D’un atelier de paléographie à la découverte d’un fonds privé ancien (1)

Les archives Départementales des Deux-Sèvres proposent à nouveau cette année des ateliers de paléographie. J’avais suivi avec intérêt ceux assurés par la Directrice des AD 79 de fin 2018 à début 2020, qui avaient été ensuite malheureusement interrompus par les confinements liés au COVID.

Le 8 février dernier, j’ai suivi avec plusieurs membres du Cercle Généalogique des Deux-Sèvres cette première séance qui était consacrée, après une présentation générale de la paléographie, à la lecture de deux déclarations de naissance de Fenioux, sans indication du nom de famille, écrites par le père ou la mère des enfants, datant des années 1720 et provenant d’un fonds privé des AD 79.

Archives départementales des Deux-Sèvres, 126 J 23

Un bon exercice de paléographie, la lecture étant rendue difficile et notamment déconcertante par l’orthographe des mots !

La première note manuscrite est relative à la naissance de Susanne Julie le jour de « Nouel », la personne qui a écrit la note n’a pas précisé l’année, mais une mention a été rajoutée « 1707 » ; l’autre naissance évoquée est celle de François Louis né le 24 janvier 1708 (là, l’année est bien précisée dans la note manuscrite). Bizarre deux naissances à un mois d’intervalle !

La deuxième note manuscrite est relative à la naissance de Philippe René le 23 juillet 1709 et de Marie Gabrielle le 19 avril 1712.

Ma curiosité piquée à vif, dès le lendemain, j’ai été consulter le registre paroissial de Fenioux sur le site des AD et j’ai recherché les actes de naissance des enfants dans les registres de Fenioux :

– Suzanne Julie JANVRE a été baptisée en fait le 30 décembre 1706 et non 1707 :

– François Louis JANVRE a bien été baptisé le 26 janvier 1708.

Leurs parents étaient Charles JANVRE, chevalier,  sieur de la Bouchetière, de la Moussière, de la Barrejau, du vieux Brusson et dame Julie PINIOT.
J’ai fait des recherches sur ce couple sur la base de données du Cercle et d’autres sources :  j’ai trouvé les relevés et les actes de :
– leur mariage hors département le 20 juin 1699 à Fontenay-Le-Comte ;
– les relevés des actes de naissance/sépultures des autres enfants et les relevés de mariage de certains enfants :
* Jacob JANVRE, Chevalier, sieur de la Bouchetière, du vieux Brusson, , baptisé  le 12 avril 1700 à Poitiers, marié le 14 octobre 1728 avec Marie-Anne-Elisabeth DU CHILLEAU, et inhumé le 7 octobre 1777 dans le cimetière de Fenioux,
* Louis Claude JANVRE, sieur de la Moussière, baptisé le 1 er juin 1702 à Fenioux, marié le 28 juillet 1738 en l’église Saint-Laurent de Parthenay, avec Renée-Florimonde DE VILLEDON (1703-1778), inhumé le 10 novembre 1761 dans le petit cimetière de Saint-Maixent,
 * Marguerite Charlotte JANVRE, baptisée le 9 juillet 1703 à Fenioux,
 * Philippe Marie JANVRE, baptisé le 27 février 1705 à Fenioux et inhumé le 26 novembre 1716 en l’église de Fenioux, à l’âge de 11 ans,
 * Suzanne Julie JANVRE, baptisée le 30 décembre 1706 à Fenioux,
 * François Louis JANVRE, baptisé le 26 janvier 1708 à Fenioux,
 * Philippe René JANVRE, baptisé le 25 juillet 1709 à Fenioux : cette année-là, c’est le grand hiver 1709 en France et en Europe ; le curé de Fenioux s’étend plus largement sur cet évènement avec un «Mémoire curieux pour la postérité » de deux pages à la fin du registre paroissial de l’année 1709,
 * Gabrielle Marie JANVRE baptisée le 19 avril  1712 à Fenioux, mariée le 9 mai 1753 à Béceleuf, avec Pierre DES ROCHES, seigneur de Chassay.

-Les relevé et acte de sépulture de Charles JANVRE, inhumé le 8 février 1736 en l’église de Saint-Lin, à l’âge de 66 ans (né vers 1670),

-Les relevé et acte de sépulture de Julie PINIOT/PINYOT, inhumée dans le cimetière de Xaintray le 25 août 1757, à l’âge de 82 ans (née vers 1675).

Le Nobiliaire universel de France (Auteur : Johan Lanz, Nicolas Viton de Saint-Allais … (édité en 1876)) précise :

XXV. Charles JANVRE, chevalier, seigneur de la Bouchetière, de la Moussière, de la Barrejau, du vieux Brusson, né en l’an 1670, servit dans le régiment de Normandie, en qualité de lieutenant, et épousa, par contrat du 23 mai 1699, demoiselle Julie Piniot, fille de messire Jacob Piniot, chevalier, seigneur de Puichenin, du Vivier, de la Motte-Rateaud, du Breuil-Saint-Héraye, et de dame Claude Aimer d’Anglier.

– Le roi Louis XIV, lui écrivit le 13 avril 1701 que « ayant réglé…. que les  rôles de la capitation, en ce qui regardait les gentilshommes, seraient arrêtés par les intendants, conjointement et de concert avec un gentilhomme de chaque  élection qu’il choisirait, et qu’étant informé de son zèle  pour son service, de l’ancienneté de sa maison, et de la connaissance particulière qu’il avait de la noblesse de l’élection de Niort, il l’avait choisi pour travailler avec l’intendant de la généralité de Poitiers, à la confection du rôle de la capitation. » — Il fut maintenu dans son ancienne noblesse par jugement de M. Maupeou d’Ableiges, intendant de la même généralité, du 8 avril précédent, et par autre jugement de M. Quentin de Richebourg, aussi intendant en Poitou, du 9 mars 1715. Il laissa :
1. Jacob Janvre, qui suit ;
2. Louis-Claude Janvre, qui est auteur de la troisième branche, rapportée plus bas ;
3. Susanne Janvre, morte religieuse carmélite ;
4. Marie-Gabrielle Janvre, morte fille ;
5. Elisabeth Janvre, qui épousa Louis de Roches, chevalier, seigneur de Chassais.

XXVI. Jacob JANVRE, chevalier, seigneur de la Bouchetière, du vieux Brusson, né le 12 avril 1700, fut reçu page de la grande écurie du roi, le 1e avril 1715, depuis mousquetaire noir. Et épousa, par contrat du 14 octobre 1728, demoiselle Marie-Anne-Elisabeth du Chilleau, fille de M. François du Chilleau, dit le marquis de du Chilleau, chevalier, seigneur des Planches, de la Charrière, de la Chalonnière, de la Barre, etc., et de dame Marie-Céleste Regnault.
De ce mariage sont issus :
1. Louis-Joseph-Jacob Janvre, qui suit ;
2. Charles Janvre, baptisé le 17 décembre 1736, capitaine au régiment de cavalerie de Royal-Pologne, émigré en 1791, a fait la campagne de 1792 ; il est mort en émigration ;
3. Louis-Josué Janvre, dit le chevalier de la Bouchetière, baptisé le 3 janvier 1738, a été admis d’abord dans la compagnie des gentilshommes gardes de Ia marine ; il était capitaine des vaisseaux du roi en 1772, a émigré en 1791, a fait la campagne de 1792 avec les princes ; il est rentré en France en 1802, et est mort à Niort en 1816, dans le grade de contre-amiral.

J’ai relevé quelques écarts par rapport à ces écrits, en particulier Marie Gabrielle JANVRE n’est pas morte fille ; c’est elle qui s’est mariée, à 45 ans, avec Pierre DES ROCHES, seigneur de Chassay et non une Elisabeth JANVRE.

Le fonds privé des Archives Départementales des Deux-Sèvres (AD 79 Fonds prive 126 J) nous permet d’en savoir un peu plus sur le devenir du couple; j’ai trouvé en effet :

  • En janvier 1715 un commandement de janvier 1715 avec assignation « pour procéder à l’inventaire entre dame Julie PUNIOT et Messire Charles JANVRE seigneur de la Moussiere autorizée suite au refus de son mari demeurant au vieux Brusson »  (AD 79 Fonds prive 126 J 21)
  • Le 11 janvier 1715, a été réalisé au château du Vieux Brusson « l’inventaire et estimation des meubles et effets de la communauté d’entre Messire Charles JANVRE chevalier seigneur de la Moussière et dame Julie PYNIOT son épouse séparée quant aux biens et autorisée par la justice à la poursuite de ses droits » (AD 79 Fonds prive 126 J 21).
  • Marguerite Charlotte JANVRE, baptisée le 9 juillet 1703 à Fenioux, était Carmélite au couvent de Niort de 1729 à 1735, selon une Note manuscrite de la Prieuré du couvent des Carmélites de Niort (AD 79 Fonds prive 126 J 56/1). Elle est décédée avant le 25 mai 1736, car elle ne figure pas dans le partage des biens de Charles JANVRE, son père, en date du 25 mai 1736.

J’ai poursuivi mes recherches sur la généalogie du couple :
– Charles JANVRE :  issu d’une famille protestante, il descend notamment de Philippe D’AUZY et de Marie DE MOYSEN. Dans l’église de Saint-Gelais, on peut voir les magnifiques pierres tombales de ses cousins Gédéon d’AUZY et Céleste CHEVALEAU DE BOISRAGON. Dans l’église de Saint-Vincent-la-Châtre, on peut voir les pierres tombales de ses cousins Anne Marie PANDIN X Charles GARNIER (cf. mes articles sur le blog).

Blason Charles JANVRE – Armorial du Poitou 1re partie / D’Hozier

– Julie PINIOT/PINYOT :

* Son père Jacob PINIOT, Écuyer, chevalier, sieur de Puichenin, du Vivier, de la Motte-Rateaud, du Breuil-Saint-Héray, était aussi un protestant opiniâtre : selon l’Histoire des protestants et des églises réformées du Poitou, (Volumes 1 à 3), il fut emprisonné entre le 15 mars 1691 et le 16 novembre 1691 comme protestant au château de Loches. Vaincu par les mauvais traitements, il finit par aller quelquefois à la messe ; mais cette conversion avait coûté trop de peine pour inspirer beaucoup de confiance. En 1699 on lui ravit ses filles qui furent conduites dans un couvent à Bressuire et à l’union Chrétienne de Poitiers afin de leur permettre de se soustraire à la pieuse influence de leur mère Claude AYMER qui l’année suivante fut mise à l’union chrétienne de Poitiers. Julie, dame du Cloudy, fut enfermée comme protestante, au couvent de l’Union chrétienne de Fontenay en 1699.

Blason Jacob PINYOT – Armorial du Poitou 1re partie / D’Hozier

* Julie descend par sa mère Claude AYMER, de René AYMER x Julie DANGLIERS DE JOUBERT. Son oncle René AYMER a été inhumé en 1718 dans l’église de Germond (cf. article de Raymond sur le blog). Dans l’église de Église de Saint-Léger-de-la-Martinière, on peut voir les pierres tombales de ses cousins Charles LECOCQ et Jacques DE BREMOND, époux de sa cousine Suzanne Marguerite AYMER (cf. Article de Jacqueline sur le blog). Une de ses tantes Marguerite AYMER est mariée à Pierre DE RANQUES, famille DE RANQUES que l’on va retrouver sur Prin-Deyrancon (article en cours d’écriture).

Je vais avoir quelques visites d’église à faire dans les semaines à venir :
– L’église de Fenioux où ont été inhumés : Jacob PINYOT en 1706 (père de Julie) et Philippe Marie JANVRE en 1716 (fils de Charles et Julie), Charlotte DE LASTIC, (fille d’Anne PINYOT, sœur de Julie).
– Ainsi que l’église de Saint-Lin où a été inhumé Charles JANVRE en 1736 (Julie PINYOT est inhumée elle en 1757 au cimetière de Xaintray) et Daniel JANVRE en 1703 (oncle de Charles).
– L’église Saint-Saturnin de Saint-Maixent où sont inhumés Philippe JANVRE sieur de l’Estortière en 1753 et Marguerite Céleste JANVRE en 1760 (fille d’un cousin de Charles).
– Puis l’église de Béceleuf ou est inhumée Claude AYMER D’ANGLIER en 1741.
– Et revisiter l’église Notre-Dame de Niort où a été inhumée en 1739 Marie Anne DU CHILLEAU (décédée à la naissance de sa fille Marie Charlotte), femme de Jacob JANVRE, fils du couple ci-dessus, lui a été enterré dans le cimetière de Fenioux en 1777.
Peut-être de belles pierres tombales en perspective !

Ces recherches m’ont permis d’associer des familles JANVRE, PINYOT, MALLEMOUCHE, DE PARTHENAY, d’AUZY …, des histoires à des lieux, châteaux découverts lors de randonnées ou promenades tels Le logis de Puichenin à Xaintray, Le Logis de la Moussière à Sainte-Ouenne.

Ou à découvrir dans de futures randonnées : Le château de Brusson à Fenioux, le château de la Bouchetière à Saint-Lin, et le château de l’Etortière à Soudan :

Dans un prochain article, je vous présenterai les autres belles découvertes faites dans ce fonds privé, comme les suivantes :

Par ailleurs, j’ai découvert dans le fonds 126 J 22 une note manuscrite de Julie PINYOT, relative à une rente reçue de son fils Jacob JANVRE, seigneur du Vieux Brusson, note écrite en décembre 1756, quelques mois avant son décès :

C’est peut-être bien Julie PINYOT qui a écrit les déclarations de naissance présentées en début de cet article ?

Carte de Cassini :

Feuille 100 Luçon : l’ouest (Coulonges, Cerizay, Parthenay, Saint-Maixent…)

Sources :

-AD 79 : Les registres paroissiaux, le fonds privé 126 J (parties relatives aux familles JANVRE et PINYOT), le fonds iconographique

Xaintray – Château de Puichenin – XIVe siècle – AD 79 [1900-1907] 40 FI 10308

Fenioux – Château du Vieux Brusson – Entrée et pigeonnier – Entre 1900 et 1960 – AD 79 36 FI 464

Saint-Lin. Château de la Bouchetière. Parthenay Collection Cordier [1890-1950] AD 79 40 FI 10252

-Le Nobiliaire universel de France (Auteur : Johan Lanz, Nicolas Viton de Saint-Allais … (édité en 1876)

-L’Armorial du Poitou 1re partie / D’Hozier via Gallica

-Carte Cassini Feuille 100 Luçon : l’ouest (Coulonges, Cerizay, Parthenay, Saint-Maixent…) via Gallica

2 commentaires sur « D’un atelier de paléographie à la découverte d’un fonds privé ancien (1) »

  1. Merci d’avoir partagé avec nous cette enquête passionnante. Que de travail !

    Sur les documents à l’origine de ce travail, le contraste est saisissant entre la netteté du tracé des lettres et l’orthographe plus que fantaisiste à nos yeux de 2024.

    C’est très intéressant car cela nous rappelle qu’en paléographie, les difficultés ne tiennent pas toujours qu’à la graphie. Dans ce type de cas, la lecture à voix haute est d’une grande aide !

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