Les pierres de l’église d’Augé

Toujours à la recherche de jolies pierres tombales, j’ai visité une première fois l’église d’Augé à la fin d’une randonnée par une belle journée de septembre.L’église est bâtie sur le flanc d’une vallée où coule un affluent du Chambon. Elle est en forte dénivellation de l’ouest à l’est. La partie occidentale (nef et transept) remonte à l’époque romane, sans doute au moment du rattachement à Saint-Maixent.

L’église Saint-Grégoire a une longue histoire :

« En 1099 l’évêque de Poitiers donne à l’abbaye de Saint-Maixent l’église d’Augé, ce que confirme le pape en 1110. Jusqu’à la révolution, le curé sera nommé par l’abbé de Saint-Maixent.

Lors des guerres de Religion, l’église est mise à sac par les calvinistes en 1568, et incendiée en 1570. Elle restera abandonnée, sans toiture, jusqu’en 1593 où l’abbaye de Saint-Maixent la fit restaurer.

A la révolution l’église est vendue à un notaire de Niort. Elle sert de grange et d’écurie. En 1806, elle est rachetée par la commune à son propriétaire. L’exercice du culte n’y reprendra qu’en 1822-1823. »

.

« La nef, bâtie en moellons, comprend quatre travées, avec contreforts plats intérieurs et extérieurs. Elle est éclairée au sud par quatre fenêtres étroites placées très haut, près du sommet du mur qui n’a pas de corniche. Elle n’a jamais été voûtée. Un portail, à voussure unique, reposant sur des colonnettes avec chapiteaux au décor végétal, y donne accès entre les contreforts de la 3e travée au sud. Le balet qui le protège est beaucoup plus récent.

Au-dessus de la croix du transept, le clocher carré a deux étages ajourés de deux puis une d’une baie cintrée d’aspect roman ; il a été repris au XVIe siècle. »

Dans le chœur il y a des stalles le long des murs latéraux de la travée occidentale ; des fonts baptismaux à cuve carrée au fond à gauche ; une statue de Notre-Dame de Lourdes, dans une niche du mur nord.

Dans le mur nord, on peut voir deux plaques de pierre gravées :

La première plaque gravée, en hauteur, est bien visible sur la photo de gauche ci-dessus : on y lit :

N DE LA + PBRE [prebtre],

TOURANGEAU

CURÉ DE CÉANS L’AN 1622

La deuxième pierre gravée, moins visible, se situe au niveau du bouquet de roses sur la photo de gauche déjà citée ; on y lit :

Nicolas DESHAYES

1670

C’est lors d’une deuxième visite de l’église en avril dernier (effectuée en vue de finaliser cet article) que j’ai découvert une troisième plaque gravée, visible derrière la croix, en bas :

On y lit :     

                                                    

N DE LA + CURE EN

L’AN 1629 A FAICT

FAIRE CETE SACRIS

STIE TOUS LES OR

NEMENS LIURFS ?

Nicolas DELACROIX, tourangeau, a été prêtre d’Augé du 13 octobre 1622 à mars 1637 selon les registres paroissiaux d’Augé :

  • La première plaque gravée dans le mur nord se rapporte donc au début de sa mission de prêtre à Augé en 1622.
  • La deuxième plaque fait référence à des travaux qu’il aurait fait faire en 1629 dans l’église : je n’ai pas trouvé de trace écrite relatant ces faits dans le registre paroissial de 1629, comme l’ont fait parfois certains curés.

Est-ce lui qui a fait graver ces deux plaques ?

On retrouve la signature de Nicolas DELACROIX dans les registres paroissiaux d’Augé de 1622 à 1637 :

  • Premier acte du 13 octobre 1622 : baptême de Renée SICOT, fille d’Anthoine et de Magdelene BOURDIN

BMSA 1592-1697 E DEPOT 175 / 2 E 20-1 Vue 099/423

  • Dernier acte du 12 mars 1637 : baptême de Jacques BARRAULT, fils de Jacques et de Marie PASTOUREAU

BMSA 1592-1697 E DEPOT 175 / 2 E 20-1 Vue 144/423

Je n’ai pas trouvé du décès de Nicolas DELACROIX dans les registres d’Augé. A-t-il été inhumé dans l’église ? où est-il parti dans une autre paroisse ?

Nicolas DESHAYES était, lui, maître-chirurgien à Saint-Maixent, il est décédé à Augé le 9 janvier 1701 à l’âge de 46 ans. Son acte de sépulture ne précise pas le lieu d’inhumation, mais il a dû être inhumé dans l’église comme d’autres membres de sa famille.

Ses parents étaient Jean DESHAYES, également maitre chirurgien, et Madeleine DURIVAULT. Jean DESHAYES est décédé à 52 ans le 10 novembre 1675 et a été inhumé dans l’église d’Augé.

BMSA 1592-1697 E DEPOT 175 / 2 E 20-1 Vue 272/423

Ses grands-parents paternels étaient Jean DESHAYES, notaire royal, et dame Françoise VITRIER. Ses grands-parents maternels étaient Nicolas DURIVAULT, notaire d’Augé, sergent royal à Saint-Christophe-du-Roc, et Mathurine SANXON.

Nicolas DESHAYES s’était marié une première fois à Augé le 17 février 1670 avec Jeanne Marie RAYMOND : la gravure « Nicolas DESHAYES 1670 » est peut-être liée à cet évènement ?

BMSA 1592-1697 E DEPOT 175 / 2 E 20-1 Vue 246/423

Le curé BRUSLON utilise une expression particulière pour ce mariage « selon le Concile de Trente » :  « Le Concile de Trente confirme et précise tous les fondements et sacrements de l’église catholique en réaction à la réforme protestante » [1].

De cette union, est né un fils Jean en 1672 : il a pour parrain son grand-père maternel, Jean RAYMOND, sieur de la Rouscholle ? et pour marraine sa grand-mère paternelle Magdelaine DURYVAULT :

BMSA 1592-1697 E DEPOT 175 / 2 E 20-1 Vue 238/423

Nicolas DESHAYES s’est remarié le 12 février 1679 à Augé avec Marguerite COCHON, fille de Louis COCHON, Sieur de la Maisonneuve de la Chossonière de Rouvre, fermier et Catherine LAMBERT. Un contrat de mariage avait été passé un an de demi auparavant le 12 novembre 1677 à Augé chez le notaire Louis REDIEN. L’acte de mariage fait référence à une dispense d’affinité au 2éme degré obtenue le 5 septembre 1678 puis validée par plusieurs jugements. Certainement la raison du mariage survenu seulement en février 1679.

BMSA 1592-1697 E DEPOT 175 / 2 E 20-1 Vue 283/423

 Marguerite COCHON est décédée le 28 août 1727 à l’âge de 78 ans et a été inhumée dans l’église de Germond-Rouvre. Marguerite était une petite-fille de Philippe COCHON, sieur du Breuil, fermier de la Maison noble du Plessis de La Roche et du château d’Augé, et de Gabrielle CHAIGNON.

La photo de la dernière page du contrat de mariage de Philippe COCHON et Gabrielle CHAIGNON en 1620 ou 1621 est disponible sur Geneanet sur l’arbre de Philippe Couderc avec de magnifiques signatures.

Et les Pierres tombales ?

Un peu déçue de n’avoir pas trouvé de pierre tombale lors de ma première visite de l’église, j’ai relu le livre de Marguerite Morisson sur Augé et notamment la page sur le dallage de l’église :

« Voici ce que M. louis-Théophile Redien en disait dans un article paru dans le Mémorial des Deux-Sèvres » du 25 août 1939 :

« La réfection du dallage de l’église se poursuit actuellement, sous la surveillance des Beaux-Arts. Un document ancien nous apprend que le dernier travail de ce genre a eu lieu il y a 162 ans, (j’en excepte toutefois la restauration partielle du chœur qui fut faite en 1906).

Voici en quels termes le fait est rapporté :

« En 1777, le 19 janvier, une assemblée générale de ses habitants constatait la ruine partielle de l’église. Sa nef se trouvait détériorée de fond en combles, les dalles des pavés soulevées et culbutées en maints endroits, les fonts baptismaux dégradés, les charpentes et toitures tombaient faute d’entretien. On fut obligé de se livrer d’urgence aux réparations indispensables. »

« Depuis que les travaux actuels ont commencé, on a mis à jour la belle pierre tombale de messire Jacob de la Chaussée de Champmargou et plusieurs autres dalles funéraires moins ornementées, mais néanmoins fort intéressantes. Ce sont trois pierres tumulaires prismatiques, concernant l’une Françoise Aymer de la Chevalerie, l’autre dame Boulanger de Gédéon et la troisième difficilement déchiffrable.

Ce dernier rapport ne sera surement pas le dernier, car les travaux ne sont en somme que commencés.

J’en suivrai l’évolution avec tout l’intérêt qui s’attache à ces vestiges du passé. »

Marguerite Morisson précise dans son livre « Il est bien dommage qu’au moins les inscriptions de ces tombes n’aient pu être répertoriées et conservées. »

Lors de la deuxième visite de l’église en avril dernier, j’ai découvert au fond de l’église, à droite de la grande porte, une pierre tombale, dont l’épitaphe est difficile à déchiffrer. Mais il s’agit sans aucun doute de celle de messire Jacob de la Chaussée de Champmargou :

On peut y lire :

  • En haut en horizontal : …. SEIGNEUR
  • A droite en vertical : DE LA CHAUSSEE ET CHAMPNARGOU

Selon le dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, Tome 2/ Beauchet-Filleau, Jacob DE LA CHAUSSEE était le fils de Daniel et de Jacquette DU CHILLEAU. J’ai complété (en non-italique) cette généalogie des actes trouvés grâce aux relevés du Cercle Généalogique des Deux-Sèvres :

«10. — Chaussée (Daniel de la), Ec., sgr de Bournezeau, du Lac, de Baincy, épousa, le 3 fév. 1592 (Chénier, not. à Montreuil-Bonnin), Jacquette DU CHILLEAU, fille de René, Ec., sgr de la Charrière, et de Hélène de Mathe-Félon, mariage protestant en date du 17 juin 1592 à Saint-Maixent-l’Ecole :

BMSA 1589-1605 2I 55 Vue 035/113

dont : 

11. — Chaussée (Jacob de la), Ec., sgr du Lac et de Baincy, fut maintenu dans sa noblesse le 5 nov. 1624 par Amelot, intendant du Poitou.

Ayant été convoqué par M. de Parabère, en 1625, pour rejoindre le corps de la noblesse à Châlons et se réunir à l’armée que Louis XIII voulait commander en personne, il produisit deux certificats des 1er sept. et 23 nov. 1625 de M. de Beauvau attestant qu’il avait déjà servi le Roi en bon équipage.

Jacob épousa, le 13 janv. 1621 (Samson, not. à Aubigny), Catherine DE L’ISLE, de Champmargou (Augé, D.-S.), fille de Antoine, Ec., et de Jacquette Vettelier. Les deux époux se firent le 8 mai 1621 une donation mutuelle et eurent pour enfants :

1° HILAIRE, baptisé le 10 novembre 1621 à Augé, qui suit ;

2° CHARLES, Ec., sgr de Champmargou, qui fut nommé par brevet du 2 août 1669 lieutenant-général pour le Roi au gouvernement de l’île Dauphine à Madagascar. Il y testa le 13 déc. 1672, devant Pillavoine, not.,et y mourut.

3° Catherine, baptisée le 22 mars 1624 à Augé ;

4° Marie, baptisée le 2 novembre 1625 à Augé ; elle épousa René DE LAURIERE et eut au moins quatre enfants :

Louis, Suzanne et Charles baptisés tous les trois à Coutières 15 février 1654 ; Louis a eu pour parrain son grand-père Jacob DE LA CHAUSSEE ;

Puis Pierre, baptisé le 20 décembre 1660 à Coutières. Pierre épousa Catherine PIDOUX (Contrat de Mariage en date du 23 novembre 1690, GAULTIER et DECRESSAC à Poitiers).

5° Françoise, baptisée le 7 mars 1634 à Augé.

Jacob se maria en secondes noces ? car nous trouvons Perrette PERROTIN, veuve de Jacob de la Chaussée, demeurant à St-Georges, élect. de St-Maixent, qui fut maintenue noble le 22 août 1667. (Catalogue annoté, p.126.).

Je n’ai pas trouvé trace du décès de Jacob DE LA CHAUSSEE ; il y a des lacunes dans les registres paroissiaux d’Augé : pas d’actes de sépulture avant 1674 et des lacunes en 1677 et 1685-1686.

12. — Chaussée (Hilaire de la), Ec., sgr de la Chaussée, du Lac, du Pin-de-Rouvre, de Champmargou, naquit le 10 nov. 1621, baptisé le 10 novembre 1621 à Augé :

BMSA 1592-1697 E DEPOT 175 / 2 E 20-1 Vue 094/423

fut nommé le 20 août 1650 commissaire provincial d’artillerie, et confirmé dans sa noblesse le 22 août 1667.

Il avait assisté en 1651 à l’assemblée de la noblesse poitevine réunie à Poitiers pour nommer des députés aux Etats de Tours.

Marié, le 18 avril 1646 (Dugué et Redan, not. à la Garnache), à Marguerite DE MAYRÉ, fille de feu Claude, Ec., sgr de la Babinière, et de Marie Le Texier, il eut pour enfants:

1° RENÉ, qui suit ; baptisé le 29 juillet 1653 à Augé ;

2° FRANÇOIS, auteur de la branche du Pin, § II ; baptisé le 6 aout 1671 à Augé ;

3° JULES-CHARLES, Ec., sgr de Verdeuil, mort au service ; ; baptisé le 1er juillet 1665 à Augé ;

4° CHARLOTTE-MARGUERITE, ; baptisée le 17 avril 1668 à Augé ;

5° HILAIRE-LOUISE, épouse d’Alexis Le Gascoing, Ec., sgr du Chesnay ; baptisée le 31 janvier 1667 à Augé et décédée le 31 aout 1719 à Augé à 52 ans;

6° MARIE-BÉNIGNE, qui vers 1690 épousa René de Laurière, Ec., sgr des Bourdinières, la Touche. ».

J’ai seulement trouvé une Bénigne baptisée le 20 novembre 1662 à Augé et décédée le 28 mars 1735 à Augé à 72 ans (l’acte de décès n’indique pas d’époux).

7° Gaspart, baptisé le 18 aout 1655 à Augé ;

8° Claude Françoise, baptiséE le 26 avril 1657 à Augé ;

9° Alexis Charles, baptisé le 11 juillet 1659 à Augé et décédé le 1er janvier 1676 à Augé ;

Marguerite DE MAYRE est décédée à l’âge de 66 ans le 17 décembre 1689 et fut inhumée dans l’église d’Augé :

BMSA 1592-1697 E DEPOT 175 / 2 E 20-1 Vue 386/423

Marguerite MORISSON précise dans son livre sur Augé :

« Construit à la fin du XIXe siècle, le château actuel [Champmargou] ne présente aucune architecture remarquable. Il a été édifié sur l’emplacement d’un manoir fortifié, dont les matériaux furent utilisés pour la nouvelle construction.

C’est la famille de la Chaussée qui apparemment y demeura le plus longtemps. Depuis le mariage de Jacob de la Chaussée, écuyer, seigneur de Bournezeau en 1621 avec Catherine de L’Isle, dame de Champmargou, toutes les générations qui suivirent devinrent « de la Chaussée de Champmargou » et ceci, jusqu’à Jean-Michel, né en 1765 à Augé. »

Par contre je n’ai pas trouvé les restes de litre funéraire (fresque de couleur brun et ocre avec quelques traces de bleu délavé) avec armoiries sur le mur sud que Marguerite cite dans son livre. Elle a certainement disparu de nos jours, à moins que ce ne soit cela : ce sera l’objet d’une prochaine visite de l’église avec Marguerite Morisson.

Carte Cassini des Deux-Sèvres :

Sources :

[1] Livre de Marguerite Morisson « Augé Moments de vie Moments d’Histoire »

 [2] Augé (Deux-Sèvres) L’église Saint-Grégoire © PARVIS – 2017 Centre théologique de Poitiers www.poitiers.catholique.fr/parvis

[3] Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, Tome 2/ Beauchet-Filleau via Gallica

[4] Arbre Geneanet Philippe Couderc

[5] Carte Cassini Feuille 100 Luçon : l’ouest (Coulonges, Cerizay, Parthenay, Saint-Maixent…)

4 commentaires sur « Les pierres de l’église d’Augé »

  1. Merci infiniment pour cet article passionnant qui me tient tout particulièrement à coeur car c’est dans l’église d’Augé que j’ai reçu le sacrement du baptême le Dimanche de Pâques 1964 et c’était Pâques sous les tisons. Merci
    JL Guiton

    Aimé par 1 personne

  2. Bonjour
    je suis la descendante directe de Jacob de la Chaussée, par son fils Hilaire. Votre article est en tout point exact, sauf que le dernier de la Chaussée d’Augé s’appelait François Michel et a été maire d’Augé pendant 21 ans. Il a donné du fil à retordre à deux préfets successifs en raison de ses démêlés picaresques avec l’instituteur local. Pour en revenir à Jacob, je soupçonnais une origine protestante au vu du prénom, votre article me confirme que son père était bien protestant. Mais Jacob a baptisé tous ses enfants dans la religion catholique, l’époque était fort rude pour les huguenots. Jaco , en tant que commissaire provincial, s’occupait de l’intendance des armées. Le brevet de fauve garde lui a été accordé du fait des dragonnades qui sévissaient dans la région: il a donc été protégé des persécutions : « défense à tous gens de guerre de loger dans sa terre et seigneurie du Pin du Rouvre »
    le château de Champmargou existe encore, son nom signifie le chant du merle, la structure, les caves et les trois tours sont d’époque. Sur le linteau de la cheminée du salon figure le blason de la Chaussée. Son fils Charles a effectivement navigué jusqu’à l’Ile Dauphine, mais s’est retrouvé isolé suite à un conflit au sein de l’équipage. Il est resté avec une poignée d’hommes sur l’île et s’est fait massacrer. Jacob son père l’a t-il jamais su?
    Bénédicte

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire