Marguerite Morisson aime beaucoup le musée de la vie rurale et de la coiffe à Souvigné et elle pense, à juste titre, qu’il mériterait d’être mieux connu. . Aujourd’hui, Marguerite raconte l’histoire de ce musée telle qu’elle l’a vécue. (la suite demain)
Il était une fois… c’est ainsi que commencent toutes les belles histoires…
Donc, il était une fois Souvigné en pays « pèlebois », un petit village du Saint-Maixentais, où l’on passait sans s’arrêter, car à vrai dire il n’avait aucune réputation, ni bonne ni mauvaise d’ailleurs ! On apercevait bien, au loin, le clocher de son église jouxtant la haute toiture de son temple, mais les voitures filaient bon train sans jamais s’arrêter.
Ce que l’on ignorait, c’était l’enthousiasme et le foisonnement d’idées de ses habitants qui voulaient à tout prix faire vivre leur village, parce que tout simplement, ils l’aimaient.
Il y avait au cœur du village, un prieuré du XVe, propriété d’une famille qui souhaitait partir et le vendre… pour en faire un centre de loisirs, avait dit le propriétaire un peu visionnaire !
Marc Guiton, qui fit pour notre Cercle les relevés de Souvigné, était alors maire de son village. Passionné d’histoire, de traditions et de patrimoine, il suggéra de créer une association, indispensable point de départ de tout projet culturel. C’est ainsi qu’en août 1991 sont nés « Les amis du Patrimoine ».
Aussitôt dit, aussitôt fait. Ce serait le musée de la coiffe.
On battit le rappel pour récupérer coiffes, costumes et broderies qui affluèrent à pleins cartons et à pleins sacs.
Mais le patrimoine ce sont aussi les chemins creux, les fontaines, les lavoirs, les petits édifices en péril, les fours, le temple et les cimetières protestants, puisque nous sommes à Souvigné en plein pays huguenot.
On organisa des randonnées, des équipes défrichèrent, nettoyèrent, arrachèrent… Une vraie ruche, un même élan, un même enthousiasme jamais démenti.
Le seul problème, c’était le nerf de la guerre… pas riches les amis du patrimoine ! Il serait trop long de raconter ici toutes les péripéties liées à cette époque héroïque, mais tant de cœur et de dévouement devaient réussir.
Sur une idée d’une élue départementale venue visiter le musée, on fit appel à l’esprit mutualiste lié au département des Deux-Sèvres. Des directeurs de nos mutuelles, nés en Deux-Sèvres, originaires du Saint-Maixentais et d’origine protestante de surcroît, furent sollicités, mirent la main au porte-monnaie et c’est ainsi que les amis du patrimoine se retrouvèrent au Prieuré, dans leurs murs. Bien sûr, il fallut plus de temps à le réaliser qu’à le raconter, puisque ce n’est qu’en 1997 que toutes ces tractations prirent fin !
Mais revenons donc quelques années en arrière. Les coiffes et dentelles affluent, chez Hélène et Marc Guitton. Ils ne savent plus quoi en faire. Jean-Pierre Gaunord qui habite à Souvigné, est donc contacté pour leur venir en aide. Jean-Pierre, c’est le talentueux costumier des « Ballets Populaires Poitevins » créés par l’UPCP, mais c’est aussi le père fondateur du groupe enfantin « Les P’tits Châgnes » de renommée nationale et même internationale et c’est aussi le créateur du festival annuel des « RIFE » de Saint-Maixent, qui réunit chaque année des ballets traditionnels enfantins venus de toute la planète. Donc Jean-Pierre doit avoir une solution.
Depuis 1986, un atelier pour l’entretien des coiffes des « P’tits Châgnes » fonctionne à Saint-Maixent, dans une salle désaffectée de l’école Wilson. Les mamans des enfants ont été sollicitées et certaines ont pris goût à cette activité un peu spéciale, il faut le reconnaître !
En effet, 80 coiffes à entretenir, c’est un travail insurmontable pour une seule personne ! Une équipe est indispensable !
Lorsque les groupes traditionnels de l’UPCP ont été créés entre 1967 et 1972, les lingères professionnelles existaient encore, âgées certes, mais encore efficaces.
C’est ainsi que m’a été donnée l’occasion de les rencontrer et d’apprendre ce qu’elles ont bien voulu transmettre, chacune étant jalouse de son art et persuadée de notre incapacité.
À vrai dire, c’est d’abord l’histoire des coiffes, liée à l’histoire des femmes qui fut intéressante. À une époque où les femmes ne comptaient pas et ne s’exprimaient pas, leur coiffe était en quelque sorte leur carte d’identité.
La richesse et la longueur des rubans révélaient la situation financière du père, les broderies disaient si la fille était célibataire ou mariée et la position des tuyautés pouvait renseigner sur sa religion. Les coiffes de cérémonie étaient particulièrement « bavardes » sur le sujet.
Ensuite, quand on veut aller au bout de l’histoire, il faut se mettre les mains dans l ‘amidon et en apprendre le savant dosage si l’on veut arriver à un résultat.
Mais ceci est une autre histoire.
Un soir, lors de l’atelier hebdomadaire à Saint-Maixent, Jean-Pierre me demande si je consentirais à aller aider les dames de Souvigné « pour faire un musée de la coiffe ». C’était vague, mais original !
Au début de l’automne 1991, je suis donc arrivée à Souvigné où je ne connaissais personne, à part le maire rencontré une ou deux fois aux archives. Je ne savais pas trop ce que l’on attendait de moi.
Ce que j’ai trouvé en arrivant ce furent des sourires, un accueil plus que chaleureux, un enthousiasme extraordinaire… mais aussi des monceaux de « gueneuilles » comme disait Hélène, entassés sur une longue table : des bonnets, les moules en carton, des fils de fer, des dentelles, des guimpes, des caracos, des pantalons fendus et des cache-corsets… sur une hauteur de 80 cm au moins !
Mais autour de la table les visages souriants et confiants d’Hélène, de Jacqueline, de Janine, de Viviane, d’Henriette, de Fernande, tellement sympathiques et amicaux que j’ai dit oui , tout de suite !
Je venais de « signer » un « engagement » ! Et l’on se mit au travail tout de suite.
Premier travail : trier et éliminer ce qui était irrécupérable. On profita de ce tri pour apprendre les noms des différents morceaux composant une coiffe, les reconnaître et les rassembler et surtout garder précieusement les coiffes encore montées qui pourront servir de modèle. J’ai alors proposé de venir chaque semaine pour continuer le travail.
Mais la semaine suivante tout était trié, par pièce et par coiffe, ainsi que les bonnets, les guimpes, les fichus les foulards, les culottes fendues et les jupons etc.
Et cet enthousiasme ne s’est jamais démenti. Quel plaisir ! Chaque semaine, j’allais là-bas comme à la fête ! Chacune prépara son « métier » à tuyauter, et après un lavage délicat de ces fragiles reliques, les tuyautés faits avec aiguilles ou palènes sortirent blancs et fermes de toutes ces mains devenues expertes en quelques semaines.
Pour le montage, il a fallut un peu plus de temps, c’est la partie délicate, celle qui donne son élégance à la coiffe.
Un jour en fin de soirée :
– Allo ! Allo ! Ici c’est Viviane ! Ça va pas !
– Vous êtes malade ?
– Non, Non ! Moi ça va ! C’est ma Malvina qui va pas ! J’arrive pas à lui revirer ses tuyautés sur le devant ! J’vais pas dormir cette nuit ! Y’a l’expo dans deux jours !
Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que ce musée est né d’un enthousiasme partagé. Pendant que les dames se brulaient les doigts dans l’amidon, et repassaient leurs tuyautés, les messieurs collectaient les vieux outils, les vanneries traditionnelles, le matériel de « bugheaille » (lessive), les objets artisanaux et récuraient le Prieuré de la cave au grenier. Les bâtiments hors de service furent remis en état, et un peu plus tard, même la voûte du four fut entièrement refaite par les soins de Gégé, devenu l’homme indispensable.
1992 fut l’année où l’on décida de faire une première expo des premiers travaux. La trésorerie ne permettant pas trop d’excentricités, on fit avec les moyens du bord. On discuta beaucoup, mais le grand jour venu, les visiteurs ont pu admirer une belle collection de coiffes créchoises, de rubans, de dentelles diverses, de fichus et de foulards, ces derniers présentés sur les branches d’un arbrisseau mort. Aujourd’hui certains en sourient, mais c’était mieux qu’un fil avec des épingles à linge ! Ça ne coûtait rien et ça meublait un coin de cette grande salle. Pour occuper ces grands murs blancs, le mari de Janine avait installé une grande carte de France, sur laquelle étaient accrochées les poupées de M. Palissier qui, avant beaucoup, s’était intéressé au patrimoine et aux traditions de notre pays. Les visiteurs étrangers au département, appréciaient d’y retrouver les costumes de chez eux.
Et puis il y avait bien sûr les « Trois Grâces du Poitou », la Créchoise, la Mothaise et la Malvina, habillées dans des costumes de la Marchandelle d’Augé, reconstitués d’après des originaux, installées sur un plateau tournant, de façon à ce qu’on puisse en voir tous les détails. C’est ce tableau un peu défraîchi d’Escudier, qui nous avait inspirées.
