre 1874 établie pour 10 jours, ancienne autorisation établie le 13 juillet 1874 à Toulouse, né à Vasles, demeurant à Toulouse. Chanteur ambulant / n° 124 Autorisation du 15 novembre 1875 établie pour 10 jours, ancienne autorisation établie le 5 mai 1875 à La Rochelle. Boiteux.
ROBICHON Louis : n° 78 autorisation du 18 mars 1879 établie pour 8 jours, ancienne autorisation établie le 11 mai 1878, né à Niort, S.D.F. Chanteur ambulant. Estropié de la jambe droite.
7 mars 1815 MESNARD Jean Baptiste : garçon, peintre en miniatures, 37 ans, né à Niort. Il a déclaré être déserteur du 1er Régiment de Hussards Hanovrien sous la dépendance du Roi d’Angleterre et avoir été arrêté à Gournay (Seine-Inférieure). Sans domicile fixe. 1,730 m – cheveux et sourcils blonds – front rond et large – yeux bleus – nez long et large – bouche grande – menton rond et relevé – visage carré ayant la barbe blonde, les oreilles percées, celle de gauche fendue, un petit signe au col à droite, une petite cicatrice sur l’index de la main gauche, une autre sur celui de la main droite. A été extrait de la Direction Générale de la Police du Royaume pour être détenu dans celle de Bicêtre comme vagabond et suspecté de s’être évadé des fers et pour être reconnu. 27 mai 1818, a été transféré à la Préfecture de Police.
21 janvier 1830 VINATIER Pierre dit Adrien Victor : terrassier, venant de Bergerac, arrivant à Paris lors de son arrestation, 24 ans, né à Mougon. 1,690 m – cheveux et sourcils blonds – front large – yeux brun clair – nez moyen – bouche un peu grande – menton fort – visage ovale. a été extrait de la Préfecture de Police pour être détenu dans celle de Bicêtre comme libéré de condamnation pour vol et vagabondage, jusqu’à décision ultérieure de Son Excellence le Ministre de l’Intérieur. 12 mars 1830, a été transféré à Niort.
C’est le tour de notre adhérent Pierre Guilbot de nous transmettre son sosa 2020. Il nous prépare même à l’année à venir puisqu’il nous présente également son sosa 2021. Pierre en profite pour demander un peu d’aideafin de compléter les quelques renseignements manquants. J’ai mis en gras le membre du couple qui permet de le relier à son sosa 2020.
Rejoindre son sosa 2020 en 10 étapes.
1 Guilbot Pierre o 21/10/1952 Clessé
2 Guilbot Jean o 05/10/1913 Clessé + 11/08/1978 Niort 3 Merlet Marie Joseph o 22/10/1918 Boismé + 25/12/1988 Parthenay
6 Merlet Paul o 31/03/1891 Chanteloup + 15/07/1976 Niort 7 Meunier Marie Louise o 07/01/1895 Boismé + 22/07/1948 Clessé
14 Meunier Baptiste o 15/04/1863 St-Germain-de-L.C. + ? 15 Ferret Mélanie o 26/03/1858 Boismé + 29/02/1912 Boismé
30 Ferret Jean Baptiste o 13/04/1815 Largeasse + 01/05/1887 Boismé 31 Jolly Marie Louise o 29/07/1825 Clessé + 16/08/1896 Boismé
62 Jolly Louis o 03/08/1799 Parthenay + 28/08/1888 Boismé 63 Coulais Marie o 1798 Clessé + 03/03/1868 Clessé
126 Coulais Pierre o 1768 Boismé + 08/01/1833 St-Aubin-le-Cloud 127 Arnaud Louise o 1776. + 06/10/1834 St-Aubin-le-Cloud
252 Coulais André o 02/03/1743 La Chapelle-St-Etienne. + 17/11/1803 Clessé 253 Geay Marie Jeanne o Clessé + 01/09/1794 Clessé
504 Coulais André o 09/01/1696 St-Paul-en-Gâtine + ? 505 Baudouin Marie Jeanne o 16/07/1715 Moncoutant + 04/04/1780 Lhoumois
1010 Baudouin Pierre o 1680 16/11/1719 Moncoutant 1011 Giraud Jeanne o 28/03/1685 St-Marsault + 28/12/1730 Moncoutant
2020 Baudouin Pierre o 1665 ? + 1710 ? 2021 Jean Marie Françoise o 1670 ? + ?
Le sosa 2020 de Pierre Guilbot est le huitième et sans doute ultime que nous publions sur le blog après ceux de Monique Ferret, Pierre Laberny, moi-même, Jean-Pierre David, Marie-Isabelle Femenia, Mauricette Lesaint et Geneviève Vallantin. Je ne sais pas si ces différents ancêtres étaient particuliers. L’année qui portait leur numéro de sosa l’aura été en tout cas. Beaucoup tourneront la page de cette année placée sous le signe de la covid19 sans regret. Heureusement, les recherches généalogiques à la maison ont permis à nombre d’entre nous de supporter plus facilement cette période. Ce dernier sosa 2020 est l’occasion pour le Cercle généalogique des Deux-Sèvres de souhaiter de bonnes et prudentes fêtes de fin d’année à chacun et de rappeler que nos adhésions comptent par année civile. C’est donc le moment idéal de nous rejoindre ou de renouveler votre adhésion.
Andrée Ellen Lucie TEXIER naît le 18 mars 1894 à Sainte-Soline, elle est la fille de Charles TEXIER instituteur stagiaire âgé de 30 ans alors en poste à Sainte-Soline depuis le 1er janvier de la même année. C’est son deuxième poste d’instituteur, son premier fut aussi un poste de stagiaire à Romans de 1883 à 1894. La mère d’Andrée est Julienne Adèle MOCHON alors âgée de 27 ans, elle est sans profession d’après l’acte de naissance de sa fille mais d’après le dossier d’instituteur de son mari, elle apprend la couture aux jeunes filles de l’école de son mari.
Le 1er Janvier 1896, alors qu’elle va avoir 2 ans, son père est nommé instituteur titulaire à Champeaux à environ 45 kilomètres de Sainte-Soline, un déménagement s’impose donc ! Ce poste est le troisième et le dernier de son père, il y sera instituteur pendant 27 ans et 9 mois jusqu’en 1924. Fille unique, elle deviendra institutrice comme son père, on ne sait pas si elle fut poussée par ses parents à faire cette profession ou si elle le fit de son plein gré.
De 1910 à 1914, Andrée TEXIER obtient 3 diplômes :
Le premier c’est le brevet élémentaire qu’elle obtient le 30 juin 1910, ensuite, elle obtient son diplôme de fin d’études secondaires le 12 juillet 1911 puis le 18 juillet 1914 elle obtient le brevet supérieur. Tous ces diplômes sont obtenus à Niort. Pour le brevet élémentaire et le brevet supérieur, les résultats sont publiés dans le Mémorial des Deux-Sèvres dans la rubrique Chronique départementale. Andrée TEXIER n’échappe pas à la règle, on peut voir son nom dans les résultats, la première fois le samedi 2 juillet 1910, trois jours après l’obtention de son brevet élémentaire et une seconde fois le mardi 21 juillet 1914, trois jours après l’obtention de son brevet supérieur.
Le brevet en poche, elle continue un peu ses études tout en travaillant dans le but d’avoir le certificat d’aptitude pédagogique, certificat qu’elle obtiendra en février 1918. Elle obtient un premier poste le 3 décembre 1914 à Saint-Gelais, c’est un poste de suppléance et elle y reste vingt-et-un jours jusqu’au 24 décembre.
Ensuite elle obtient une autre suppléance à l’école de Pairé commune de Saivres, un peu plus longue que la précédente, du 1er février 1915 au 31 mars 1915.
Après deux suppléances, on lui confie des postes d’intérim qui lui permettent de visiter le département !
– Pioussay du 17 avril 1915 au 16 novembre 1915 – Cours du 16 novembre 1915 au 30 septembre 1917 – Sainte-Ouenne du 4 octobre 1917 au 3 avril 1918 – La Chapelle-Seguin commune de L’Absie du 9 avril 1918 au 30 septembre 1918 – Les Aubiers du 1er octobre 1918 au 12 octobre 1918 – Le Retail du 12 octobre 1918 au 27 juin 1919 – Champdeniers du 27 juin 1919 au 1er octobre 1919 – La Véquière commune de Surin du 1er octobre 1919 au 4 janvier 1920 – Marnes du 4 janvier 1920 au 26 janvier 1920 – Cours du 26 janvier 1920 au 30 mai 1920 – Terves du 30 mai 1920 au 15 juin 1920 – Cherveux du 15 juin 1920 au 1er octobre 1920 – Noirterre du 1er octobre 1920 au 1er janvier 1921 – Chanteloup du 1er janvier 1921 au 15 octobre 1921, c’est ici qu’elle aura sa première inspection le 6 avril 1921, elle a alors 14 élèves dans sa classe – Fenioux du 15 octobre 1921 au 1er février 1922
Après ce 17e poste, elle devient enfin institutrice stagiaire à titre provisoire. Elle est nommée à l’école des filles de Fenioux par arrêté de l’inspecteur du 1er février 1922 pour remplacer Mme TESSON, en congé de longue durée. Elle partira le 1er avril 1922 car elle est nommée institutrice stagiaire par l’inspecteur par arrêté du 1er avril 1922 à l’école des filles de L’Hôpiteau, commune de Boussais pour remplacer Mme BOUJU en congé. à peine arrivée, elle est inspectée pour la 1re fois le 20 mai 1922. La classe dont elle est en charge est alors composée de 21 élèves. Mais le 1er octobre 1922, elle est nommée institutrice stagiaire à l’école publique du Chillou, par arrêté de l’inspecteur en date du 23 septembre 1922, en remplacement de M. VEILLET. Le 1er janvier 1923, elle passe institutrice de 6e classe, et ce même jour, elle est nommé à Marnes en remplacement de PASSEBON en congé pour convenance personnelle. Mais là aussi, elle n’y reste pas longtemps, elle y reste jusqu’au 1er février 1923. Ce même jour, elle est nommée institutrice aux Jumeaux en remplacement de Marie Louise DEFAYE appelée à Marigné (Maine-et-Loire) par arrêté du préfet en date du 18 janvier 1923. Le 9 février 1924, Madame BROSSARD, comme on doit l’appeler maintenant suite à son mariage le 10 septembre 1923 avec Gustave Fernand François BROSSARD, est inspectée dans sa classe de 17 élèves. Après plus d’un an et demi aux Jumeaux, elle ne peut pas refuser la proposition de son père, celui-ci partant à la retraite, qui demande à ce que sa fille le remplace dans son école de Champeaux. Le 1er octobre 1924, elle y est nommée par arrêté du préfet en date du 11 juillet 1924, elle a enfin le poste qu’elle voulait. Elle est alors institutrice de 5e classe depuis le 1er janvier 1924. Elle continue tranquillement sa vie à Champeaux mais trois fois, elle doit subir les redoutées inspections académiques : le 16 juillet 1925, le 8 décembre 1926 et le 9 mai 1928. L’inspecteur trouve qu’elle fait un bon travail et qu’elle s’en sort bien avec quand même 35 élèves dans sa classe. En 1929, elle est promue institutrice de 4e classe. Le 16 novembre 1930, elle adresse une lettre à l’inspecteur d’académie de Niort pour lui demander de changer de poste. Elle demande « l’Angevinière (s’il est vacant) ou un poste assez rapproché de Champdeniers me permettant de pouvoir voir mon bébé de 7 mois en nourrice à Champdeniers et m’éloignant pas trop de ma grand-mère (87 ans) de la région où elle a toujours vécu ou un poste dans les environs de Niort (centre de travail de mon mari) » L’inspecteur est favorable à un changement de poste mais l’Angevinière n’étant pas vacant, il redemande à Mme BROSSARD de bien vouloir faire une autre lettre de demande de poste en précisant un peu plus les écoles qu’elle voudrait. Le 29 novembre 1924, elle demande alors « Cherveux (adjointe) ou Saint-Symphorien ou les environs de Champdeniers et de Niort ». Le 1er janvier 1931, elle est nommée institutrice à l’école des filles de Cherveux par arrêté du préfet en date du 18 décembre 1930 en remplacement de Mme LESPARRE appelée à Fors.
Une fois à Cherveux, elle monte vite dans les échelons. Le 1er janvier 1932, elle devient institutrice de 3e classe, en 1937 elle passe en 2e classe puis s’enchaîne la 1re classe en 1942 jusqu’à devenir hors-classe en 1947.
Après 16 ans de bons et loyaux services à l’école des filles de Cherveux, l’inspecteur d’académie nomme Mme BROSSARD directrice adjointe en remplacement de Mlle MÉTAIS le 1er octobre 1947. Elle est très souvent inspectée : 10 fois en 17 ans ! Le 25 avril 1934, le 25 mars 1936, le 20 décembre 1937, le 22 mars 1939, le 14 février 1941, le 12 février 1943, le 12 janvier 1945, le 8 janvier 1947, le 1er février 1949 puis le 16 janvier 1951. À chaque inspection, elle obtient entre 12 et 13 sur 20. On pourrait croire que c’est peu mais comment serait-elle devenue directrice adjointe si elle était une mauvaise institutrice ? L’inspecteur note en 1939 « Mme BROSSARD travaille régulièrement et les résultats sont satisfaisants », elle était donc une bonne institutrice.
Après tout ce travail, elle est admise à faire valoir ses droits à une pension de retraite par arrêté ministériel du 11 décembre 1951, elle part donc à la retraite le 1er janvier 1952. Elle profite de sa retraite à Cherveux mais le 20 octobre 1962, son mari décède. L’année d’après est marquée par un heureux événement, sa fille se marie le 8 juin 1963. Mais ce bonheur sera de courte durée car Andrée Ellen Lucie BROSSARD née TEXIER décède le 12 février 1964 à 69 ans, à peine 12 ans après avoir pris sa retraite.
Je vous laisse sur une photo de cette institutrice que m’a envoyée Marguerite MORISSON, notre ancienne présidente du Cercle généalogique, qui eut Mme BROSSARD en institutrice vers 1937-1938.
Sources :
1 T 700 pour le dossier d’institutrice d’Andrée Ellen Lucie 1 T 547 pour le dossier d’instituteur de Charles TEXIER F PER 26 / 72 et F PER 26 / 76 pour les extraits du Mémorial de l’Ouest Et bien sûr Marguerite MORISSON pour la photographie.
Écrire sur les femmes en généalogie : une idée intéressante, mais difficile à mettre en pratique. J’ai eu la chance il y a quelque temps d’écrire avec Généa79 un article qui me tenait à cœur sur Marie JACOB, une ancêtre du XVIIe siècle, marchande publique, c’est-à-dire exerçant une activité commerciale indépendante de son mari, et qui a eu parmi ses descendants le député Léopold GOIRAND, lequel s’est battu pour mener à bien la première loi permettant aux femmes de disposer de leur salaire en 1907. N’ayant rien trouvé que de très banal dans les professions de mes autres ancêtres, j’ai décidé de parler de leur vie de femme, d’épouse, de mère, et de continuer avec une famille que je pensais bien connaître. J’ai donc choisi de parler des trois épouses de Guillaume GODEFROY, fils de Marie JACOB, et de la mère de la troisième épouse, de la même génération que les deux premières. Leur vie n’a pas été un conte de fée dans le sens « Ils se marièrent, eurent beaucoup d’enfants, et vécurent très longtemps ». Des naissances, il y en a eu beaucoup, mais aussi beaucoup de décès d’enfants, des décès de conjoints, des remariages, un enfant naturel, des veuvages, des mariages tardifs. Ces vies commencent sous le règne de Louis XIV et seront marquées par de grandes décisions de ce règne : création du port de Rochefort, Révocation de l’Édit de Nantes. Elles se poursuivront plus ou moins au fil du XVIIIe siècle, jusqu’aux règnes de Louis XV, Louis XVI, et jusqu’à la Révolution pour la plus jeune. L’histoire se déroule majoritairement à Niort avec une grosse parenthèse à Rochefort.
Guillaume GODEFROY
Le lien entre ces femmes est Guillaume GODEFROY, né en 1680 à Niort, baptisé en la paroisse Saint-André, fils d’Isaac GODEFROY, marchand tamiseur (fabricant de tamis en crin de cheval), venu de Fleury dans la Manche, et de Marie JACOB, pure niortaise, marchande de poteries. Guillaume sera pratiquement toute sa vie teinturier, marchand teinturier en fil, marchand filletier, et un peu aubergiste.
Françoise MARCHET (1679-1717)
Françoise naît à Niort et est baptisée paroisse Notre-Dame en décembre 1679. Son père François et ses deux grands-pères, François MARCHET et André VIAULT, sont maîtres cordonniers à Niort. Elle est la troisième d’une fratrie de onze enfants, dont six arrivent à l’âge adulte, quatre décèdent en bas âge et un à 21 ans. Tout naturellement à 23 ans en 1703, elle épouse un cordonnier niortais, Estienne HILLAIRET. Comme ses sœurs, Catherine et Marie, et ses frères, Françoise sait signer son nom. Les filles signent volontiers MARCHETE, féminisant les noms à la manière poitevine. Estienne et Françoise ont un fils et quatre filles entre 1704 et 1710, dont deux enfants en 1704 (un en janvier et un autre en décembre). Ils perdent leur fils aîné François à l’âge de 2 ans en 1706. Suite à des éruptions volcaniques en 1707 et 1708 (Mont Fuji, Piton de la Fournaise, Vésuve, Santorin), commence en janvier 1709 ce qu’on a appelé le « Grand Hiver », un hiver extrêmement rigoureux suivi de toute une année 1709 fraîche. Arrivent d’abord des maladies bronchopulmonaires, puis par suite de mauvaises récoltes et d’enchérissement des denrées, de la malnutrition. Enfin, sur les organismes affaiblis, s’abattent les épidémies de maladies infectieuses : fièvres typhoïdes, rougeole, petite vérole, dysenteries. On compte 600 000 morts de plus que d’ordinaire entre 1709 et 1710. Les petites Françoise et Catherine, 4 ans ½ et 2 ans ½, décèdent à quelques jours d’intervalle en août 1709 sûrement d’une conséquence du Grand Hiver. Leur père Estienne décède vers 1710-1711.
La vie continue pour Françoise. Le 25 janvier 1712 à Saint-Florent (aujourd’hui intégré dans Niort), elle épouse Guillaume GODEFROY, son cadet d’une année. Entre fin 1712 et début 1717, naissent deux filles et deux garçons. Mais en 1713, Françoise a la douleur de perdre Suzanne Godefroy âgée d’un jour, en 1714 Marie Jeanne Hillairet 6 ans ½, en 1716 Louis Godefroy 16 mois, en 1717 Françoise Godefroy 2 jours, avant de rendre l’âme à son tour huit jours après son neuvième accouchement, à l’âge de 37 ans. Elle laisse Marie Magdeleine issue de son premier mariage âgée d’à peine 7 ans, et Guillaume François issu de son deuxième mariage âgé de 4 ans. La curatelle de Marie Magdeleine qui a perdu ses deux parents est organisée par un conseil de famille, regroupant quatre personnes du côté paternel, et quatre personnes du côté maternel (le grand-père et trois oncles). C’est Jean HILLAIRET, oncle paternel, qui devient curateur de Marie Magdeleine. Sans doute dès lors vit-elle avec sa famille. Hélas elle décède le lendemain de son 32e anniversaire, célibataire. Seul Guillaume François aura une descendance, neuf enfants dont deux ont laissé une postérité, Louise Charlotte, mon ancêtre, et Jacques, ancêtre du député Léopold GOIRAND.
Marguerite GUERINEAU (1669-1740)
Marguerite naît à Migré, dans le Nord-Est de l’Aunis en 1669, moins de deux ans après son frère Pierre. Son père Anthoine est charpentier. Et leur vie va changer. Louis XIV souhaitait créer un port militaire et un arsenal sur la côte Atlantique qui en était entièrement dépourvue entre Brest et la frontière espagnole. Des prospections sont engagées dans l’embouchure de la Charente. Brouage ? Abandonné par la mer ! Soubise ? Près d’un écueil ! Tonnay-Charente ? Le lit de la rivière est rétréci ! à Rochefort, la rivière est profonde, large, parfaitement encaissée, mais Rochefort est un tout petit village. En 1666, les travaux de dessèchement du marais, de défrichement, puis de constructions commencent. Et toute une population arrive, 15 000 à 20 000 personnes en seulement 5 ans. Parmi eux, entre 1669 et 1674, Anthoine GUERINEAU, Marie ARSONNEAU et leurs enfants, ainsi que Sébastien GUERINEAU et Marguerite ARSONNEAU, oncle et tante, parrain et marraine de Marguerite. Anthoine et Sébastien, charpentiers, vont apprendre le métier de charpentiers de navire.
Pour moi, touriste, avec l’Hermione, l’immense Corderie Royale plus longue que la Tour Eiffel n’est haute, les bords de la Charente, Rochefort me fait rêver. Mais la vie dans le port de Rochefort au XVIIe siècle n’est pas une vie de rêve. La famille doit loger dans une cayenne : petite maison légère construite en bois, en parler rochefortais. Le sol des habitations est en dessous du niveau de la rue non pavée où l’eau croupit. Avec l’entassement, les effluves du fleuve, les miasmes des marais environnants, l’insalubrité est grande. Les fièvres et épidémies sont endémiques. L’eau potable est rare. Les ouvriers sont obligés d’utiliser l’eau de leur puits, si voisins des fosses d’aisances que les matières contenues dans ces fosses y filtrent. Peu à peu l’Intendant BEGON cherche à améliorer la vie des habitants, mais ça va être long. En plus, il y a toujours à craindre une attaque du port par les Anglais, et les maladies apportées par les bateaux. À 21 ans, Marguerite épouse Pierre SIMONNEAU, fils d’un charpentier de gros œuvre d’Aigrefeuille-d’Aunis, âgé de 46 ans, deux fois veuf, maître charpentier des vaisseaux du Roi entretenu au port de Rochefort, c’est-à-dire titulaire d’un contrat à l’année (une sorte de CDI). Pierre semble avoir été allié avec Benjamin CHAILLE, le constructeur du premier bateau de Rochefort d’après le CG Aunis. Au contrat de mariage de Pierre et Marguerite, plusieurs femmes amies de Marguerite signent, dont Elisabeth VINCENT épouse de Michel GUESDON, procureur du Roi. L’hiver 1693-1694 est très rude, l’été suivant très humide. Cela va provoquer une hausse des cours des céréales, une grande famine, et 1 300 000 morts en France, avec une épidémie de typhoïde. Un professeur de l’École de Médecine navale de Rochefort du XIXe siècle, ayant étudié les écrits des médecins rochefortais de l’époque, prétend qu’à Rochefort toutes les épidémies se sont déchaînées en même temps : rougeole, variole, typhus et peste apportés par les bateaux. C’est pendant cette période, en début d’année 1694 que Marguerite met au monde son premier enfant prénommé Pierre qui décède 13 jours plus tard. Deux autres Pierre suivront en 1696 et 1697. Il n’en restera qu’un en 1718 et j’ignore ce qu’il est devenu par la suite. Pierre SIMONNEAU père décède en 1700. Mais Marguerite résiste.
Marguerite se remarie en 1702 à l’âge de 32 ans avec Jean PICHON, blanconnier de 28 ans. Sept enfants naissent entre 1703 et 1712. Je n’ai pas trouvé tous les actes de décès mais aucun enfant n’avait survécu en 1718. Le premier est décédé à Ardillières et le troisième à Saint-Hippolyte, des villages pas très éloignés de Rochefort, sans doute en nourrice, les quatrième et septième sont décédés à Rochefort. Tous ces décès concernent des enfants de 6 à 8 jours. Pourquoi cet âge ? Les bébés sont-ils prématurés ? Marguerite manque-t-elle de lait ? La pollution de Rochefort y est-elle pour quelque chose, d’autant qu’à cette pollution s’ajoute celle du métier de blanconnier, tanneur de petites peaux ? Est-ce à cause de cela que certains enfants sont envoyés à la campagne ? Marguerite était-elle en proie à un dilemme terrible : envoyer ses enfants à la campagne où ils risquaient de mourir de manque de soins, ou les garder et les perdre à cause de l’insalubrité ? Jean PICHON lui-même décède en 1713 à l’âge de 39 ans. Mais Marguerite résiste.
En 1714, Marguerite épouse un boulanger, Pierre CHARRIER, veuf d’Anne ROY. Il ne sait pas signer mais ses deux épouses signent. Ce n’est pas un inconnu. Anne ROY et sa fille ont été marraines des enfants PICHON. Pierre et Marguerite se connaissent bien et sont tous deux veufs depuis peu. Mais leur union ne dure guère. Pierre décède à son tour. Et Marguerite résiste toujours.
En 1718, elle convole pour la quatrième fois en l’église Saint-Louis de Rochefort. Je ne sais pas comment elle a connu Guillaume GODEFROY qui vit à Niort. Vend-il ses productions à Rochefort puisqu’il est marchand filletier ? Il est veuf depuis 19 mois. Pourquoi épouse-t-il une femme qui a 11 ans de plus que lui ? Il n’a qu’un fils d’à peine 6 ans. Sa descendance n’est pas assurée. En épousant une femme de 49 ans, il sait qu’il n’aura pas d’autres descendants. Il ne doit pas non plus très bien la connaître, n’habitant pas la même ville. Apporte-t-elle de l’argent ? Craint-il de voir mourir en couches une autre femme, ou de voir naître et mourir d’autres enfants ? Cherche-t-il avant tout une bonne mère pour son fils ? Lui a-t-on vanté le courage et la douceur de Marguerite ? Et Marguerite a-t-elle envie de quitter Rochefort où elle a connu bien des malheurs ? A-t-elle envie d’avoir un petit garçon à élever alors que l’unique fils qui lui reste est devenu adulte ? Guillaume et Marguerite vont vivre ensemble pendant vingt-et-un ans, avant que Marguerite ne quitte ce monde à l’âge de 70 ans. J’ai envie de croire que Marguerite a vécu une période de paix, de tranquillité à Niort après tant d’années difficiles à Rochefort. J’ai envie de croire qu’elle a été heureuse avec ses deux Guillaume. J’ai envie de croire que Guillaume François l’a aimé comme une mère, d’autant qu’il s’est retrouvé, chose rare à l’époque, fils unique, avec une mère toute à lui, débarrassée des grossesses et des deuils.
Gabrielle GENDRON (1706-1791)
Gabrielle naît en 1706 à Vallans, au sud-ouest de l’actuel département des Deux-Sèvres, à une vingtaine de kilomètres du lieu de naissance de Marguerite. Elle est la quatrième des douze enfants de Jacques GENDRON et Hélie GUION dont je reparlerai. Je l’imagine passant une enfance heureuse au milieu de ses nombreux frères et sœurs. Mais bien que sa famille doive avoir une certaine aisance, elle ne semble pas avoir appris à lire et à écrire. Pourtant certaines de ses sœurs signent. À 31 ans, elle n’est toujours pas mariée, mais enceinte. Une petite Marie qui va être appelée Marie Anne, naît et grandit. À 5 ans, elle a enfin un père par le mariage de Gabrielle et Guillaume. Mais Guillaume est-il le père biologique ? Au moment de la conception de Marie Anne en 1737, il était marié. Bien sûr, à l’époque Marguerite était âgée, peut-être malade. Mais pourquoi avoir attendu trois ans après son décès pour épouser Gabrielle ? Et du côté de Gabrielle, pourquoi avoir pris le risque d’avoir un enfant avec un homme marié de 57 ans ?
Je ne pense pas que Guillaume soit le père biologique. Mais Marie Anne grandissant, il a bien fallu lui trouver un père. On a fait appel au réseau familial pour trouver la perle rare. Vous vous souvenez de Jean HILLAIRET, le curateur de la petite Marie Magdeleine. Et bien il est allié à la fois avec la famille GENDRON et avec Guillaume GODEFROY. Son épouse s’appelle Suzanne GENDRON et est la demi-sœur de Jacques, le père de Gabrielle. Jean HILLAIRET a été témoin au mariage de Jacques GENDRON et Hélie GUION, et au mariage de Guillaume GODEFROY et Françoise MARCHET. Et Guillaume coche toutes les cases. Bien sûr, il est plus âgé que Gabrielle, mais c’est inévitable dans cette situation. Il a un commerce. Il était jusque-là teinturier, et le voilà devenu aubergiste. Il n’a qu’un enfant, c’est important pour l’héritage, et cet enfant se marie le 7 janvier 1743, 3 mois ½ avant son père. Gabrielle n’aura pas de beaux-enfants à la maison. Pour Guillaume qui a toujours épousé des femmes veuves et qui avaient eu plusieurs enfants, le fait que Gabrielle ait un enfant ne devait pas poser trop de problèmes. Mais passer d’une femme de 11 ans de plus que lui à une femme de 25 ans de moins que lui, en voilà un changement ! Et pour Guillaume François un terrible changement, voire une trahison. Mais qui a trahi l’autre le premier, Guillaume François en se mariant et quittant Niort pour Celles, le village de son épouse. Ou bien Guillaume qui avait choisi de ne pas donner de petits frères et sœurs à Guillaume François, en se remariant et en plus en lui donnant une demi-sœur qui n’en serait sans doute pas vraiment une.
Guillaume et Gabrielle vont avoir trois autres enfants. Les deux garçons sont apparemment décédés jeunes, et la fille Marie Gabrielle a sans doute été proche de sa sœur aînée. Comme leur mère, elles ne savent pas signer. Gabrielle va les marier toutes les deux le même jour à 25 et 30 ans avec deux perruquiers, qui sont dans le haut de la hiérarchie des artisans, et qui n’étant pas de Niort, n’ont pas de mamans susceptibles de s’offusquer de l’union de leur fils avec la fille d’une femme légère. Quand Guillaume quitte ce monde à l’âge de 72 ans, Gabrielle a 47 ans, elle a été mariée pendant 10 ans, et va rester veuve pendant 38 ans, avant de s’éteindre à l’âge de 85 ans. Et Marie Anne dont la vie n’avait pas bien commencé va vivre assez longtemps (78 ans). Avant de mourir, elle va faire une donation de ses biens à ses enfants. Avec son mari, elle possédait une grande maison à Niort, rue Saint-Gelais, bien meublée avec armoires en noyer, glaces, cuivres, napperons, une borderie à Niort, rue Truie- qui-file, et des vignes à Souché.
Hélie GUION (1683 ? – 1763)
Je ne sais ni où ni quand est née Hélie, mais ce doit être vers 1683-1684. Elle porte un prénom bien protestant, et serait née à une période charnière, entre deux vagues d’abjuration massive, en 1681 puis en 1685. Hélie est un prénom qu’on peut trouver plus tard chez des catholiques ayant eu des parrains d’origine protestante. Mais je doute qu’il puisse être donné en cette période à des catholiques, et encore moins à de nouveaux convertis. Ses parents sont Jean GUION, boulanger, et Catherine COLLEAU. Je ne les ai pas trouvés dans les registres, mais j’ai trouvé un couple Charles GUION, marchand fouacier, et Marie COULLAUD, protestants à La Mothe-Saint-Héray, peut être des parents ? Alors j’ai imaginé le scénario suivant : Jean et Catherine, protestants, ont refusé d’abjurer en 1681, mais savent très bien qu’ils vont être obligés de se soumettre. Ils attendent un enfant, et décident que, fille ou garçon, il s’appellera Hélie. C’est une déclaration de foi, un appel au secours, un marqueur pour que cet enfant n’oublie jamais qu’il est né protestant !
Vers l’âge de 17 ans, Hélie épouse Jacques GENDRON, marchand de 24 ans. C’est un jeune homme prometteur. Il est marchand à Niort, puis vers 1706-1708, il est fermier à Vallans, et sans doute dans les années qui suivent à Frontenay-Rohan-Rohan, avant de revenir à Niort où il devient huissier audiencier des tailles foraines de Niort, c’est-à-dire qu’il perçoit les taxes sur les marchandises qui entrent ou sortent du Poitou. En 1718, il se rend adjudicataire de la dîme royale de la paroisse de Gourville pour 1718 à 1720, moyennant la somme de 3 350 livres par an, puis adjudicataire de la dîme royale de Nieul pendant les années 1719-1720 pour 10 000 livres par an. La dîme royale c’est d’abord un ouvrage écrit par Vauban, publié secrètement en 1707, et interdit. L’idée de Vauban était de remplacer la taille et d’autres impôts par un impôt universel, s’appliquant sur tous les revenus, sans exception pour les ordres privilégiés, progressif de 5 à 10 %, dans le but d’obtenir un revenu simple, rapide, non désagréable au peuple. En 1718, un essai de dîme royale est fait dans l’élection de Niort. Il est étendu en 1719 à la généralité de La Rochelle. Ce n’est pas vraiment le projet de Vauban, c’est plus une réforme de la taille, la taille personnelle traditionnelle et la capitation des taillables étant remplacées par une dîme au 1/10° et en nature sur les produits de la terre, et par une redevance en argent fixe sur les revenus du bétail, de l’industrie et du commerce. L’affermage se fait par adjudication publique à chandelle au plus offrant. Les adjudicataires sont exemptés du logement de gens de guerre, de guet et garde, de milice, tutelle, curatelle et autres charges publiques, et ont le droit de porter des armes à l’exception du fusil, et à condition de ne pas chasser. Au début, cette réforme est très bien accueillie. Mais très vite, elle reçoit l’opposition des privilégiés du Poitou qui ne sont exemptés que sur les terres labourables, pas sur les vignes, et qui s’opposent au droit de port d’armes des adjudicataires. Et puis la dîme et les adjudicataires deviennent vite impopulaires car 10 % pour tous c’est beaucoup, d’autant que les autres impôts ne sont pas supprimés. L’essai n’est pas poursuivi, car en plus il y a le problème du paiement en nature avec les frais de charrois et de stockage, et le fait que l’adjudicataire est seul responsable, qu’il ne peut s’appuyer comme le collecteur de la taille sur la solidarité de la paroisse dont il est un délégué. Jacques GENDRON devait avoir beaucoup d’ambition, et un certain courage. Mais je l’imagine comme un homme dur. Avec Hélie, ils ont douze enfants entre 1701 et 1725, et Jacques décède en 1728.
Hélie ne se remarie pas. Elle profite du statut plutôt favorable de veuve. Sept de ses enfants survivent. Une chose est très curieuse, c’est que ses filles se sont mariées tard, voire très tard, ou pas du tout. Gabrielle a eu une fille à 32 ans et s’est mariée à 37 ans. Anne s’est mariée une première fois à 34 ans avec un militaire dont elle a eu un fils, et s’est remariée à 41 ans avec un huissier à la Maîtrise des Eaux et Forêts. Marie Marguerite s’est mariée à 47 ans avec un teinturier de Libourne, et sans enfants pour s’occuper d’elle sur ses vieux jours, est décédée à l’hospice de Bordeaux. Jeanne a épousé à environ 65 ans un journalier. Il semble que Catherine ne se soit pas mariée. J’ai l’impression qu’Hélie n’a pas été heureuse en ménage, que ses filles n’ont pas voulu vivre la même vie, et qu’elle-même n’a pas souhaité leur imposer un mariage, quelles ques soient les conséquences de cette non-conformité. Je crois qu’Hélie a choisi la liberté pour ses enfants. Son fils aîné Jacques est devenu huissier comme son père. Et l’autre fils Simon ? Et bien Simon est parti pour le Canada, comme soldat semble-t-il, vers ce qui était alors un petit fort français, Fort-Pontchartrain, devenu par la suite anglais, puis américain. Il semble s’y être installé comme commerçant, et ce petit fort est devenu la grande ville industrielle aujourd’hui ruinée de Detroit. Simon Gendron dit Potvin y est décédé à l’âge de 97 ans ! Hélie quant à elle est décédée à l’âge de 80 ans après 35 ans de veuvage. Aux États-Unis, elle a sans doute des descendants protestants.
À travers Françoise, Marguerite, Gabrielle, Hélie, j’ai tenté d’approcher la vie des femmes des XVIIe et XVIIIe siècles, dans un milieu plutôt urbain, un monde d’artisans, de marchands, voire de petits notables, avec quelques interprétations, je l’espère, pas trop hasardeuses.
Sources :
Archives des Deux Sèvres et de Charente Maritime : registres paroissiaux et d’état civil, curatelle, contrats de mariage, avec l’aide du Fil d’Ariane
BOURRU Henri : Des épidémies qui régnèrent à Rochefort en 1694
MORISSON GABOREAU Marguerite : Poitevins au Canada aux XVII° et XVIII° siècles
TOUZERY Mireille : L’invention de l’impôt sur le revenu, la taille tarifée 1715-1789
VIAUD J.T. et FLEURY E.J. : Histoire de la ville et du port de Rochefort
Dix-huit ans ont passé depuis que, dans notre revue de mars 2002, était paru un article concernant ce personnage bien connu. Cette brillante intellectuelle, presque hors normes, (à 3 ans elle savait lire !), cette élève de l’école normale supérieure de Sèvres qui réussit une double agrégation de physique-chimie et de sciences naturelles, à une époque où les femmes n’avaient pas vraiment accès à l’instruction et à la culture en général et qui devint en plus une écrivaine bien connue, est peu à peu tombée dans l’oubli.
Le grand-père Barbeau
Nelly Fouillet est née à la fin du XIXe siècle, le 18 septembre 1891 à Melleran, dans la maison de son grand-père maternel, Pierre Barbeau, le forgeron du village. Ses parents, Pierre Armand Marie Fouillet et Henriette Léontine Barbeau sont instituteurs. Elle va donc les suivre au gré de leurs nominations dans différents villages des Deux-Sèvres.
La maison natale à Melleran
Si la famille Barbeau est de Melleran depuis plusieurs générations, la famille Fouillet par contre est originaire de la Gâtine. Pierre Fouillet est né le 5 mai 1867 à La Ferrière-en-Parthenay. Les générations antérieures sont de La Peyratte, Vautebis, La Chapelle-Bertrand ou Saint-Martin-du-Fouilloux.
Pierre Fouillet sort de l’École normale de Parthenay en 1886. Il est l’un de ces « hussards » de la République ; les lois Jules Ferry de 1881 et 1882 viennent d’être votées pour que l’école soit « Gratuite, Obligatoire et Laïque ». Son premier poste est à Terves. Mais la rentrée de 1890 se fait à Montalembert. Ce n’est sans doute pas vraiment un hasard puisque cette année-là, le 9 septembre 1890, il épouse à Melleran Henriette Léontine Barbeau, la fille du forgeron, une fille du sud du département.
Nelly lycéenne
Ils vont rester à Montalembert jusqu’en 1896, date à laquelle « l’instituteur d’élite » Pierre Fouillet est nommé à Rom ; ils vont y rester 14 ans jusqu’au 1er octobre 1910. La famille déménage alors à Saint-Romans-lès-Melle, ce sera le dernier poste du ménage Fouillet. Lorsque la famille quitte Rom, Nelly a 19 ans. Elle a brillamment terminé ses études secondaires au lycée de jeunes-filles de Niort, puis à Bordeaux et rejoint Paris et la prestigieuse école normale supérieure de Sèvres, d’où elle sortira professeur agrégé de sciences. Elle participe un temps à la recherche scientifique en chimie avec Camille Matignon, élève de Marcellin Berthelot.
Puis à son tour elle va se déplacer au gré de ses nominations qui la mèneront de La Châtre à Blois et à Paris au lycée Fénelon, en passant par Auxerre et Grenoble, pour finir à Fès au Maroc où elle terminera sa carrière de 1956 à 1958… le Maroc qui restera son pays de cœur avec la Grèce.
Le mariage (Archives Anne Gaud)
Vie privée
Là n’est pas vraiment le sujet de notre article. Mais on sait bien quels retentissements peuvent avoir les épreuves les plus intimes sur le cours d’une vie. Nous allons donc les évoquer rapidement.
Le 18 septembre 1918, à Saint-Romans-lès-Melle, Nelly Fouillet épouse Louis Coquard, artiste peintre originaire de l’Indre. Elle a 27 ans et lui 23 ans.
Le 16 novembre 1919 nait une petite fille, Paulette-Nelly. Mais esprit scientifique et esprit artistique sont-ils compatibles ? Assez vite, le ménage ne va pas très bien, mais le divorce ne sera prononcé qu’en juin 1941 à Versailles. Sans doute n’est-elle pas ressortie indemne de cette épreuve.
Sa fille, Paulette-Nelly, deviendra la même année 1941, l’épouse de Pierre Moinot, l’écrivain et académicien bien connu qui a donné son nom à la médiathèque de Niort et dont nous aurons l’occasion de reparler. Ils se marient à Saint-Romans-lès-Melle. Mariage convenu ?… car en réalité tous se connaissent très bien puisqu’ils sont cousins du côté Barbeau. Vous en aurez l’explication et la preuve avec le tableau réalisé en 2002 par madame Jacqueline Higelin-Moinot et reproduit à côté. Claire Sainte-Soline elle-même évoque d’ailleurs cette parenté dans son ouvrage « Les Années Fraîches ».
« Après une pause à La Pommeraie, chez nos cousins Moinot, nous nous élancions sur une route semblable aux montagnes russes, sur laquelle nous faisions des prouesses »
Mais les liens de parenté ne semblent pas avoir été suffisants ; très vite le couple Pierre Moinot et Paulette Coquard va se séparer. Pierre Moinot se remarie en 1947.
Les années passant, les parents instituteurs ont pris leur retraite et sont venus s’installer à Niort. En 1928, ils habitent rue René Cailler. Pierre Fouillet fut maire de Niort de 1932 à 1935.
C’est pendant cette période, en 1934, que va paraître le premier roman de Nelly Fouillet « Journée »et qu’elle va prendre le joli pseudonyme de Claire Sainte-Soline, en souvenir de ses années d’enfance, lorsque ses parents étaient instituteurs à Rom, tout près de ce village au nom poétique. Elle donne les raisons de son choix.
« Le vocable est féminin et je confie que je ne pouvais faire le choix que d’un surnom d’origine melloise, car j’adore les Mellois que je pense bien connaître et qui sont selon moi de caractère indépendant, l’esprit jovial et suprêmement amusants. »
Le bourg de Sainte-Soline
Pendant la guerre, Claire Sainte-Soline devenue un écrivain célèbre, vient enseigner provisoirement au lycée Fontanes à Niort. En 1942, elle fait même une conférence à l’Université Populaire à Niort.
Un écrivain fécond
À partir de 1934, les publications vont se suivre de très près, presque une chaque année. 1934 : Journée (Ed Rieder) chronique d’un village poitevin 1935 : D’une Haleine (Ed Rieder), récit d’une femme du peuple de Paris 1936 : Antigone ou l’Idylle en Crète (Ed Riede) récit d’un voyage en Grèce 1937 : Les Sentiers Détournés (Ed Rieder) 1938 : Le Haut du Seuil (Ed Rieder) 1940 : La Montagne des Alouettes (Presses Universitaires de France) chronique villageoise 1942 : Irène Maurepas (Presses Universitaires de France) 1943 : Petite Physique pour les non Physiciens (Presses Universitaires de France) 1944 : Et L’enfant que je fus (Presses Universitaires de France) 1947 : Belle (Presses Universitaires de France) 1950 : Le Mal venu (Ed Stock) 1952 : Le Dimanche des Rameaux (Ed Grasset) Une femme se libère de la tyrannie de son époux. 1953 : Reflux (Ed Grasset) 1954 : Mademoiselle Olga (Ed Grasset) recueil de nouvelles 1954 : Maroc (Ed Pierre Cailler Genève) 1955 : D’Amour et d’Anarchie (Ed Grasset) vie d’un couple d’artisans avant la 1re Guerre mondiale 1957 : La Mort de Benjamin (Ed Grasset) manque d’une seule voix le Prix Fémina 1959 : Castor et Pollux (Ed Grasset) 1961 : Le Menteur (Ed Grasset) 1962 : De la Rive étrangère (Ed Grasset), nouvelles écrites à la première personne 1964 : Si J’étais Hirondelle (Ed Grasset), tragédie où les personnages accomplissent un destin qu’ils réprouvent 1965 : Noémie Strauss (Ed Grasset) une femme perverse conduit ses amies au suicide 1966 : Les Années Fraîches (Ed Grasset) souvenirs autobiographiques d’une enfance solitaire et mal aimée 1969 : En Souvenir d’une Marquise (Ed Grasset posthume). Pardon pour les titres manquants.
C’est en 1958 qu’elle entra au jury du Prix Fémina. Mais n’oublions pas qu’elle siégea aussi en 1950 au jury du Roman Populiste, qu’elle fut vice-présidente du Penclub de France et qu’elle reçut l’insigne de Chevalier de la Légion d’honneur.
Outre l’admiration d’André Gide, ce qui n’était pas rien, c’est sans doute François Nourrissier, auteur contemporain et critique exigeant qui lui rendit le plus bel hommage : « … découvrir quelles passions sommeillent sous l’apparente banalité des lieux, des visages ; jeter vers les fonds ombreux de brusques coups de projecteur et nous offrir soudain, d’une honte, d’un secret, d’un désir informulé des images cruelles que nous n’oublierons plus. »
Malheureusement, malgré ces prédictions optimistes, Claire tomba dans l’oubli pendant de longues années. Et puis, petit à petit, ce fut un article dans la NR en 1997 : Enquête sur un écrivain disparu d’Yves Revert. En 2017 à Melleran pour le cinquantenaire de sa mort, on baptise l’école maternelle en présence de ses trois petites-filles et de son arrière-petite-fille.
À Niort, une allée porte son nom. Dans notre département elle eut un indéniable succès et son joli pseudonyme reste connu…. mais c’était de la littérature féminine… d’une autre époque disait-on ! Et pourtant quelle richesse, quelle énergie, quelle clarté, quelle précision dans cette écriture de scientifique où se mêlent l’intuition littéraire, la finesse d’observation, l’intérêt pour les plus démunis et tous les êtres en souffrance. « Il y a trop d’inégalités par le monde. La misère des autres pèse sur moi » disait-elle.
Voici ce qu’en dit Michelle Clément-Mainard dans le fascicule « Signatures en Deux-Sèvres » édité en 1994 par le Conseil général des Deux-Sèvres : « Il n’y a ni fadeur, ni sentimentalisme, ni sensiblerie chez Claire Sainte-Soline. C’est au contraire une œuvre dérangeante, aux personnages ambivalents, où la grisaille du quotidien laisse entrevoir des fractures douloureuses de révoltes non abouties, de lâchetés inavouées, de violence sourde. Une œuvre où les seules douceurs semblent venir d’un amour de la nature qui fait entendre, en opposition à l’ambiguïté des rapports humains, ses harmonies sereines de lumière, de couleurs, de parfums. »
À Chef-Boutonne, « Le Toit aux livres »
Mais pendant toutes ces années de soi-disant oubli, il y avait en Deux-Sèvres, un endroit récemment découvert, où Claire Sainte-Soline n’était pas oubliée. Tout ce qui touche Claire Sainte-Soline est là, réuni en ce lieu extraordinaire, devenu par la volonté d’un homme, une bibliothèque où il a réuni non seulement l’œuvre de Claire Sainte-Soline, mais aussi d’autres écrivains du Mellois : Auguste Gault, Emilien Travers et bien d’autres… le fonds ethnographique de « la Vestegaille » groupe traditionnel, des écrits libertaires, des publications de L’école Moderne Française (pédagogie Freinet), les Girouettes et le vent, Gens du voyage, contes, poésies… il est impossible de tout nommer.
Mais la part belle revient à Claire Sainte-Soline, à laquelle le propriétaire des lieux voue une admiration sans borne. « Claire-Sainte-Soline, rebelle et indomptable » est le titre du livre qu’il lui a consacré et qu’il a présenté fin avril dernier à Chef-Boutonne. Le tirage est épuisé mais on peut le trouver à emprunter à la médiathèque Pierre Moinot de Niort.
Jean-Claude Pommier, le propriétaire des lieux a tout imaginé, tout fait, réuni les documents, les a agencés, disposés, assemblés par thème. Ce creux de maison situé en haut d’une venelle pentue, non loin des sources de la Boutonne est en plus un lieu presque historique : c’est la maison natale de Jean-François Cail, personnage important des Deux-Sèvres que nous avons déjà évoqué dans notre revue, devenu un pionnier de la Révolution Industrielle du XIXe siècle, constructeur de locomotives, de chemins de fer et du pont Alexandre III à Paris et dont l’hôtel particulier à Paris n’avait rien d’un creux de maison. C’est aujourd’hui la mairie du VIIIe arrondissement.
À Chef-Boutonne, son buste se dresse au milieu de la place Jean-François Cail et un lycée professionnel porte son nom. Sans doute n’avait-il pas oublié ses origines, puisqu’il fut un patron social créant maisons, écoles et sécurité sociale pour ses ouvriers. Un caractère bien trempé.
Mais de ce côté-là, Claire Sainte-Soline n’était pas en reste !… elle qui dut sans doute se battre pour s’affirmer dans le milieu scientifique essentiellement masculin. À cette époque, il n’était pas si simple d’être une femme agrégée et qui en plus, eut le culot de se lancer en littérature ! L’équivalent masculin existe-t-il ?
Claire à la fin de sa vie
Jusqu’à la fin de sa vie, elle garda son esprit indépendant, voire frondeur, rebelle et anticonformiste. « Seule, elle n’était elle-même qu’à ce prix ! » Seule, c’est ainsi que Claire Sainte-Soline eut à lutter contre un ennemi plus sournois encore. Pendant dix ans elle soigna un cancer du sein qui finit par avoir raison de sa résistance. Claire est décédée à Paris le 14 octobre 1967 dans le XIVe arrondissement. Mais elle fut inhumée à Niort, au cimetière des Sablières, où elle repose près de ses parents.
Souhaitons que ce modeste article aide à réveiller les souvenirs et surtout à prendre conscience que nous possédons ici en Deux-Sèvres des richesses littéraires dont l’auteure est une femme d’exception.
Son premier livre – le titre provocateur – le plus personnel ?
Sources : Signatures en Deux-Sèvres Wikipédia Jean-Claude Pommier et « Son Toit aux Livres » à Chef-Boutonne Notre revue n° 40 de mars 2002
Remerciements à monsieur Jean-Claude Pommier qui m’a consacré du temps dans son « Toit aux Livres » dont la porte ne s’ouvre que sur RV. (Contact : 05 49 29 87 43)
Ce kaléidoscope contient des actes paroissiaux et des actes d’état civil, fragments de vie des sept sœurs. L’Histoire va le secouer et vont apparaître des actes SAGES ou FOUS.
Pour ne pas perdre le fil, j’écris le prénom des sœurs suivi du N° d’ordre, j’ajoute quelques tableaux, et tous mes commentaires sont en italique.
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Chut ! Écoutons ces vieux écrits ! Tout commence le 14 octobre 1755 à Maisontiers, par le mariage de Jacques MIOT, laboureur et Françoise RENAULT ; ils ont juste vingt ans. C’est à Verrines de Gourgé, sur la rive gauche du Cébron, qu’ils s’installent et que naissent leurs enfants : Sept filles et seulement des filles ! Deux filles s’appellent Françoise comme leur mère, les cinq autres ont pour premier prénom de baptême Marie. J’ai déjà rencontré à Gourgé des prénoms en plusieurs exemplaires dans une même fratrie. J’ai ouï dire qu’ainsi, le diable ne s’y retrouvait pas. Quand Françoise la maman meurt le 20 avril 1778, la dernière, Françoise7, n’a que deux ans. Le père se remarie deux ans plus tard.
Puis est venu le temps des mariages !
Marie Magdelaine3est peut-être décédée bébé, elle n’a laissé aucun acte. Les époux Jean et François ROUSSEAU sont frères, Jean et René BISLEAU sont aussi frères. Marie Anne5 meurt à 21 ans, le 18 décembre 1789, treize mois après son mariage. Début 1794, le remariage du père à nouveau veuf est le même jour que le mariage de Françoise7. Elles sont âgées de dix-huit à trente-sept ans. Marie1 l’aînée porte son septième enfant. Françoise2 et Marie Magdelaine4 en ont trois. La famille est toujours regroupée à Verrines de Gourgé et Jaunasse de Louin, deux hameaux voisins près du Cébron. Tout semble calme autour des sœurs…
Pourtant de lourds nuages se sont accumulés. Les guerres de Vendée, cette terrible guerre civile, ont embrasé la région. Dans les pages d’Histoire de ce coin de Gâtine se côtoient les écrits des belligérants. La femme du général vendéen Lescure raconte : « Il y avait à Amaillou, … un petit rassemblement de paysans qu’on avait formés pour la sûreté du pays ». Les 14 et 23 juin 1793, c’est d’Amailloux que sont lancées les prises de la ville de Parthenay. Westerman précise qu’il prend et reprend Parthenay les 20 et 30 juin et incendie Amailloux le 1er juillet.
Tout SEMBLE calme autour des sœurs ? L‘acte de naissance du petit Jean, fils de Marie Magdelaine4, le 28 mai 1793 dément ! C’est Françoise2 et son mari qui déclarent l’enfant à la mairie de Louin. Le père « François LAGARDE, bordier, leur voisin et beau-frère, ne pouvant agir, les avait chargés d’apporter son fils dont Marie Magdelaine4 MIOT sa légitime épouse est accouchée de ce matin ».
L’officier public de Louin a inscrit sur 37 des 41 actes de naissances de 1793 « père ne pouvant agir », la même formule que pour François LAGARDE. En 1792 déjà, aucun père ne déclare son enfant, ils sont tous « absents »… Où sont les pères de cette commune ? Où est donc François LAGARDE ? Jaunasse est à deux lieues d’Amailloux. Est-il un de ces « hommes formés pour la sûreté du pays » ?
François LAGARDE, lui qui n’a pu déclarer la naissance de son fils le petit Jean, décède à l’infirmerie du Château de Niort le 16 février 1794 (28 pluviôse an second). Sa femme, Marie Magdelaine4 est veuve à 28 ans, mère de trois jeunes enfants.
Vite les registres, poursuivez ! Marie1 et Françoise7 accouchent de Louis et Marie Jeanne, les maris déclarent les naissances les 20 février 1794 et 20 mai 1795 à Gourgé. Et… elles quittent brusquement Verrines et Jaunasse ! Entre le 4 juin et le 18 août 1795, les sœurs sont à Boismé. Le registre de catholicité atteste leur présence. Y sont inscrits les baptêmes des deux bébés, Louiset Marie Jeanne. Y sont aussi inscrits, le mariage de Françoise7 avec René BISLEAU et le remariage de Jacques MIOT le père dont les actes civils ont été enregistrés à Gourgé le 21 janvier 1794. Le dernier acte de Boismé est le mariage de Marie Magdelaine4 veuve de François LAGARDE avec Mathurin GAUFRETEAU. Les sœurs et les trois beaux-frères René BISLEAU, Jean et François ROUSSEAU sont les témoins cités dans ces actes. Seuls, Marie Jeanne6 et son mari en sont absents. Cinq lieues séparent Verrines et Boismé qui fut le lieu de résidence du marquis de Lescure cité ci-dessus. Pourquoi avoir attendu 18 mois pour baptiser Louis et faire bénir ces mariages ? Les sacrements ont-ils été donnés une première fois par un prêtre assermenté puis renouvelés par un prêtre réfractaire ?
Peu à peu, la région s’apaise. La famille retrouve Verrines. Pas un mot sur Marie Jeanne6 depuis son mariage le 4 février 1794 jusqu’à cette date du 18 octobre 1795, quand meurt sa fille « naturelle » âgée de trois semaines à Verrines. Son mari Jean MIOT ne reconnaît donc pas cet enfant ! À Louin, le 7 septembre 1796 (21 fructidor an quatre), Marie Jeanne6 et Jean MIOT exposent que « depuis leur mariage, n’ayant pu jouir de la paix par incompatibilité de caractère, ils ont vu avec plaisir paraître la loi du divorce », cette loi du 20 septembre 1792 qui décrète la laïcisation de l’état civil et l’autorisation du divorce. Marie Jeanne6 a 20 ans quand le divorce est prononcé le 4 brumaire an cinq (14 novembre 1796). Les témoins sont toujours les trois beaux-frères. Le 30 mars 1797, Marie Jeanne6 a encore un enfant naturel reconnu par Pierre LEBLANC. Le mariage de Marie Jeanne6 et Pierre est enregistré un an plus tard à Gourgé, le 14 juin 1798. Ils auront six enfants qui mourront tous jeunes, aucun ne se mariera.
Le 29 juillet 1798, Marie1 ma sosa 33 met au monde son 9e et dernier enfant Pierre René, mon sosa 16. Le 14 novembre de la même année s‘éteint à 63 ans Jacques MIOT, mon sosa 66, le père. Parmi les neuf enfants de Marie, huit se marieront. Que de petits-cousins à venir !
Après la mort du père, les sœurs quittent toutes Verrines ⭐0 Marie1et Jean s‘installent dans le hameau de Billy de Maisontiers ainsi que Marie Magdelaine4 et Mathurin. ⭐1-4 Marie Jeanne6 et Pierre se fixent au Bas-Mazière de Lageon ⭐6. Les deux Françoise vont s’éloigner du Cébron. On suit Françoise2 et François avec les actes de mariage de leurs filles. Après Chiché et Geay, ils s’arrêtent enfin à la Boureliere de Luché-Thouarsais ⭐2. Quant à Françoise7 et René, ils arrivent à la Brosse de Saint-Varent ⭐7 en 1804. René y meurt quatre ans plus tard. Françoise7 est veuve à 31 ans, mère de trois jeunes enfants. Elle attend dix ans pour se remarier avec Pierre DUBALLET. C’est lui qui déclare leur fils Louis né à la Brosse de Saint-Varent le 7 juillet 1817. C‘est le dernier mariage et la dernière naissance enregistrés.
Voici les couples en novembre 1815 :
Les derniers murmures des registres annoncent les décès :
le 6 mai 1816, Marie Magdelaine4, 51 ans, à Niort, le 21 mars 1828, Marie Jeanne6, 56 ans, au Bas-Mazière de la Boissière-Thouarsaise, le 28 octobre 1831, Marie1, 74 ans, à Billy de Maisontiers, le 13 mai 1835, Françoise2, 75 ans, à la Bourelière de Luché-Thouarsais, le 9 mai 1852, Françoise7, 76 ans, aux Brosses de Saint-Varent.
Marie Madeleine4 meurt à Niort cinq mois après son mari. Françoise2 est veuve depuis sept ans. Françoise7, la dernière des sept sœurs, s’éteint en 1852 à Saint-Varent, longtemps après son mari, dont l’acte de décès est rédigé en 1834 à Fontevrault.
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Les registres ont raconté la vie de ces sœurs, pendant près d’un siècle. Mais ils n’ont pas tout dit ! Les actes sont secs, ils indiquent les dates, les lieux, citent des personnes… Mais il reste tant de questions ! Pourquoi tant de pères absents ou « ne pouvant agir » à Louin ? Pourquoi des actes de catholicité à Boismé quand on habite les communes de Gourgé ou Louin ? Pourquoi l’éloignement des sœurs qui ont vécu si proches ! Pourquoi des actes de décès à Niort, à Fontevrault ?
Les registres n’ont rien dit des souffrances de Marie Magdelaine4, femme battue, dont la vie bascule une nouvelle fois, une nuit de décembre 1815. La Cour déclare que Magdelaine MIOT, « le 9/12 dernier vers 3 heures du matin, ayant été violemment menacée par le Sieur GAUFFRETEAU, son mari qui était rentré dans la nuit en état d’ivresse complète, et avoir attendu qu’il soit endormi, » pour « provoquer sa mort » … Le procureur du roi écrit : « Cette malheureuse femme a été poussée au désespoir par la mauvaise conduite et les mauvais traitements de son mari ». Mais la femme dépend de son mari. Rien ne la protège. Des hommes la jugent, ne lui accordent aucune circonstance atténuante. Marie Magdelaine4 est condamnée à mort le 14 mars 1816 et guillotinée le 6 mai 1816, à 10 h 30, sur la place de la Brèche à Niort.
Les registres n’ont rien dit non plus sur Françoise7.Elle est toute seule quand son mari Pierre DUBALLET est emprisonné à Fontevrault dans la « prison la plus dure de France, où un prisonnier sur sept a laissé sa vie ». Pierre DUBALLET « enfant trouvé sur le ballet de l’église de Saint-Jean-de-Thouars » sur son acte de baptême, est dit « Bâtard » sur son acte de décès transmis de Fontevrault à Saint-Varent. J’ignore l’objet de sa condamnation.
Alors, j‘imagine… J‘imagine ces sœurs, soumises, comme c’était la règle, à l’autorité du père, du mari, de l’église. Je les imagine dans toutes leurs tâches de femmes… Je les imagine désemparées par la mort de Marie Anne5 peut-être due à une grossesse ou un accouchement difficile. J’imagine Françoise2 près de Marie Magdelaine4 qui accouche avec un mari absent, et qui sera bientôt veuve… Je les imagine s‘entraidant encore et encore quand elles suivent en 1795 père et maris, tirant les enfants, portant les bébés, entre Verrines et Boismé en région insurgée. J‘imagine Marie Jeanne6 enceinte, désirant les suivre. J’imagine Françoise7 qui accueille Marie Jeanne6 avec ce bébé mourant. J’imagine Marie Jeanne6 qui divorce soutenue par les sœurs et beaux-frères. J’imagine la détresse de Marie Magdelaine4 face aux violences du mari. Et je les imagine face aux rouages de la justice…
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Quand Jacques MIOT et Françoise RENAULT ont vu naître leurs filles à Verrines, auraient-ils pu imaginer ces vies ? Victimes des guerres de Vendée, de la violence et de la justice des hommes, quel courage ces sœurs, épouses et mères, ont-elles dû déployer ! Mais… quels furent réellement leurs choix ? Quand j’ai croisé Marie1 dans mon arbre, c’était « seulement » l’aînée d’une fratrie, prenant mon nom en se mariant, mère de neuf enfants, ayant vécu près de mon Ripère… et c’était déjà beaucoup !
Il y a quelques mois les Archives des Deux-Sèvres ont proposé en Trésor d’Archives un document daté de 1810 classé alors « confidentiel » dans lequel le préfet du département dresse une liste de vingt jeunes femmes âgées de 14 à 39 ans, riches héritières de bonnes familles aristocrates ou bourgeoises qu’il serait bon de rallier à l’Empire grâce à des mariages judicieux.
Le tableau renseigne sur l’âge des jeunes femmes, le nom et la profession des parents, ainsi que sur la fortune et les biens que possèdent ces derniers, sans oublier d’évoquer la dot présumée pour chacune des filles et les espérances d’héritage. Un beau mariage n’étant pas uniquement une question d’argent, on n’oublie pas de donner « les agréments physiques ou les difformités, les talents, la conduite et les principes religieux » (catholiques pour la plupart) de chacune de ces demoiselles.
J’ai voulu savoir si ce projet avait été suivi d’effet et si des mariages avaient été arrangés pour rapprocher ces bonnes familles des tenants de l’Empire.
Sur les vingt jeunes femmes inscrites sur le tableau en 1810, quatorze sont mariées avant le 4 avril 1814, date de l’abdication de Napoléon. J’ai listé leurs beaux mariages dans l’ordre chronologique, indiqué leurs « agréments physiques ou difformités » et ajouté les quelques renseignements donnés par les actes sur les maris. Ces unions étaient sans doute pour la plupart arrangées : l’étaient-elles par les familles uniquement ou aussi par l’administration impériale ? À vous de vous faire une idée pour chaque cas. J’ai personnellement l’impression que ce document a servi pour concrétiser certains mariages.
Aglaé ESPINET (figure passable) épouse à 15 ans Laurent Alexandre Rouvier, 31 ans, docteur en médecine, père docteur, le 26 septembre 1810 à Niort
Émilie Antoinette Thibault de NEUFCHAISE épouse à 24 ans Henry Louis Charles Auguste d’Espaignes des Venelles, 28 ans, lieutenant-colonel, aide de camp employé à l’armée d’Espagne et chevalier de l’Empire, le 4 juin 1811 à Niort
Appoline Piet-Berton (figure et physique très agréable, éducation soignée) épouse à 20 ans Saint-Aubin Agier, 29 ans, « entreposeur » général du département des Deux-Sèvres, père ancien magistrat et procureur impérial, le 17 juin 1811 à Niort
Catherine Piet-Lataudrie (figure et physique agréable) épouse à 40 ans Charles Pascal JOFFRION 41 ans, veuf et docteur en médecine, le 16 juillet 1811 à Niort
Élisa MAIN (figure et physique très agréable, éducation soignée) épouse à 17 ans Barthélémy LAURENCE, 24 ans, négociant-banquier, père négociant-banquier et ex-législateur, le 16 septembre 1812 à Niort
Sophie BRELAY (elle n’a rien qui puisse déplaire, élevée d’une manière un peu trop religieuse) épouse à 18 ans Pierre Jacques Parfait JUQUIN, 20 ans, propriétaire, père marchand, le 31 mai 1813 à Niort
Victoire Busseau (jolie figure, physique agréable) épouse à 22 ans Charles Jean Olivier PONTENIER, 20 ans, avocat à la Cour impériale de Poitiers, père président dudit tribunal, le 16 juin 1813 à Niort
Félicie Grellet-Desprades (figure et physique passable) épouse à 21 ans Charles Frédéric Auguste de CHANTREAU, 22 ans, propriétaire, père propriétaire et ancien capitaine au régiment d’infanterie du Hainaut, le 29 août 1813 à Faymoreau (Vendée)
Victoire Marcadière (figure et physique passable) épouse à 23 ans Vincent Denis Bodin, 28 ans, substitut du procureur impérial près le tribunal de 1re instance de l’arrondissement de Niort, père président de la Cour impériale de Poitiers, le 15 septembre 1813 à Niort
Éléonore Corbin (figure gâtée par la petite vérole) épouse à 27 ans Charles Édouard Jousselin, 29 ans, notaire impérial, père propriétaire, le 13 octobre 1813 à Niort
Rosine Marcadière (figure et physique passable) épouse à 22 ans Armand Marie Daguin, 28 ans, négociant, père ancien officier d’infanterie, le 22 novembre 1813 à Niort
Esther MORICEAU (figure passable) épouse à 34 ans Jean Hippolyte LAIDIN de la BOUTERIE, 38 ans, ancien officier et percepteur-receveur des contributions de Niort, père ancien magistrat et maire de Frontenay, le 23 novembre 1813 à Niort
Alexandrine Bernard (figure et physique agréable, éducation soignée, quelques talents pour la musique et le dessin) épouse à 20 ans Alphonse Marie Martin-Monteuil, 33 ans, propriétaire et maire de de la commune de Missé, père propriétaire, le 13 janvier 1814 à Niort
Lucile Morisset (figure et physique agréable, éducation soignée) se promet en mariage à 24 ans avec Pierre Théodore COUSSAUD de Massignac, avocat, père ancien conseiller du roi, le 23 janvier 1814 à Poitiers
Quatre jeunes femmes ont attendu la Restauration pour convoler en justes noces, le préfet impérial aura donc échoué pour celles-ci :
Pauline Bastard de Crisnay (figure et physique agréable) épouse à 21 ans François Étienne de MECHINET, 21 ans, propriétaire, père chevalier de l’Ordre royal, militaire de Saint-Louis, ancien capitaine au régiment d’infanterie du Boulonnais, le 08 juin 1814 à Niort
Caroline Rouget-Gourcez (figure et physique très agréable) épouse à 21 ans Marie-Désiré Martin-Beaulieu, 25 ans, père propriétaire et premier adjoint au maire de la ville de Niort, le 21 août 1816 à Niort
Clémence Chauvin-Hersant épouse à 23 ans Jean Joseph TONNET, 31 ans, capitaine d’artillerie et chevalier de l’ordre royal de la Légion d’honneur, père juge de paix du canton de Saint-Loup, le 25 septembre 1816 à Ardin
Pauline Frappier-Poiraudière (figure et physique agréable) épouse à 21 ans Louis Pierre Daguin, 37 ans, propriétaire, père ancien officier d’infanterie chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, le 10 juin 1817 à Niort
Deux enfin ne se marient pas :
Anne Poudret de Sevret décède le 11 janvier 1816 à Niort âgée de 33 ans
Lucrèce MORICEAU (figure passable) décède le 18 mai 1846 à Niort âgée de 69 ans
Marguerite Gérard (1761-1837), artiste peintre contemporaine du 1er Empire, a peint en 1804 un joli tableau intitulé La Mauvaise Nouvelle que j’ai choisi de mettre en illustration (et de rebaptiser). Les jeunes femmes de cette liste pour beaucoup n’ont pas eu leur mot à dire quant au choix du mari. Avaient-ils tous un physique agréable, une jolie figure, une éducation soignée ? Il est fort possible que ce fut une mauvaise nouvelle pour certaines quand elles ont découvert le nom et le visage de leur futur conjoint.
Marguerite Gérard : Jeune Deux-Sévrienne découvrant le nom de son futur époux.
Avant tout propos, l’an dernier, j’ai écrit sur Ypresis et les failles géologiques de la Gâtine. Elles se sont réveillées et nous avons ressenti des secousses telluriques.
Pour le sujet pour cette année, je ne suis pas responsable ni de la pandémie ni du confinement… Les médicamentations que je vais vous exposer, bien sûr, ne les expérimentez pas.
Le 14 janvier 1669, église Notre-Dame de Niort, la damoiselle Marguerite CHABOT 19 ans, fille d’honorable homme André CHABOT pair et bourgeois de cette ville épouse Jacques THIBAULT 31 ans escuyer, sieur de la Gaschère, fils de Jacques THIBAULT escuyer, sieur du COLOMBIER. Le curé est F. PRUNIER. » (AD 79 registres paroissiaux Niort)
Le mariage est préparé depuis le 27e jour de décembre 1668 et prévoit une dot de six mille livres payable en deux fois par les parents de la mariée. Le contrat de mariage est passé devant André AUGIER et Claude ARNAUDEAU, notaires royaux à Nyort.
Elle ne sait pas que Jacques THIBAULT sera nommé maire de Niort en 1688, il tient son titre de noblesse de sa propriété de la métairie de la Gaschère à Secondigny. Les A.D. de Niort ont un dépôt des papiers MONTECLER 1 E SUP 8 etc. Un mémoire du 28 mars 1700 décrit les traitements appliqués à la famille et prescrits par DUFRESNE ALLONNEAU. Est-il médecin ou apothicaire ?
« Du 17 juin pour Madame une medne purgat avec rhub abalz mann fond syrop et aul »
En clair, une médecine purgative, il ne parle pas de clystère, dont la base est la rhubarbe, abats (cervelle, foie, rognons, tripes, poumons etc. La vitamine B12 n’existait pas encore mais ils l’utilisaient pour soigner l’anémie), mann (abréviation de manne qui est une décoction de feuilles de frêne et de sève, c’est un diurétique, un laxatif et un anti inflammatoire) et un sirop à l’ail.
« Du 2 juillet 1701 pour Madame trois on(ces) conserves bechiques et pectoralles »
Trois onces représentent environ 85 grammes de préparation à base de plantes (conserves) béchiques pour les maux de poitrine et pectorale pour soulager la toux. Le médicament le plus connu est une tisane dite « tisane des 4 fleurs composée de thym, mélisse, coquelicot et mauve ; l’angélique est aussi citée ainsi que le lierre terrestre et la bourrache. »
Madame de la Gaschère a un fils, je ne peux pas passer les médicaments qui vont lui être administrés.
« Du 25 may 1702 pour son enfan pour santonique de mer donné a plusieurs fois »
La santonique est aussi nommée absinthe de Saintonge. Cette plante est connue des Gaulois et utilisée à Rome. Elle fait partie des plantes vermicides, son nom scientifique est artemisia maritima. Autrement dit il a pris un vermifuge.
« Du 3 octobre pour le mesme demie on(ce) cornes de cerf préparée pour faire sa tisane »
Traditionnellement, la corne de cerf est réduite en poudre avec une râpe en bois. La prescription est de 14 grammes, c’est un des ingrédients fondamentaux de la médecine traditionnelle chinoise. Elle est employée depuis plus de 2000 ans comme fortifiant, pour augmenter la force et l’endurance et prévenir des maladies comme la grippe ou les refroidissements. Ce traitement sera renouvelé trois fois puis il aura doit à une médecine purgative comme celle de sa mère décrite ci-dessus.
« Le 23 décembre pour son fils un gros nouet de rhubarbe pour lui faire de la tisane »
Le mot nouet signifie un linge entourant la rhubarbe et noué aux deux extrémités pour la retenir lorsqu’elle a été infusée.
« Du 31 mars 1703 pour le mesme quatre prises yeux d’escrevisses préparés »
Ce médicament fait partie de la pharmacopée maritime au XVIIIe siècle. Les yeux ne sont pas des yeux mais des concrétions rondes trouvées dans l’estomac des écrevisses. Lavés et réduits en poudre, ils sont préparés avec du sucre et de la gomme de fleur d’oranger sous forme de bonbons, tablettes ou dragées. Leur prise passait pour adoucir les aigreurs d’estomac et les maux de ventre (le principe actif étant le carbonate de calcium).
Le 14 octobre 1703, Madame est malade et les prescriptions vont se succéder jusqu’au 11 décembre.
« Une potion cordiale fortifiante et stomachique avec sirop et ault »
Stomachique : soigne les douleurs d’estomac et les plantes utilisées peuvent être la menthe, le thym, la sauge, l’ortie, et le romarin.
« Du 13 novembre pour la mesme trois prises poudres stomatiqu. fefrifug. sont composées »
Il ne donne pas la composition (dommage).
Et elle aura droit le 11 décembre à une médecine purgative déjà décrite… Son fils et ses filles auront des préparations confectionnées contre les vers avec de la rhubarbe, d’hyacinthe et du sirop de chicorée et d’ail.
Pour conclure, cette médecine traditionnelle du début XVIIIe est basée essentiellement sur les purges à base de plantes. La phytothérapie (médecine par les plantes) de nos jours poursuit cette tradition mais sommes-nous plus fragiles que nos ancêtres ou les maladies ont elles évoluées ?