J’ai visité l’église de Saint-Romans-lès-Melle avec Jacqueline par une belle journée de mars : elle est nichée dans un vallon, entourée de verdure. L’édifice, sans doute pour s’adapter au terrain, n’est pas orienté comme la plupart des églises médiévales : son chevet, où se trouvait jadis le cimetière, est au sud.


La porte a trois voussures et des colonnettes dont les chapiteaux s’ornent de feuillages et de gros masques dont l’un engloutit sa colonne, thème fréquent en Poitou et Saintonge : les engoulants, gueules dévorant le fût de la colonne (comme à Périgné).


On pénètre dans l’église en descendant quelques marches : une nef unique charpentée, une travée droite de chœur et une abside voûtée en cul-de-four.


Deux dalles funéraires ont été encastrées dans le mur sud de la nef lors de la réfection du dallage en 1846. Dans les deux épitaphes, le mot « baronnie » a été bûché, probablement à l’époque de la révolution.
La première est celle de Me François ALLAIN, fermier général de la Baronnie de Saint-Romans :

CY GIST LE CORPS DE
Me FRANCOIS ALLAIN
FERMIER GENERAL DE LA
BARONNIE DE ST
ROMANS AAGE DE
42 ANS DECEDE LE 21
DECEMBRE 1734
PRIES DIEU POUR SON AME
Cette pierre tombale a fait l’objet d’un dessin n° 460 par Arthur Bouneault, responsable du musée lapidaire de Niort, référencé dans le Livre Mémoires Société Historique des Deux-Sèvres du 01 janvier 1914 :
« 1766. Eglise, épitaphe non armoriée de François Allain, xviiie s.[460] ».

Dessin numérisé par la Médiathèque de Niort
J’ai trouvé son acte de décès :

Selon les « Mémoires – Société historique et scientifique des Deux-Sèvres » de 1909 [1], François Louis ALLAIN, sieur Dumont ou du Mont, fermier général de la baronnie de Saint-Romans, fils de Louis Allain, maitre chirurgien et de Jeanne Texereau, du bourg de Fressines, épousait en 1730 Suzanne Pallardy, fille de François Pallardy, fermier général du château de Saint-Georges-de-Longue-Pierre et de Marguerite Gallard.
Du mariage de François-Louis Allain et de Suzanne Pallardy sont issus :
1° François-Louis, en 1755 lieutenant particulier civil au siège royal de Niort. En 1757, Président des traites foraines et domaniales de la Ville de Niort, Conseiller de Ville, 1765-1782.
Le 27 mars 1765 il épousait demoiselle Barré Élizabeth, fille de Alexis Barré procureur-échevin de la Ville de Niort.
2° Marie-Anne-Marguerite, épouse Monnet, Sieur de Lorbeau, seigneur du château de Bougouin de la Renaudière, la Tour-Chabot de Saint- Maixent.
Il mourait en 1734 et le 16 mars 1735 il était fait un inventaire de tous les biens meubles appartenant à la communauté. Nous avons extrait de cet inventaire quelques renseignements qui nous ont parus intéressants en ce qu’ils témoignent de la situation de fortune d’un fermier général, de sa situation sociale, de la façon dont il était logé, habillé, en quoi consistaient ses fonctions et aussi quelle était l’importance des fermages de la Terre-baronnie de Saint-Romans appartenant au comte de Choizeul.
Suzanne Pallardy est, elle, décédée en 1775 et a été inhumée le 30 octobre 1755 en l’église de Mougon.
Je vous parlerai plus longuement de François Louis ALLAIN dans un prochain article sur les fermiers généraux.
La deuxième dalle funéraire est celle de Daniel François CHABOT de BOISRENOU, lui aussi fermier général de la Baronnie de Saint-Romans :

CY GIST LE CORPS DE
DANIEL FRANCOIS CHABO
FERMIER GENERAL DE LA
BARONNIE DE S ROMANS
AAGE DE 45 ANS
DECEDE LE 9 JANVIER 1752
PRIES DIEU POUR SON AME
Cette pierre tombale a fait l’objet d’un dessin n° 461 par Arthur Bouneault, responsable du musée lapidaire de Niort, référencé dans le Livre Mémoires Société Historique des Deux-Sèvres du 01 janvier 1914 :
« 1768. Eglise, épitaphe non armoriée de Daniel-François Chabot, xviiie s.[461] ».

Dessin numérisé par la Médiathèque de Niort
J’ai trouvé son acte de décès :

J’ai trouvé quelques informations sur les CHABOT de la branche de BOISRENOUX dans le Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, Tome 2/ Beauchet-Filleau via Gallica [2] :
§ II. — BRANCHE DE BOISRENOUX.
8. — Chabot (Abraham), sr de Boisrenoux (Ste- Blandine, D.-S.), second fils de Jacques, sr de Moulin-Neuf, et de Jeanne Rivet (7e deg., § Ier), fut fermier général des abbayes de Celles et des Châtelliers, et mourut en 1750. Il avait épousé, le 15 janv. 1702, sa cousine, Catherine PEROT DE BEL-ISLE, fille de Daniel et de Marie Chabot (6° deg., §Ier), dont il eut:
1° MARIE, née en 1704, décédée le 1er sept. 1778 à Salles, s’était mariée d’abord, le 14 juin 1723 (Boissard, not. à St-Maixent), à Pierre Bonneau, sr de la Touche, puis le 7 juin 1738, à Etienne Nivennedes Châtelliers;
2° MARIE-FRANÇOISE, mariée, le 18 juin 1731, à François Rouget, sr de la Barbinière, lieutenant-général civil au siège de Niort, décédée le 6 sept. 1775;
3° DANIEL-FRANÇOIS, qui suit.
9. — Chabot (Daniel-François), fermier-général de la Bnie de St-Romans, épousa, le 3 janv. 1736, Marie FILLEAU, fille de Blaise-Félix, fermier général de la Bnie de St-Romans, dont il eut:
1°BLAISE-FÉLIX, né en 1738, mort sans postérité;
2° MARIE, née en 1739, morte en1750;
3° MARIE-ANNE-THÉRÈSE, née en 1740, décédée à Niort, le 6 juil. 1815, mariée, le 14 oct.1767, à André- Michel-Jacob Piet de Boisneuf;
4° ETIENNE-THOMAS; qui suit;
5° PIERRE-HENRI, rapporté au § IV;
6° LOUIS-FRANÇOIS, né en 1746, mort sans postérité;
7°LOUISE-JEANNE, née en1747, mariée, le 15 oct. 1767, à Louis- Charles Cuvillier, sr de Champoyau;
8° FRANÇOISE-HENRIETTE, née en 1749, mariée en 1767 à Jacques-Claude Jard-Panvilliers.
François Daniel CHABOT est un cousin issu de germain de Suzanne PALLARDY, l’épouse de François Louis ALLAIN.
Marie-Françoise CHABOT, sœur de François Daniel, a épousé François ROUGET, lui-même frère de Pierre ROUGET DE BOISGROLLIER dont le corps est inhumé dans l’église de Saint-Gelais (cf. Article les pierres tombales de l’église de Saint-Gelais).
Revenons à l’église : Au XVIIIe siècle, une chapelle seigneuriale a été construite à gauche de la travée du chœur, en hommage à la famille DE CHAMPAGNE, propriétaire du logis de Saint-Romans à cette époque. On y pénètre par une grande arcade coupant une baie romane. Le chapelain était choisi par les barons de Saint-Romans. Les armoiries de Madeleine Françoise de CHAMPAGNE DE LA SUZE, furent gravées dans la chapelle avec la date 1720 :


Selon le Nobiliaire universel de France, ou Recueil général des généalogies historiques des maisons nobles de ce royaume de Nicolas Viton de Saint-Allais [3], Magdeleine Françoise DE CHAMPAGNE a été inhumée dans l’église de Saint-Romans le 17 avril 1731. Je n’ai pas trouvé l’acte de décès. Par contre j’ai trouvé l’acte de décès de son fils François Hubert, comte de Villaines, lieutenant au régiment du Roi, décédé à l’âge de 19 ans et qui a été inhumé dans l’église de Saint-Romans le 16 novembre 1721.
Comme vu précédemment, Saint-Romans-Lès-Melle était le siège d’une baronnie. On peut voir, aux contreforts de la façade de l’église, des écussons aux armes de Jan de POIX, seigneur de Saint-Romans et de sa fille Jane.


J’ai trouvé quelques notes sur la généalogie de la maison DE POIX dans le Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine [4] :
Deux arrêts de la Chambre de Reformation de la Noblesse des 27 janvier et 10 mars 1671 ont maintenu la famille DE POIX dans la double qualité d’écuyer et de chevalier : ils lui ont reconnu le droit de porter pour armes : d’or à deux vols de gueules et de gueules à la bande d’argent accostée de six croix recroisettés d’or, 3 et 3.
Comme nous l’avons déjà dit, les demandeurs ont du y renoncer, fautes de pièces justificatives, à faire consacrer officiellement leurs prétentions de se rattacher directement à la grande famille de Picardie; ils se sont contentés de l’énoncer dans leur induction et d’y relater complaisamment des traditions qui leur étaient chères, sauf à faire partir de Mathurin seulement le cours de leurs degrés de filiation incontestablement prouvés.
I- Mathurin de POIX, seigneur de Saint-Romand (1), de Melle, de Parigné (Perigné) , vivait au XIVe siècle et habitait la province du Poitou, il est mort avant 1505. Il épousa Louise LE FRANC ou DES FRANCS, dont il eut deux fils : 1° Émery 2° Élie.
(1) La Seigneurerie de Saint-Romand ou plus exactement Saint-Romans, était située dans la paroisse de Saint-Romans-les-Melle, à peu de distance de Melle, (aujourd’hui chef-lieu d’arrondissement des Deux-Sèvres). D’après un document des Archives de la Vienne, elle appartenait en 1405 à Aimeri Richin à cause d’Hilaire Thibaude sa femme. Nous ignorons comment elle est passée aux mains de la Maison DE POIX. Après Mathurin, la Seigneurerie paraît avoir appartenu à son fils puiné Élie, indiqué comme seigneur de saint-Romans dans deux aveux du 8 juin 1590 et du 20 juin 1498.
André de POIX, son neveu, a porté, il est vrai, le même titre, jusqu’en 1509. Mais tout indique qu’il n’avait plus depuis longtemps les droits utiles de seigneurerie, car les aveux conservés aux archives de Poitiers sont dès 1490 au nom d’Hélie DE POIX, et dès 1509 au nom de son fils Jean.
La terre de Saint-Romans est restée en la possession du représentant de la branche poitevine de cette maison. Jeanne de Poix, dernière du nom de cette branche, l’apporta à son second mari, Guillaume Fouquet de la Varenne, entre les mains duquel elle fut érigée en baronnie par lettres royales de 1607. Elle passa, au siècle suivant de Guillaume Fouquet, marquis de la Varenne, dernier de ce nom, aux enfants et petits-enfants de Catherine Fouquet sa sœur, mariée en 1644 à Hubert de Champagne. Le 4 décembre 1716, Brandelis de Champagne, marquis de Vilaines, fit aveu de la baronnie de Saint-Romans, tant en son neveu qu’au nom des autres neveux de Guillaume Fouquet.
J’ai ainsi pu reconstituer la généalogie des familles DEPOIX et DE CHAMPAGNE :

Saint-Romans-Lès-Melle était une halte sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle (la voie de Tours) : on peut voir une croix avec trois coquilles sur le linteau de la porte de la tour d’escalier extérieure, octogonale, menant au clocher, sur le côté latéral ouest.


En sortant de l’église, allez voir le cimetière ancien accroché au coteau, à l’ouest du monument. Pendant longtemps un autre cimetière se trouvait au chevet et sur le côté est de l’église. Le « petit cimetière » et le « cimetière du haut » coexisteront durant plusieurs années.


Vous pouvez également admirer de loin le logis de Saint-Romans, propriété privée aujourd’hui, en empruntant les chemins de randonnée autour et dans le village. C’est certainement dans cette demeure qu’ont vécu les familles DE POIX, ALLAIN et DE CHAMPAGNE évoquées dans cet article.

On peut voir quelques photos de ce logis dans le livre «Châteaux, Manoirs et Logis des Deux-Sèvres» [5] qui en fait également une description: « Il siège au cœur d’un magnifique site paysager entretenu avec goût. Le corps de logis traversé par un ruisseau qui court dans le parc forme un long rectangle auquel sont adossés perpendiculairement les communs. La façade est ornée d’une tour crénelée en demi-cercle. Le logis de St-Romans contient une belle cheminée du XVème siècle ainsi que les armoiries des De Poix soutenues par deux animaux au-dessus d’une porte des communs. »
On peut situer Saint-Roman-lès-Melle sur la carte de Cassini Feuille 101 La Rochelle : le sud-ouest (Niort, Mauzé, Brioux…) [6]:

Sources:
[1] Mémoires – Société historique et scientifique des Deux-Sèvres de 1909 Source Gallica.
[2] Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, Tome 2/ Beauchet-Filleau Source Gallica.
[3] Nobiliaire universel de France, ou Recueil général des généalogies historiques des maisons nobles de ce royaume de Nicolas Viton de Saint-Allais Source Gallica.
[4] Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine – 1881 (T15). Auteur : Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine Edité en 1881 Source Gallica.
[5] Livre «Châteaux, Manoirs et Logis des Deux-Sèvres», éditions A.P.P. 1991, réalisé par l’association Promotion Patrimoine
[6] Carte de Cassini Feuille 101 La Rochelle : le sud-ouest (Niort, Mauzé, Brioux…).
[7] Saint-Romans.pdf : L’église de Saint-Romans-Lès-Melle © PARVIS – 1998 Réalisation : atelier HISTOIRE ET FOI Centre théologique de Poitiers http://www.poitiers.catholique.fr/parvis.
[8] Livre Mémoires Société Historique des Deux-Sèvres du 01 janvier 1914 : Dessins d’Arthur Bouneault, responsable du musée lapidaire de Niort. Dessins numérisés et transmis par la médiathèque de Niort.