B comme Bretons à Saint-Georges-de-Noisné (79)

Un texte de Claudette BRANGIER

Le Morbihan (qui signifie en breton, petite mer, c’est-à-dire le golfe du même nom) a été un département considéré longtemps comme arriéré avec une agriculture pauvre, petite, autarcique, de polyculture et d’élevage.

Entre 1900 et 1929, la modernisation est très relative, dans les zones rurales, il n’y a pas encore l’eau courante et peu d’électricité. Les écrémeuses et les barattes fonctionnent encore à l’huile de coude pour faire du beurre.

Lire la suite de « B comme Bretons à Saint-Georges-de-Noisné (79) »

Ils ont quitté les Deux-Sèvres

Notre adhérente Bénédicte REIGNER-TROUDE aime chercher les Deux-Sévriens qui sont partis parfois très loin de notre département. Elle nous communique régulièrement ses trouvailles. Une activité bien utile car ces individus itinérants sont difficiles à retrouver. Mais partir au XIXe siècle, ce n’était pas forcément réussir sa vie. La preuve par l’exemple avec quelques Deux-Sévriens qu’elle a découverts dans différents fonds d’archives, à Brest, à Troyes et vers Paris.

 POLICE DE LA PROSTITUTION (Brest – Finistère)
1858 – 1877
Dispensaire, enregistrement des prostituées

  • MARTEAU Marie : Née le 10 avril 1843 à Clavé, fille de Pierre et Marie FLEURY.
    Le 31 août 1864, s’est présentée volontairement venant de Lorient, porteuse d’un extrait de naissance et d’un passeport délivré à Lorient le 29 août 1864.
    Les parents sont décédés. Quitta le toit paternel (sans profession), époque où elle se livra. Fut à Poitiers, y reste une année, fut successivement à Rochefort, La Rochelle, Orthez, Niort, Nantes, Bordeaux, Villeneuve, Libourne, Lorient qu’elle quitta à destination de Brest.
    Déclare n’avoir subi aucune condamnation.
    Disparue.

 Au XIXe siècle, Brest compte une vingtaine de maisons closes réparties dans le quartier des Sept Saints, à Ker Avel et à Recouvrance et quelques 900 prostituées. À cette époque, une femme qui travaillait 12 heures gagnait 1,50 franc par jour. Une nuit avec un officier de marine lui rapportait 10 francs. La pauvreté, la misère a fait basculer leur vie.


POLICE DES CHANTEURS AMBULANTS (Troyes – Aube)
1867 – 1881
SALTIMBANQUES, REGISTRE DES AUTORISATIONS (AD 10 – Série 4 M)

  • MIMAU Louis : n° 146 Autorisation du 10 octobre 1874 établie pour 10 jours, ancienne autorisation établie le 13 juillet 1874 à Toulouse, né à Vasles, demeurant à Toulouse. Chanteur ambulant / n° 124   Autorisation du 15 novembre 1875 établie pour 10 jours, ancienne autorisation établie le 5 mai 1875 à La Rochelle. Boiteux.
  • ROBICHON Louis : n° 78 autorisation du 18 mars 1879 établie pour 8 jours, ancienne autorisation établie le 11 mai 1878, né à Niort, S.D.F. Chanteur ambulant. Estropié de la jambe droite.

REGISTRES D’ÉCROU (Le Kremlin-Bicêtre – Seine) AD 94
1813 – 1851
détenus administratifs et politiques (Région : Deux-Sèvres)

  • 7 mars 1815
    MESNARD Jean Baptiste : garçon, peintre en miniatures, 37 ans, né à Niort.
    Il a déclaré être déserteur du 1er Régiment de Hussards Hanovrien sous la dépendance du Roi d’Angleterre et avoir été arrêté à Gournay (Seine-Inférieure). Sans domicile fixe.
    1,730 m – cheveux et sourcils blonds – front rond et large – yeux bleus – nez long et large – bouche grande – menton rond et relevé – visage carré ayant la barbe blonde, les oreilles percées, celle de gauche fendue, un petit signe au col à droite, une petite cicatrice sur l’index de la main gauche, une autre sur celui de la main droite.
    A été extrait de la Direction Générale de la Police du Royaume pour être détenu dans celle de Bicêtre comme vagabond et suspecté de s’être évadé des fers et pour être reconnu.
    27 mai 1818, a été transféré à la Préfecture de Police.
  • 21 janvier 1830
    VINATIER Pierre dit Adrien Victor : terrassier, venant de Bergerac, arrivant à Paris lors de son arrestation, 24 ans, né à Mougon.
    1,690 m – cheveux et sourcils blonds – front large – yeux brun clair – nez moyen – bouche un peu grande – menton fort – visage ovale.
    a été extrait de la Préfecture de Police pour être détenu dans celle de Bicêtre comme libéré de condamnation pour vol et vagabondage, jusqu’à décision ultérieure de Son Excellence le Ministre de l’Intérieur.
    12 mars 1830, a été transféré à Niort.

Z comme Zadig

Un texte de Brigitte Billard, Chroniques d’antan et d’ailleurs

Le 13 décembre 1787, à l’église de Châtillon-sur-Thouet, on baptise la petite Françoise Alnet, fille de mes ancêtres Pierre Alnet et Catherine Bazille. Le parrain est Louis Bazille, la marraine est Marie Françoise Arouet, 27 ans, épouse de Mathurin Bazille et tante par alliance du nouveau-né. Rien de bien étonnant dans ce baptême, jusqu’au moment où la marraine signe le registre.

Le treiziesme jour de decembre mil sept cent quatre vingt sept a été baptisée par nous soussigné françoise née d’hier du legitime mariage d’entre pierre alnet fermier et de catherine Bazille ses père et mère a eu pour parain Louis Bazille boulanger son oncle et pour marainne francoise arouet, petite niece de Voltaire. La marainne avec nous soussignée

AD79 -BMS Châtillon-sur-Thouet 1760-1792 – vue 192/243

La généalogie de Voltaire, ou plutôt de François-Marie Arouet, l’auteur entre autres de Zadig – d’où le titre de ce billet, Z comme Zadig – est connue et plonge ses racines dans le Poitou, à Loudun au XVe siècle, selon l’Annuaire de la noblesse de France, puis à Saint-Loup-sur-Thouet, actuellement Saint-Loup-Lamairé, à partir de Jean Arouet, greffier en l’élection de Loudun, puis notaire à Saint-Loup, mort en 1583.

Le petit-fils du dit Jean, François Arouet, part s’établir à Paris, dans le commerce des draps. C’est à Paris que naît son fils, prénommé aussi François, en 1649, qui devient notaire et meurt à Paris en 1724. Il a deux fils, Armand et François Marie, né à Paris le 21 novembre 1694, qu’on connait sous le nom de Voltaire.

C’est donc le grand-père de Voltaire, François le futur drapier, qui a quitté la région poitevine, et les Arouet, branche du futur Voltaire n’ont au début du XVIIIe siècle plus grand rapport avec la région de Parthenay.

Pour que Françoise Arouet soit véritablement la petite-nièce de Voltaire, il faudrait qu’elle soit la petite-fille de son frère Armand Arouet, mort à Paris le 18 février 1745, a priori sans enfant officiel. Exit la relation grand-oncle / petite-nièce.

Si on remonte d’une génération, François Marie Arouet, dit Voltaire, n’a qu’une tante, Marie Arouet, qui épouse un certain Mathieu Marchant, bourgeois de Paris. Pas de descendance Arouet à ce niveau-là, donc pas d’arrière-grand-oncle éventuel de ma Françoise Arouet.

Revenons donc à la génération précédente, encore, à la fratrie de François Arouet, le drapier parti à Paris. Ce François a deux frères, Samuel Arouet, notaire à Saint-Loup, et Pierre Arouet, avocat du roi à Thouars.

Malheureusement, je ne trouve pas de descendance sur internet à ces deux grand-oncles de Voltaire.

Quant à l’ascendance de Françoise, les pistes que j’ai pu remonter pointent vers Chantecorps, et ne remontent pas au-delà de son grand-père, Louis Arouet, né vers 1676, marié une première fois en 1704 à Chantecorps avec Louise Dupont, puis à Vasles en 1710 avec Louise Delineau, la grand-mère de Marie Françoise. Ce Louis est laboureur, il est à peu près de la génération de Voltaire et il est difficile d’imaginer qu’il puisse être le petit fils de Samuel, le notaire de Saint-Loup, ou le petit-fils de Pierre, l’avocat de Thouars.

Pour mettre un point final à cette recherche de cousinage, je n’ai trouvé de mention de Voltaire dans aucun autre acte concernant les frères et sœurs de Françoise, ses oncles et tantes, et même son grand père.

Françoise n’était pas la petite-nièce de Voltaire, même si elle partageait son patronyme.

Françoise n’était qu’une femme du peuple, une fille de la région de Parthenay, comme toutes les autres.

Elle avait été baptisée le 1er janvier 1760 à Fomperron. Son père Louis, marchand et laboureur, avait alors 44 ans, et sa mère, Marie Anne Pignon, en avait 41 ans. Françoise, ou plutôt Marie Françoise, selon son acte de baptême, avait déjà un frère et quatre sœurs vivants lors de sa naissance : Marianne, née en 1747, Marie Françoise, née en 1748, Perrine, née en 1752, Louise née en 1754 et Louis, né en 1756. La famille avait d’abord habité à Chantecorps avant de se fixer à Fomperron avant 1752.

Après la naissance de Françoise, la famille s’était encore agrandie, avec la naissance de Radegonde en 1761.

Vers 1770, la famille Arouet vivait à nouveau à Chantecorps, dans le village de Champmorin.

Marie Françoise avait épousé Mathurin Bazille, héritier d’une lignée de maçons à Parthenay, à l’église du Saint-Sepulchre, en présence de ses parents, le 31 janvier 1780. Au début du mois, le 6 janvier 1780, un contrat de mariage avait été signé entre les deux familles. Il y était prévu que le nouveau jeune couple vivrait pendant une année chez la mère du marié, Marie Magdeleine Bourdault, dans la métairie de la Maladrerie, sur la paroisse du Saint-Sepulchre. Marie Françoise est dotée de 1000 livres par ses parents, en avancement d’hoirie, 500 livres payables deux ans après le mariage, et l’autre moitié de 500 livres cinq ans après le mariage.

Le premier enfant du couple, une fille, Thérèze – un prénom souvent porté dans la famille de l’époux – naît le 7 octobre 1780, mais meurt trois jours plus tard.

Le 4 janvier 1782, la mère de Françoise, Marie Anne Pignon, meurt dans son domicile de Chantecorps, à l’âge de 63 ans. Sa fille est alors enceinte, et met au monde le 24 avril 1782 une petite Elizabeth, qui ne vivra que quelques années. Le 22 septembre 1782, c’est le père de Françoise, Louis Arouet, qui meurt à son tour, à 66 ans.

Le 9 octobre 1785, à Parthenay, où le couple habite maintenant la paroisse Saint-Jean, Françoise met au monde un garçon, Mathurin Bernard, qui va mourir en mars 1801.

Le 14 décembre 1789, c’est un petit Jacques Bazille qui vient agrandir la famille, mais il ne vit que quelques semaines, et est inhumé le 9 janvier 1790, lors d’une cérémonie à l’église Saint-Jean de Parthenay.

Mathurin Bazille et son épouse Françoise Arouet quittent alors Parthenay, et Mathurin va travailler avec Louis Arouet, son beau-frère, à Champmorin, dans la commune de Chantecorps. Pendant de longues années, il sera désormais fermier ou cultivateur, et plus maçon.

Un nouveau petit garçon, François, vient au monde le 18 floréal an 3, à Chantecorps.

Françoise n’a que 38 ans quand elle meurt, le 10 pluviôse an six – le 29 janvier 1798 – sur la commune de Ménigoute, elle qui pourtant habite encore à Chantecorps.

Aujourd huy le dix pluviose l an six de la reppublique
devant moy charles Martin officier public de la commune de
Menigoute, a comparu le citoyen Louis arrouet et françois pothet
demeurant commune de chantecorps lesquels mon déclaré que ce
jourdhuy est décédée françoise arrouet +++ agee de trante six anq duquel
deces je me suis assuré en me conformant a la loi,  l effet de quoy
j ay dressé le present acte en presence des susnommés qui ont declaré
ne scavoir signer sauf le soussigné Louis arrouet +++ epouze de
mathurin Bazille de la commune de Chantecorps___

Le 22 nivôse an 8, Mathurin Bazile, son veuf, passe un contrat de mariage pour épouser Louise Pinaudeau. Il doit régler la succession de Françoise, la mère de ses enfants survivants. C’est ainsi qu’on apprend que le 17 janvier 1800, seuls Bernard, François, et un certain Louis – dont je n’ai pas retrouvé la naissance, ni le destin futur – sont encore en vie.

Je n’ai pour l’instant pas retrouvé de postérité à Françoise.

Et je ne me serais jamais intéressée à elle, à ses frères et sœurs, à sa famille, si un jour, dans l’acte de baptême de la petite sœur de mon ancêtre Louise Alnet, la marraine n’avait mis en avant une parenté totalement infondée avec Voltaire.

Z comme ZZZZ…

Un texte de Yasmine GUILBARD

10593562La comptinette des moutons

1, 2, 3 Compte, compte les moutons,
4, 5, 6 Qui sautent et qui tournent en rond,
7, 8, 9 Tu dormiras pour de bon,
10, 11, 12 Vive, vive les moutons

Cette ritournelle d’enfance, me trottait dans la tête en traversant ce bourg de Vasles et ses alentours.
Vasles, c’était bien la première fois que j’entendais parler de ce bourg. D’ailleurs, comment je devais le prononcer, avec les S ou sans ?
Il m’avait dit : « Viens à la Saisinière, c’est le jour de la vidange de l’étang. »
Diapositive1C’est quoi ça une vidange d’étang ?
Je ne connaissais, et encore sans l’avoir pratiqué que la vidange de ma 2 CV.
Sur la place de l’église, des affiches colorées annonçaient la pêche de l’étang de la Saisinière.
Ah une vidange, c’est donc une pêche ?

Et ces champs où des moutons blancs paissaient tranquillement, je ne voyais que ça…
Des moutons, des moutons…
Et puis, c’est quoi ça un MOUTON VILLAGE sur la pancarte dans le bourg ?

MOUTON VILLAGE : Un parc unique en France !
Le parc « Mouton Village » est le 1er parc en France à accueillir une vingtaine de races ovines du monde entier. Saviez-vous qu’il existait un mouton « à tête de lapin », un autre « à quatre cornes » ? Chacun a son caractère et ses habitudes. Partir à leur rencontre est une expérience aussi originale qu’instructive.

Moi, je cherchais la ferme de la Saisinière. Pas facile à trouver. En revanche, je traversais le Bois de la Saisine (à ne pas confondre avec la forêt de la Saisine, site naturel aux alentours de Clavé). Selon toute logique, la ferme ne devait pas être loin. Mais rien ne vaut le contact avec l’autochtone pour demander sa route.

La ferme des Guilbard ? Ah, oui, vous y êtes presque ma p’tite demoiselle…

Guilbard, dont l’origine du nom est très certainement germaine et provient de Wilbehrt, qui signifie volonté.
Ne dit-on pas que les gens de ce pays seraient originaires, entre autre de Rhénanie, d’où cette origine germaine transformé en langage local (et encore je ne parle pas de leur patois bien ancré.)
Donc un sobriquet attribué aux personnes au caractère volontaire.
Volontaire, vous avez dit ?
« Be oui », comme cette terre de Gâtine d’ailleurs, vallonnée et bocagère, issue du Bas-Poitou. Grâce à ce sol imperméable et à des conditions climatiques empreintes de douceur et de nuances saisonnières, de très nombreux ruisseaux et rivières (le Thouet, le Cébron, la Sèvre Nantaise, la Vonne, l’Egray ou l’Autize…), des lacs et des étangs parcourent ou ponctuent le paysage. On appelle la Gâtine le château d’eau des Deux-Sèvres. Ces paysages, relativement préservés de l’agriculture intensive, participent au maintien de la population, car en Gâtine, on vit bien, on est “benaise”.

ABBE ROCHARDpngEt, il en a fallu du courage pour ses habitants de vivre sur ces terres « incultes, gâtées ».
Géologiquement, cette terre fait partie du Massif armoricain, et culmine à 272 m, au Terrier de Saint-Martin-du-Fouilloux que je connais bien, puisque tous les ans, au moment des fêtes de Noël, mes parents m’emmenaient voir la crèche animée dans l’église du Père Rochard. * Souvenir heureux de mon enfance, et de beaucoup de poitevins.

Pour info, la crèche est installée à Bressuire maintenant , où une association se charge d’organiser des visites pour le public qui souhaite voir cette fresque animée.

Selon Filae (2019), 168 Guilbard sont nés en France depuis 1890, dans 25 départements. Le nom Guilbard occupe le 57 131e rang des noms portés en France. Une misère si je compare avec mon nom…
Les Pelletier occupent le 156e rang ! Cocorico !

Mais revenons à nos moutons.
J’arrivais enfin à la ferme au bout d’un chemin longé par un bel étang… pratiquement vide !

Moins grandiose et chargé d’histoire bien sûr que son voisin, mais tout aussi pittoresque : l’étang des Châtelliers, situé à quelques kilomètres. Cet étang est situé à proximité de l’abbaye des Chateliers, fondée par Giraud de Salles, disciple de Robert d’Arbrissel (fondateur de Fontevrault et affiliée à Clairvaux en 1163), elle fut jusqu’en 1790 la plus importante des six abbayes cisterciennes du Poitou.
À parcourir l’histoire remarquable de ce site des Châtelliers grâce à un historien passionné, Philippe Michaud.

Et oui, j’oubliais la vidange. C’est bizarre un étang sans ses eaux. On dirait un bord de mer à marée basse avec de la vase, des empierrements plats, au milieu un filet d’eau et autour une agitation humaine, avec des hommes et femmes qui s’activent pour trier les nombreux poissons qui surpris par une baisse progressive d’eau, se laissent aller par le faible courant vers des pièges à récupération.

Voilà donc la fameuse Saisinière.
Mais d’où vient ce nom particulier ? de la Saisine ? (prise de possession appartenant de droit à l’héritier – Code civil).
Selon une étude publiée dans le bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie sur les noms de lieux habités portant des finales en « ière », il est observé que ces noms se sont rarement appliqués à des seigneuries ou paroisses, mais plutôt à des petites exploitations paysannes.
Et bien cette fameuse Saisinière correspondait bien à cette description.

Je retrouvais là l’instigateur de mon déplacement, mon « chum », comme dirait mon ami Robert Jasmin de Québec.

La cour de la ferme grouillait de monde, chacun occupé à des occupations bien précises : les hommes, forces vives, récupéraient et triaient les nombreuses variétés de poissons (carpes, tanches, gardons, perches, quelques anguilles et brochets…).
Les femmes étaient plutôt préposées à la vente, et la maîtresse de maison, Raymonde, s’affairait aux fourneaux pour nourrir tout ce petit monde.
Dans un coin, le grand-père triait les petits gardons, fragilisés par cette pêche et dont la destination finale ne faisait aucun doute : ils seraient frits rapidement pour régaler les papilles de tous ces travailleurs, petits et grands.

D’ailleurs, après l’accueil très chaleureux réservé à une nouvelle venue, j’ai eu droit à un moment privilégié : la recette de circonstance de la maîtresse de maison.

Après m’avoir montré comment écailler, ébarber, et laver la carpe, j’ai eu droit à une vraie démonstration de cuisine du terroir pour préparer la farce (j’en garde encore des souvenirs gustatifs mémorables).

Recette :
Pour une carpe d’environ 1 kg- 1 kg 500
100 g d’oseille fraîche du jardin
80 g de mie de pain
2 dl de crème fraîche (la crème était maison faite avec le lait cru des vaches… hum !)
1 bouquet de persil et ciboulette
3 échalotes moyennes (les cuisses de poulet sont savoureuses)
3 gousses d’ail
2 œufs
50 g de beurre
1/2 l de vin blanc (sec de préférence) et consommer le reste avec la carpe
sel et poivre

Émietter la mie de pain et la faire tremper dans la jatte de crème.
Rajouter l’oseille, le persil, la ciboulette, les échalotes, l’ail et lier le tout avec les 2 œufs.
Un tour de sel et poivre.
À ce stade, rien de nouveau… mais j’ai eu droit à son petit secret : elle a rajouté une pincée de 4 épices, pour donner une saveur particulière à cette farce…. Je comprends pourquoi, je m’en rappelle encore.
Puis, farcir la carpe, la déposer dans un plat de cuisson en versant dessus le vin blanc et une même quantité d’eau. Rajouter une noisette de beurre à mi-cuisson et cuire à four chaud pendant 30 minutes, en prenant soin de bien arroser la carpe.

Tout en savourant ce plat autour de ces grandes tablées où chacun y allait de son histoire la plus animée, je pensais à tous ces Guilbard qui avaient précédé ceux qui habitaient cette ferme de Gâtine.

Entre les dénombrements, listes nominatives des habitants de Vasles, Ménigoute, Saint-Germier, Curzay et Les Forges, actes de naissance et de mariage de 1600 (environ) à 1936, ne trouve-t-on pas nombre de ceux-ci dont les prénoms variés évoquent les époques Florent, Jean, André, René, Jacques, François, Firmin, Auguste, Hubert, Jean-Marie et… Florent.

Et oui, l’incroyable allait apparaître sous mes yeux, lorsqu’en 2019, au gré de mes recherches généalogiques, je retrouvais la trace du premier pépé répertorié : Florent Guilbard, écuyer, Sieur de la Reverserie, de Terredouce et de Sepvret, né vers 1550.

Lorsqu’à la suite de cette mémorable virée à la ferme de la Saisinière, et quelques années après mon mariage avec Jean-Marie, le fils de la maison, nous avons eu le grand bonheur d’accueillir la naissance de notre fils, Florent, en 1985 !
Bien-sûr, sans savoir à ce moment-là, qu’il serait le descendant d’une lignée dont un des membres portait le même prénom, bien des années auparavant.