Z comme ZZZZ…

Un texte de Yasmine GUILBARD

10593562La comptinette des moutons

1, 2, 3 Compte, compte les moutons,
4, 5, 6 Qui sautent et qui tournent en rond,
7, 8, 9 Tu dormiras pour de bon,
10, 11, 12 Vive, vive les moutons

Cette ritournelle d’enfance, me trottait dans la tête en traversant ce bourg de Vasles et ses alentours.
Vasles, c’était bien la première fois que j’entendais parler de ce bourg. D’ailleurs, comment je devais le prononcer, avec les S ou sans ?
Il m’avait dit : « Viens à la Saisinière, c’est le jour de la vidange de l’étang. »
Diapositive1C’est quoi ça une vidange d’étang ?
Je ne connaissais, et encore sans l’avoir pratiqué que la vidange de ma 2 CV.
Sur la place de l’église, des affiches colorées annonçaient la pêche de l’étang de la Saisinière.
Ah une vidange, c’est donc une pêche ?

Et ces champs où des moutons blancs paissaient tranquillement, je ne voyais que ça…
Des moutons, des moutons…
Et puis, c’est quoi ça un MOUTON VILLAGE sur la pancarte dans le bourg ?

MOUTON VILLAGE : Un parc unique en France !
Le parc « Mouton Village » est le 1er parc en France à accueillir une vingtaine de races ovines du monde entier. Saviez-vous qu’il existait un mouton « à tête de lapin », un autre « à quatre cornes » ? Chacun a son caractère et ses habitudes. Partir à leur rencontre est une expérience aussi originale qu’instructive.

Moi, je cherchais la ferme de la Saisinière. Pas facile à trouver. En revanche, je traversais le Bois de la Saisine (à ne pas confondre avec la forêt de la Saisine, site naturel aux alentours de Clavé). Selon toute logique, la ferme ne devait pas être loin. Mais rien ne vaut le contact avec l’autochtone pour demander sa route.

La ferme des Guilbard ? Ah, oui, vous y êtes presque ma p’tite demoiselle…

Guilbard, dont l’origine du nom est très certainement germaine et provient de Wilbehrt, qui signifie volonté.
Ne dit-on pas que les gens de ce pays seraient originaires, entre autre de Rhénanie, d’où cette origine germaine transformé en langage local (et encore je ne parle pas de leur patois bien ancré.)
Donc un sobriquet attribué aux personnes au caractère volontaire.
Volontaire, vous avez dit ?
« Be oui », comme cette terre de Gâtine d’ailleurs, vallonnée et bocagère, issue du Bas-Poitou. Grâce à ce sol imperméable et à des conditions climatiques empreintes de douceur et de nuances saisonnières, de très nombreux ruisseaux et rivières (le Thouet, le Cébron, la Sèvre Nantaise, la Vonne, l’Egray ou l’Autize…), des lacs et des étangs parcourent ou ponctuent le paysage. On appelle la Gâtine le château d’eau des Deux-Sèvres. Ces paysages, relativement préservés de l’agriculture intensive, participent au maintien de la population, car en Gâtine, on vit bien, on est “benaise”.

ABBE ROCHARDpngEt, il en a fallu du courage pour ses habitants de vivre sur ces terres « incultes, gâtées ».
Géologiquement, cette terre fait partie du Massif armoricain, et culmine à 272 m, au Terrier de Saint-Martin-du-Fouilloux que je connais bien, puisque tous les ans, au moment des fêtes de Noël, mes parents m’emmenaient voir la crèche animée dans l’église du Père Rochard. * Souvenir heureux de mon enfance, et de beaucoup de poitevins.

Pour info, la crèche est installée à Bressuire maintenant , où une association se charge d’organiser des visites pour le public qui souhaite voir cette fresque animée.

Selon Filae (2019), 168 Guilbard sont nés en France depuis 1890, dans 25 départements. Le nom Guilbard occupe le 57 131e rang des noms portés en France. Une misère si je compare avec mon nom…
Les Pelletier occupent le 156e rang ! Cocorico !

Mais revenons à nos moutons.
J’arrivais enfin à la ferme au bout d’un chemin longé par un bel étang… pratiquement vide !

Moins grandiose et chargé d’histoire bien sûr que son voisin, mais tout aussi pittoresque : l’étang des Châtelliers, situé à quelques kilomètres. Cet étang est situé à proximité de l’abbaye des Chateliers, fondée par Giraud de Salles, disciple de Robert d’Arbrissel (fondateur de Fontevrault et affiliée à Clairvaux en 1163), elle fut jusqu’en 1790 la plus importante des six abbayes cisterciennes du Poitou.
À parcourir l’histoire remarquable de ce site des Châtelliers grâce à un historien passionné, Philippe Michaud.

Et oui, j’oubliais la vidange. C’est bizarre un étang sans ses eaux. On dirait un bord de mer à marée basse avec de la vase, des empierrements plats, au milieu un filet d’eau et autour une agitation humaine, avec des hommes et femmes qui s’activent pour trier les nombreux poissons qui surpris par une baisse progressive d’eau, se laissent aller par le faible courant vers des pièges à récupération.

Voilà donc la fameuse Saisinière.
Mais d’où vient ce nom particulier ? de la Saisine ? (prise de possession appartenant de droit à l’héritier – Code civil).
Selon une étude publiée dans le bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie sur les noms de lieux habités portant des finales en « ière », il est observé que ces noms se sont rarement appliqués à des seigneuries ou paroisses, mais plutôt à des petites exploitations paysannes.
Et bien cette fameuse Saisinière correspondait bien à cette description.

Je retrouvais là l’instigateur de mon déplacement, mon « chum », comme dirait mon ami Robert Jasmin de Québec.

La cour de la ferme grouillait de monde, chacun occupé à des occupations bien précises : les hommes, forces vives, récupéraient et triaient les nombreuses variétés de poissons (carpes, tanches, gardons, perches, quelques anguilles et brochets…).
Les femmes étaient plutôt préposées à la vente, et la maîtresse de maison, Raymonde, s’affairait aux fourneaux pour nourrir tout ce petit monde.
Dans un coin, le grand-père triait les petits gardons, fragilisés par cette pêche et dont la destination finale ne faisait aucun doute : ils seraient frits rapidement pour régaler les papilles de tous ces travailleurs, petits et grands.

D’ailleurs, après l’accueil très chaleureux réservé à une nouvelle venue, j’ai eu droit à un moment privilégié : la recette de circonstance de la maîtresse de maison.

Après m’avoir montré comment écailler, ébarber, et laver la carpe, j’ai eu droit à une vraie démonstration de cuisine du terroir pour préparer la farce (j’en garde encore des souvenirs gustatifs mémorables).

Recette :
Pour une carpe d’environ 1 kg- 1 kg 500
100 g d’oseille fraîche du jardin
80 g de mie de pain
2 dl de crème fraîche (la crème était maison faite avec le lait cru des vaches… hum !)
1 bouquet de persil et ciboulette
3 échalotes moyennes (les cuisses de poulet sont savoureuses)
3 gousses d’ail
2 œufs
50 g de beurre
1/2 l de vin blanc (sec de préférence) et consommer le reste avec la carpe
sel et poivre

Émietter la mie de pain et la faire tremper dans la jatte de crème.
Rajouter l’oseille, le persil, la ciboulette, les échalotes, l’ail et lier le tout avec les 2 œufs.
Un tour de sel et poivre.
À ce stade, rien de nouveau… mais j’ai eu droit à son petit secret : elle a rajouté une pincée de 4 épices, pour donner une saveur particulière à cette farce…. Je comprends pourquoi, je m’en rappelle encore.
Puis, farcir la carpe, la déposer dans un plat de cuisson en versant dessus le vin blanc et une même quantité d’eau. Rajouter une noisette de beurre à mi-cuisson et cuire à four chaud pendant 30 minutes, en prenant soin de bien arroser la carpe.

Tout en savourant ce plat autour de ces grandes tablées où chacun y allait de son histoire la plus animée, je pensais à tous ces Guilbard qui avaient précédé ceux qui habitaient cette ferme de Gâtine.

Entre les dénombrements, listes nominatives des habitants de Vasles, Ménigoute, Saint-Germier, Curzay et Les Forges, actes de naissance et de mariage de 1600 (environ) à 1936, ne trouve-t-on pas nombre de ceux-ci dont les prénoms variés évoquent les époques Florent, Jean, André, René, Jacques, François, Firmin, Auguste, Hubert, Jean-Marie et… Florent.

Et oui, l’incroyable allait apparaître sous mes yeux, lorsqu’en 2019, au gré de mes recherches généalogiques, je retrouvais la trace du premier pépé répertorié : Florent Guilbard, écuyer, Sieur de la Reverserie, de Terredouce et de Sepvret, né vers 1550.

Lorsqu’à la suite de cette mémorable virée à la ferme de la Saisinière, et quelques années après mon mariage avec Jean-Marie, le fils de la maison, nous avons eu le grand bonheur d’accueillir la naissance de notre fils, Florent, en 1985 !
Bien-sûr, sans savoir à ce moment-là, qu’il serait le descendant d’une lignée dont un des membres portait le même prénom, bien des années auparavant.

Y comme Yprésis

Un texte de Francis LARROUY

Les voies antiques au travers de la Gâtine.

La géologie peut expliquer la création de ces chemins de communication.
1.pngUn fleuve nommé YPRESIS coulait il y a 50 millions d’années du centre de la France vers un vaste delta (actuelle Vendée) où il se jetait dans l’Atlantique. Il charriait des minéraux et empruntant la faille Vasles-Parthenay-Bressuire il déposera des sédiments.*
La faille de Secondigny est aussi importante ; celle ci a laissé une dorsale orientée sud est-nord ouest qui délimite la ligne de partage des eaux, au sud le bassin de la sèvre niortaise, au nord le bassin de la Loire. Ces points hauts sur des lignes de crêtes vont permettre l’établissement de chemins et les ressources minières seront exploitées dés la Préhistoire.
Le commerce va développer la création de ces voies notamment l’étain, particulièrement recherché par les Phéniciens (Liban) et les Romains.**
L’étain, ce métal indispensable à la fabrication du bronze, plus cher que l’or, était pratiquement absent du monde méditerranéen antique, mais se trouvait en abondance sur la façade atlantique de l’Europe, de la Galice espagnole à la Cornouaille britannique en passant par l’Armorique de Gaule, notre actuelle Bretagne. Très tôt, il fut transporté en Méditerranée par mer, sur les vaisseaux des Phéniciens, mais également il fut convoyé sur les chemins de terre de l’isthme gaulois, depuis l’Armorique jusqu’en la cité grecque de Massalia et de Narbonne, environ 600 ans avant notre ère.
L’étude de Jean Hiernard prouve une rivalité entre ces deux nations et les routes empruntées variaient suivant les convois pour éviter toute attaque. La route qui relie Nantes à Périgueux et la Méditerranée à pu être utilisée mais il n’y a aucune trace formelle. Ce sont les Romains qui vont créer la voie dite de Périgueux à Nantes passant par Rom et nommée chemin des Chaussées.
La première cartographie de notre région apparaît.

La Table de Peutinger

Cette Table, porte aussi le nom de Table théodosienne, c’est une copie réalisée au XIIIe siècle par des moines de Colmar à partir d’une carte romaine datant de vers 350, et probablement la copie d’une grande carte gravée dans le marbre à Rome, où figurent les routes et les villes principales de l’Empire romain. L’original est conservé à Vienne en Autriche.
Ce parchemin composé de 11 feuillets forme une bande de 6,82 m sur 34 centimètres de large. La première feuille nous intéresse puisque elle représente l’ouest de la France.

Sur cet extrait, on distingue Lemono (Poitiers) Sur la route de Burdigalo (Bordeaux) et passant par Rarauna (Rom). Lemono est à l’intersection de quatre routes dont une se dirige vers Portunamneto (Nantes) en passant par Ségora. Si Secondignacum n’apparaît pas sur la carte, les voies romaines l’ont ignoré mais de nombreux historiens pensaient que Secondigny était l’antique Ségora. LIEVRE démontrera en 1893 que cette supposition était erronée. Cette cité est dans le Maine-et-Loire.

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L’itinéraire d’Antonin

Il donne la liste des étapes et des distances pour toutes les routes et villes qu’il cite. Ce document est à dater de la fin du IIIe siècle. Proche de la Table de Peutinger, il permet de la compléter et de la comprendre.
Il indique les bornes milliaires, pierres d’environ deux mètres de haut qui sont gravées du nom de l’Empereur, de l’année de son règne, du nom de la ville Romaine proche et de sa distance, elles se positionnent tous les mille pas.
Une étude du Lieutenant ESPERANDIEU sur ces bornes milliaires nous permet de voir une voie romaine traversant la Gâtine qui relie Rom à Nantes en passant près de Secondigny.

3.jpgDeux bornes décrites concernent cette voie. L’une située à Saint-Pierre-du-Chemin serait dans un musée de Nantes. LEDAIN la décrit comme un débris datant de Tetricus ou Tacite ce qui permet de dater cette voie ou sa réparation au IIIe siècle.***

4.png5La seconde borne est au Musée d’Agesci de Niort et vient de Rom, elle est parfaitement conservée et on y retrouve Tacite (3e ligne).

DESCRIPTION SOMMAIRE DU CHEMIN DE ROM À SAINT-PIERRE-DU-CHEMIN

De Rom la voie se dirige vers Vançais, sa largeur est d’environ 4 mètres, puis elle traverse Saint-Georges-de-Noisné en direction de Saint-Maixent et de Mazières .
De là elle continue vers Verruyes, tangente Saint-Pardoux direction Allonne et la forêt de Secondigny.
Elle rejoint le Beugnon puis Vernoux, L’Absie, Saint-Paul-en-Gâtine et quitte les Deux-Sèvres à Saint-Pierre-du-Chemin  le bien nommé.****

Ce « chemin des chaussées » est jalonné de lieux qui évoquent des camps romains, « La garde et la motte » sur Allonne, sur Secondigny, « les Chatelliers, la Caillerie » (caillis chemin en romain), « le Prieuré des bois » pourrait se situer sur une fortification romaine.

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Voie romaine restant à la limite de Secondigny et d’Allonne (non goudronnée) prés de la Frèmaudière Écureuil.

* JP Camuzard Société Historique de Parthenay et du Pays de Gâtine 2016/n°12
** Jean Hiernard : Corbilo et la route de l’étain Société des Antiquaires de l’Ouest 3e trimestre 1982 4e série tome XVI
*** BNF Gallica : Épigraphie Romaine du Poitou Belisaire Ledain
**** BNF Gallica : Les voies romaines dans le Département des Deux-Sèvres, Charles Arnault (mémoire de la Société de statistique du Département des Deux-Sèvres)
***** BNF Gallica : BISSEUL DE BLAIN, De quelques voies romaines du Poitou.

X comme Xe siècle à Chauray

Un texte de Michel GRIMAULT

X, c’est le chiffre 10 en notation romaine. X comme Xe siècle, de l’an 901 à l’an mil. C’est la période la plus sombre de notre Moyen Âge. L’empire, un moment ressuscité par Charlemagne, s’effondre définitivement, pour laisser la place à un ordre nouveau, l’ordre féodal. Nous n’avons que bien peu de documents écrits pour décrire ce que furent nos localités à cette époque, et encore celle de Chauray fait-elle figure d’exception, étant citée deux fois. Il faut donc faire appel à d’autres sources, notamment l’archéologie.

C’est en 904, au tout début du Xe siècle, que le nom de Chauray apparaît pour la première fois dans un document écrit parvenu jusqu’à nous. Il s’agit d’un contrat, inclus dans les chartes de l’abbaye de Saint-Maixent, par lequel un certain Baraud a vendu à un nommé Hugues, pour le prix de vingt sous, son alleu consistant en mas de terre avec vigne et verger, sis au village de Semelié, dans la viguerie de Chauray.

C’était un temps de misère et de profondes mutations. La prospérité du règne de Charlemagne était bien loin désormais. À la mort de l’empereur, en 814, tout s’était bien passé, car il ne lui restait plus qu’un seul fils, Louis, qu’on appela le Pieux ou le Débonnaire. Louis succéda sans problème à son père, mais il était bien conscient que le partage de l’empire entre ses trois fils pouvait poser problème, aussi l’organisa-t-il de son vivant. Cependant, un quatrième fils lui naquit d’un second mariage, et il fallut lui faire de la place au dépend des autres. Louis n’était pas encore mort que la guerre pour sa succession éclatait entre ses fils.

Depuis longtemps, les pirates nordiques harcelaient nos côtes, mais l’empire franc avait toujours réussi à les contenir. La guerre civile qui sévissait alors désorganisa la défense, laissée à la seule initiative des autorité locales. Les pirates, que les populations nommaient Normands, s’enhardirent et pénétrèrent loin dans les terres, ravageant et massacrant impunément, pendant que les armées franques des différents partis se faisaient la guerre. En 848, les Normands pillèrent Melle et son atelier monétaire. Ils étaient si bien installés dans l’ouest de la Francie que Pépin II d’aquitaine n’hésita pas à les engager comme mercenaires contre son frère Charles, dans son combat pour la succession.

La population fuyait les Normands, à la suite des moines qui emportaient leurs reliques. Ceux qui restaient s’en remirent aux grands propriétaires pour assurer leur défense. L’état était en pleine déliquescence, même après que la guerre civile eut pris fin en Aquitaine par la défaite de Pépin II. L’empire partagé par le traité de Verdun, en 843, Charles le Chauve devint roi de la Francie occidentale, mais son pouvoir était considérablement affaibli. Les comtes, qui étaient précédemment nommés par le roi, transmirent leur charge à leur fils. Leur autorité ne reposait plus sur une délégation par le pouvoir central, mais sur leur capacité à rassembler les armées des seigneurs locaux, généralement en leur distribuant les terres de l’état et des abbayes. Le système féodal commençait ainsi à se mettre en place.

Le bourg de Chauray n’est pas directement concerné dans l’acte de vente de 905, mais désigné comme le siège d’une viguerie (vicaria, en latin), la plus petite division territoriale du comté. Le viguier Ucbert a signé l’acte, ainsi que Savary, vicomte de Thouars, qui commandait un vaste territoire comprenant la quasi-totalité des Deux-Sèvres. Au centre du bourg, au lieu-dit la Seigneurie, nous distinguons, sur une ancienne photographie réalisée par l’IGN, la trace d’un fossé ovalaire entourant un bâtiment rectangulaire. Probablement s’agit-il du siège de la viguerie, là où demeurait Ucbert.

Seigneurie CL’étendue de la viguerie n’est indiquée par aucun document, mais il est cependant possible de s’en faire une idée. L’acte de 905 et un autre, non daté mais postérieur, précisent que les villages d’Aigonnay, de Chavagné et de Semelié sont situés dans la viguerie de Chauray. Nous savons, par ailleurs, que l’étendue des archiprêtrés était calquée sur celle des vigueries, jusqu’à ce que le clergé y renonce en raison des trop fréquents changements des circonscriptions laïques. À l’époque moderne, l’archiprêtré d’Exoudun avait une forme bizarre, étranglée en son milieu, à l’emplacement de la forêt de l’Hermitain. Les forêts étant souvent des limites territoriales, tout comme les cours d’eau, il est possible que cette étrange configuration résulte de la réunion de deux entités auparavant distinctes, celle de l’Ouest, d’Échiré à Goux (La Couarde), correspondant à la viguerie de Chauray. Cette dernière n’eut d’ailleurs qu’une existence éphémère, car elle n’apparaît plus dès la fin du Xe siècle.

figure 14 C.jpegPar un édit du 24 juin 864 (édit de Pitres), Charles le Chauve demanda aux comtes d’édifier des défenses sur les rivières pour contenir les invasions des normands. C’est ainsi que fut construit le premier château de Niort. Il existait autrefois, à Chauray, un lieu-dit Château-Gaillard, sur le coteau dominant le moulin de Gondain. Cette fortification, dont il ne reste rien, était sans doute une simple tour en bois, comme on en édifiait au Xe siècle. On ne voit guère l’intérêt féodal d’un château construit en un tel endroit, si ce n’est pour surveiller la Sèvre. Le péril normand était en effet toujours présent à cette époque. Un acte parle encore d’infestation de Normands (infectatio Normanorum) aux abords du château de Niort en 946.

Le Xe siècle prend fin avec l’an mil, considéré par beaucoup d’historiens comme l’aboutissement de la mutation instaurant le système féodal. À Chauray, chaque village avait alors son château, simple tour de bois juchée sur une modeste motte entourée d’un fossé, affirmant l’autorité d’un hobereau local. Au Bourg, il est vraisemblable que le lieu de pouvoir soit resté au lieu-dit La Seigneurie, cité plus haut. À Chaban, la trace d’une motte est visible dans le tracé semi-circulaire de la rue du Vieux Temple et il existe, à cet endroit, une salle souterraine d’où partent des souterrains en partie effondrés. À Trévins, la motte est encore en partie visible rue du Doignon, les fossés en ayant été comblés au siècle dernier. À la Roche, on ne trouve pas de traces matérielles d’un château, mais le nom de Roche désigne la salle souterraine sur laquelle ces mottes étaient construite, et il y existait autrefois un lieu-dit La Tour, non précisément localisé.

Nous ne savons rien des premiers possesseurs de ces châteaux, sauf pour celui de Trévins qui se nomme Château-Ravard. Nous retrouvons ces Ravard à Saint-Gelais, dont le château portait le nom de Ravardière. La seigneurie de Trévins, divisée en deux, fit l’objet de donations successives à l’abbaye bénédictine de Saint-Maixent et perdit de ce fait toute importance. Sur le site du Château-Ravard, on a retrouvé des fragments de céramique du Xe siècle, attestant que celui-ci a bien été construit à l’aube de l’âge féodal.

ParoisseChauray n’est pas sorti du néant en 905, ce village existait bien évidemment avant la date de cette première citation. Son choix comme siège d’une viguerie, indique qu’il avait une certaine importance à cette époque et comportait évidemment une église. Il ne reste rien de cette première construction, le bâtiment actuel remontant au XIIe siècle pour ses parties les plus anciennes : le portail et le chœur. La paroisse est la plus petite circonscription religieuse, mais à l’origine il s’agissait seulement des paroissiens fréquentant l’église la plus proche, sans connotation territoriale. Le choix de saint Pierre pour saint patron de celle de Chauray indique une création carolingienne, et sans doute regroupait-elle un grand nombre de villages à l’origine. Si l’on trace un cercle avec l’église Saint-Pierre au centre et le village de Chaban en périphérie, nous encerclons également les villages de François et de Saint-Gelais. Chaban est toujours rattaché à Chauray, mais les deux autres sont devenues des paroisses distinctes dont les églises ont été consacrées à Notre-Dame, culte qui ne s’est développé qu’à la fin du XIème siècle.

Ce premier indice en faveur d’un rattachement de ces deux villages à la paroisse de Chauray est confirmé par une particularité qui a subsisté jusqu’à la Révolution : la dîme (impôt dû à l’église) de la seigneurie de Chauray était prélevée par le prieur de Saint-Gelais, à charge pour celui-ci de pourvoir à l’entretien de l’église Saint-Pierre. Il en était de même pour la dîme de François. C’est Hugues VII de Lusignan qui avait fondé ce prieuré en 1109, et c’est certainement lui qui avait disposé de la dîme des domaines lui appartenant, au profit du prieur qu’il avait installé. Le curé de Chauray ne percevait plus que la dîme de La Roche, village tout proche du bourg et de l’église Saint-Pierre, mais qui constituait une seigneurie distincte, directement rattachée au comte de Poitiers. Ainsi, au Xe siècle, la paroisse de Chauray englobait-elle Saint-Gelais, François et peut-être plus encore.

X comme inconnu, nous espérons avoir un peu levé le voile sur le Xe siècle à Chauray.

W comme Wesh Wōstinna ? Well, it is la Gâtine !

Un texte de Caroline Cesbron dite La Drôlesse

Cette année, dans le cadre du challengeAZ collaboratif de Généa79, pour évoquer un lieu, un endroit des Deux-Sèvres, j’ai hérité de la lettre W… Well, well, well ! No worry. Qu’à cela ne tienne…

Wesh Wōstinna ? Well, it is la Gâtine !

1
© Gallica BnF – carte du Poitou et de ses élections

Wōstinna, c’est comme ça que les Francs Saliens appelaient certainement mon pays maternel, celui que j’ai vissé au cœur : la Gâtine poitevine. Wōstinna, c’est l’origine étymologique du mot Gâtine, ce pays qui couvre le tiers du département des Deux-Sèvres, en Haut-Poitou sous l’Ancien Régime, désormais inclus dans la région Nouvelle Aquitaine. Cela rejoint la signification que nous donnons à ce territoire, celle de terres gâtées, peu faciles voire impropres à la culture, Wōstinna voulant dire désert en vieux francique utilisé par les Francs Saliens.

Alors, pour leur rendre hommage, mais aussi aux Maures qui sont allés jusqu’à Poitiers, en 732 et sont donc passés très certainement par la Gâtine poitevine et aux Anglois qui s’y sont arrêtés de nombreuses décennies – nous avons aussi hérité de quelques mots arabes et anglais dans notre patois – je dis Wesh Wōstinna ? Well…It is la Gâtine !

Wōstinna ? Combien d’hectares ?

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© carte villages de France

– Quelle est l’étendue de la Gâtine ? demande en 1806 le futur baron Claude Dupin, nouveau préfet des Deux-Sèvres au sous-préfet de l’arrondissement de Parthenay.
– Heu, pffff… je n’en sais fichtre rien, Monsieur le Préfet ! lui répond Monsieur Charbonneaux ou quelque chose de plus policé mais dans le même genre.

Le préfet, qui avait commis quelques années plus tôt, en 1801 et 1802, ses Statistiques du département des Deux-Sèvres, avait quand même sa petite idée :
Dans le département, il y a la Plaine, le Marais et la Gâtine.
Et pour lui, la Gâtine est un petit pays dont la capitale est Parthenay.
Au moins les fondamentaux sont respectés.

Mais le sous-préfet Charbonneaux décide de faire l’enquête demandée en fouillant dans tous les textes à disposition – y compris les plus anciens comme La coutume du Poitou, ou les plus récents comme Les cahiers de doléances des communes en 1789 – dont les conclusions sont livrées, par la plume de Pierre Arches, dans le bulletin n°2 de la Société historique de Parthenay et du Pays de Gâtine (2006).

Les voici.
« La Gâtine correspond aux communes situées dans le Bocage et séparées de la Plaine parce qu’il s’agit d’une réponse « sur laquelle on s’accorde assez chez tous les habitants ». […] Pour chaque paroisse la qualité de la terre est bien précisée. Elle permet de localiser le passage d’un milieu naturel à l’autre. Ainsi Rouvre est « encore en Plaine mais Saint-Lin est de la parfaite Gâtine ». En revanche Saint-Denis « termine le pays appelé Plaine et commence celui qu’on nomme Gastine ou Couvert ». […]. »

Plusieurs historiens et géographes ont tenté d’identifier depuis des décennies le territoire que recouvrait exactement la Gâtine.

La palme de la tolérance géographique revient au Docteur Louis Merle, dans les années cinquante, qui lui donne une surface incroyablement étendue, et des frontières allant au-delà de Bressuire avec une grande incursion vendéenne. Les contours retenus par Bélisaire Ledain en 1858 et Robert Bobin en 1926 semblent plus modestes et plus similaires entre eux, même s’ils peuvent étonner les Gâtineaux.

Pierre Arches raconte aussi dans son article les méthodes retenues par les uns et les autres pour définir la Gâtine, ce qu’est un Pays. Au-delà des considérations géographiques, géologiques ou administratives, il s’agit aussi et surtout de prendre en compte l’être humain pour mieux comprendre.

Robert Bobin retient ainsi cinq critères : la frontière administrative, le modelé du relief, le paysage, le folklore, l’élevage. Et celui qui lui apparaît le plus certain est que la Gâtine prend fin « là où on cesse d’être fidèle à la vache gâtinelle par excellence, la vache parthenaise. »

Louis Merle, plus proche de nous, qui a étudié la Gâtine sur plus de trois siècles, estime que le bocage s’est étendu sous l’influence humaine : création des métairies, apparition des haies… avec les méthodes culturales et les usages locaux. Ces conclusions expliquent l’incroyable surface qu’il donne à la Gâtine. Pour lui, celle-ci cesserait « là où l’entrée en jouissance des métayers n’est plus le 29 septembre, jour de la Saint Michel, liée au type de culture (seigle). »

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© Bulletin historique n°2 – article « De la Gâtine de Parthenay au pays de Gâtine (XIXe-XXe siècles) »

Encore aujourd’hui, on discute des contours du pays de Gâtine, c’est dire que ce pays est spécial ! Car, toujours dans le bulletin n° 2 de la Société historique de Parthenay et du pays de Gâtine, Gilbert Favreau rappelle qu’en 1976, date de la création du Pays de Gâtine, il faisait 1383 km2 pour 57533 habitants et que 30 ans plus tard, en 2006, il compte 1950 km2 et 75662 habitants.

Et même depuis cette création du Pays de Gâtine, on trouve encore des délimitations différentes comme sur le site de Osez la Gâtine (j’avoue que je suis fan du titre !) où Clessé est situé hors Gâtine contrairement à la carte du guide touristique Pays de Gâtine d’Aurélie Chupin où la commune est à l’intérieur des frontières gâtinelles.

En 1980, Michel Bernier qui rédige le chapitre sur la Gâtine dans l’ouvrage collectif Deux-Sèvres aujourd’hui – Étude géographique a peut-être le mot de la fin en rejoignant les conclusions du Préfet Dupin : « La Gâtine constitue une région homogène dans ses aspects naturels, humains et économiques avec une capitale incontestée, Parthenay. »
Voilà.

Wostinna, la terre du milieu de la terre du milieu

« La Terre du Milieu n’est pas […] de ma propre invention. C’est une modernisation, ou une altération […] d’un terme ancien désignant le monde habité par les Hommes, […] milieu parce qu’elle est vaguement figurée comme placée entre les Mers encerclantes et (dans l’imagination du Nord) entre la glace au nord et le feu au sud. […]
De nombreux critiques semblent croire que la Terre du Milieu est une autre planète ! »
John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973)

6À la Révolution, l’Assemblée nationale constituante décide de la nouvelle organisation administrative de la France. Les Deux-Sèvres naissent… par défaut. Initialement, seuls la Vendée et la Vienne reprenaient les contours de l’ancien Poitou. Devant les protestations, notamment celle de la ville de Niort, un 3e département est créé le 4 mars 1790 et nommé dans un premier temps… le département intermédiaire du Poitou ! Si, Si !

7Les villes de Saint-Maixent, Niort et Parthenay se sont disputé ensuite le titre de chef-lieu. Là encore, dans un premier temps, il fut décidé qu’elles le seraient à tour de rôle. Puis, Parthenay, centre géographique du département, notre capitale de la Gâtine, fut élue selon le vote du 7 juin 1790, chef lieu pérenne avec 18 voix contre 8 pour Niort et 5 pour Saint-Maixent. Mais las ! L’Assemblée constituante ignora ce vote et fixa d’elle-même par décret du 16 septembre 1790, Niort comme chef lieu du département.

Conclusion de tout ce méli-mélo politico-administratif :
Le département des Deux-Sèvres, entre Vendée et Vienne, géographiquement n’avait aucune unité. Il était formé de pays différents, se rattachant en réalité à des régions opposées.

Pour Jacques Péret, au XVIIIe siècle, « La Gâtine est pourtant, déjà, un espace cohérent, homogène, doté de sa ville-capitale Parthenay, composé d’environ 80 paroisses, s’opposant fortement aux pays voisins – les plaines du nord et du sud, surtout – réunies par les paysages – l’herbe, la haie, le relief hâché par les vallées – l’économie – un pays d’abord d’élevage, du seigle où la pluriactivité est la règle – le cadre de la métairie et du métayage, mais aussi une société rurale relativement homogène tout comme sa culture qui reste très traditionnelle. »

Centre géographique du département, la Gâtine n’en est cependant pas le centre administratif.

Entre les plaines de Thouars, celles de Saint-Maixent, les bocages bressuirais et vendéen, elle s’affirme comme un pays – originellement pauvre au vu de son nom – labyrinthique, fait d’eaux, de collines, de coteaux, de forêts, de terres ornées de haies naturelles, parsemées de chirons et fermées par des barrières en bois. Ses particularités géologiques, en prolongement du massif armoricain, ont certainement aussi créé des spécificités sociologiques : un certain repli sur soi, peu de contacts avec les voisins, mais le sens de la débrouille et le développement d’une société à part, autarcique.

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© Philippe Boussion – @Jett1oeil

Dans le bulletin 16 de l’année 1967 de La Société Historique et Archéologique – Les amis de antiquités de Parthenay, en hommage à Georges Picard, on peut lire des extraits de Histoire du département des Deux-Sèvres – imprimé en 1927 et très certainement inspiré par les écrits, peu amènes envers nos ancêtres gâtineaux, plus de cent ans plus tôt, de notre premier préfet, le baron Claude Dupin.

Les hommes des Gâtines y sont décrits comme froids et entêtés, fanatiques et silencieux par opposition aux habitants des Plaines, plus expansifs, aux idées plus libérales, attachés profondément à la terre et lui ayant voué leur vie.

Les Gâtineaux entêtés, fanatiques, silencieux ? Non, ils sont persévérants ou opiniâtres pour avoir vaincu les difficultés de la terre, observateurs et psychologues pour savoir exactement à qui ils ont affaire, passionnés et créatifs pour avoir pu, par exemple, organisé les spectacles de la Geste paysanne, réfléchis et méfiants pour avoir mis du temps avant d’accepter le touriste, dans les meilleures conditions ! Et leurs terres… ils y ont autant – voire plus, vu la qualité des terres – voué leur vie que ceux des Plaines, apparemment, cela se voyait moins. Mais les deux traits principaux à mon avis sont surtout, surtout, un sens poétique de l’humour et de la dérision très aiguisé et le goût de la controverse, de la dispute (la discussion, l’échange… plus ou moins calme !)

L’âme gâtinelle, quoi.

Georges Picard, le 31 mars 1930, dans une conférence donnée à Parthenay et intitulée L’âme de la Gâtine, dit de cette dernière qu’elle « est faite à la fois de beauté, de mélancolie et même de tristesse, d’harmonie surtout enfin et dont il ne peut détacher la sienne.»
Comme moi.

Épilogue

Le mot de la fin pour le baron Dupin, car seuls les imbéciles ne changent pas d’avis !

Alors qu’il avait été très désagréable – c’est un euphémisme – sur la Gâtine et ses habitants dans ses deux mémoires consacrés au département des Deux-Sèvres, il fut – rendons lui grâce tout de même – celui qui a cru possible le développement de cette terre poitevine, son premier artisan, et quelques années plus tard, il en parlait en ces termes, poétiques et nostalgiques.
Pris, lui aussi, par l’âme gâtinelle.

« Quand tous ces arbres déploient leur feuillage, quand tous ces arbustes sont en fleurs, l’œil est ravi, l’air est embaumé. Tout chemin est un chemin de verdure. Le sol est doucement tourmenté par des coteaux que l’on gravit sans peine, par des vallons qu’arrose une eau limpide. Ici, c’est un champ de genets dorés ; plus loin un champ de sarrasin étalant son tapis de neige ; à chaque pas, un parfum nouveau ; de vastes landes sont stériles mais la bruyère violette les anime ; il n’y a pas jusqu’à l’ajonc qui, cachant son épine sous une fleur jaune sèche contre l’immortelle, n’ajoute encore un charme au tableau. On est seul, on n’aperçoit pas la figure humaine ; mais on entend les chants mélancoliques des bergères et des laboureurs qui araudent leurs brebis et leurs bœufs. »

Claude Dupin, 1821
Conférence donnée à Paris « Sur Parthenay et la Gâtine du Poitou »

V comme Vernoux-en-Gâtine

Un texte de Claudy Guérin

Elle est née dans mon village, il y a 150 ans et porte le même patronyme que mon grand-père maternel… ce qui a suscité bien des interrogations.

En 2013, lorsque j’ai découvert son acte de naissance à Champdeniers, j’ai jugé que nous ne pouvions être parents. Caniot, c’est son nom de jeune fille, comme mes ascendants tous nés à Vernoux-en-Gâtine, à la Fazillière exactement. Les Caniot de ma famille sont de cette terre, de ce nid de Gâtine. Des rouges diront certains… Des vanniers, pennassous, musiciens… Cette naissance à Champdeniers ne m’a pas inspirée et c’est ainsi que cet acte s’est endormi…

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Le village de la Fazillière

Mai 2019, je suis à la recherche de photographies et je remarque un dossier d’actes de naissance de… Champdeniers dont deux au nom de Caniot. Aucun souvenir.

3 juillet 1868, acte n°13 : naissance à deux heures du matin de Marie Ernestine Caniot, le 2 juillet, fille de François Caniot, quarante ans, aubergiste sur la grande place de Champdeniers et de Claveau, Marie-Raillière trente-trois ans, son épouse. Dans la marge, une note : Décédée à Nice (Alpes-Maritimes) le huit septembre 1959. La signature bleue du secrétaire d’alors se détache du décor avec élégance.
Comment ai-je pu oublier ces actes et ne pas entreprendre des recherches ? Sommes-nous parents ?

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Champdeniers, la grande place

En consultant le recensement de 1872 de Champdeniers, je découvre que le père de Marie Ernestine est bien né à Vernoux. Sur le registre en ligne et celui de la mairie, point d’actes pour cette fin 1827 qui s’arrête… en septembre. Sur le recensement, deux autres enfants nés à Niort.
C’est là que je les trouve, François et Marie, mariés en 1853. Un acte de notoriété précise à l’époque que François est né le 21 novembre 1827 à Vernoux-en-Gâtine, de Louis Caniot et Marie Grolleau, décédée en 1837… François avait alors 10 ans. Veuf très tôt, son père se remariera deux autres fois.
Ainsi, nous avons un lien de parenté ! Le grand-père paternel de Marie Ernestine, Louis Caniot, est le frère de mon sosa 96 ! Nous sommes cousins !
Les actes de naissance n’étant pas notés dans les registres cette fin d’année 1827, je ne risquais pas de trouver François… qui aujourd’hui s’invite chez moi.

Marie, la mère de Marie Ernestine, est vendéenne, née à Longèves au début du printemps 1835 de père et de mère inconnus, mise en hospice comme enfant trouvé. De ce côté-là, ce ne sera pas simple…
Longèves, Vernoux… 40 km, ce n’est pas le bout du monde… comment ces deux-là se sont-ils connus ? Une balade ? Un mariage peut-être ?
Sur le recensement je note que la petite Marie Ernestine, née à Champdeniers, a un grand frère, Paul et une sœur Marie-Louise, tous les deux nés à Niort. Ainsi la famille a vécu quelques années à la ville, rue Saint-Gelais puis rue du Four et rue Tripière… François y fut tour à tour domestique, journalier.

Je m’empresse alors de chercher les actes de ses frère et sœur et découvre qu’il y a eu d’autres enfants hélas décédés en bas âge, Marie Anne Henriette à 3 ans, Lucien Georges à 9 mois et Gustave Michel à 4 mois. Marie Ernestine est la sixième… née tout près d’ici, comme Eugène Louis en 1873.

Bien des drames ont accompagné le couple dans cette grande ville avant d’arriver à Champdeniers où le père a exercé le métier d’aubergiste.

Cette famille prend de plus en plus de place dans mes recherches… Il me faut savoir ce qu’il est advenu de chacun d’eux.

Paul Stanislas François, né le 8 mai 1856, a travaillé dans les chemins de fer. Je me suis rapprochée des archives des Chemins de fer, à Béziers, qui n’ont pu répondre favorablement à ma demande et m’ont invitée à contacter le Cercle généalogique des cheminots à Paris. J’aurais aimé consulter quelques documents sur le parcours professionnel de ce grand frère qui s’est marié à Clermont-Ferrand, le 9 décembre 1882 à Anne Retrus. Les parents n’assistent pas au mariage mais Marie Ernestine est-elle de la noce ? Sans doute pas… les voyages coûtent cher et les affaires de François ne sont pas au beau fixe. Pour preuve cette démarche au tribunal de Niort en décembre 1879 où le couple sera séparé de biens, l’affaire étant en liquidation judiciaire.
Je découvre alors que Paul meurt à 31 ans le 22 octobre 1887 à Niort, rue des Trois-Coigneaux. Sans enfant. À nouveau un deuil pour cette famille. Marie Ernestine perd le grand frère… elle a 19 ans.

La grande sœur, Marie-Louise, née aussi à Niort en 1861, est couturière. J’ai longtemps cherché où était cette sœur dont j’ai craint aussi le décès… mais un bon ami à moi, Raymond, m’a bien aidée avec Filae, et m’a très vite éclairée… Elle s’est mariée à Paris dans le 8e arrondissement où elle a exercé le métier de femme de chambre. Aucun membre de la famille n’est présent à la noce ce 11 avril 1889… Son mari est cocher et les témoins sont tous du monde de la domesticité. Ils auront un fils… Marie Louise meurt en 1903 à 42 ans, si loin des siens…

Eugène Louis, le plus jeune frère de Marie Ernestine, né comme elle à Champdeniers, sera typographe et se mariera à Saumur le 27 janvier 1914 où il décédera à 56 ans le 24 janvier 1930… sans enfant.
J’avoue que pour l’heure, je trouve bien des chagrins autour d’Ernestine…et bien des éloignements…
On se marie loin…et l’on meurt loin des siens.

Alors lorsque je lis, sur l’acte de mariage de Marie Ernestine à Azay-le-Brûlé qu’elle est institutrice à Beaulieu-sous-Bressuire, je sens comme un souffle de vie. Je me suis rendue aux Archives départementales et j’ai pu consulter son dossier professionnel ! Elle a été élève à l’École normale de Niort d’octobre 1883 – elle a 15 ans – à octobre 1886 puis, au 1er novembre 1886, elle est nommée à Breloux (La Crèche). C’est sans doute là qu’elle rencontre Jean Hippolyte Lezay de Mons, petit village d’Azay-le-Brûlé.

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L’école normale de filles à Niort

Le 1er janvier 1892, elle arrive à Beaulieu-sous-Bressuire. 20 avril 1892, elle épouse Jean Hippolyte à Azay et un an plus tard, le 1er février 1893, elle est nommée à Fors. C’est là que naît son fils, Paul Henry, le 15 juillet 1893… fils unique qui portera le prénom de son oncle Paul, le grand frère décédé si jeune…

Puis le 11 novembre 1894, Ernestine est nommée à Lezay ! Ça ne s’invente pas !
Le 1er octobre 1896, elle est à Celles-sur-Belle et ce jusqu’au 30 juin 1925, retraite oblige. Elle y sera institutrice puis directrice d’école ! Quel parcours !

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L’école de Celles-sur-Belle

Les notes de ce dossier sont importantes : j’apprends que sa mère est décédée à Niort, en 1902, d’une pneumonie et que Marie Ernestine a demandé un congé pour l’assister.
Son père quant à lui est décédé un an plus tard, aussi à Celles… Y était-il en visite pour voir le petit Paul Henry ?

Voici donc Marie Ernestine installée, institutrice. L’idée d’une photo d’école surgit soudain… 1896 – 1925, nul doute qu’il devait y avoir des photos d’école à cette époque. Je joins la mairie et fais part de mes recherches. La secrétaire me dirige vers quelques aimables personnes susceptibles de m’aider. Dans un ouvrage rédigé par Pierre Billard, Un siècle de vie à Celles, M. Georges Moyneault y écrit un texte sur l’école… où je peux lire quelques mots sur Mme Lezay ! Rien de plus émouvant que la découverte de ces notes où Marie Ernestine est là, bien vivante ! Point de photo… mais je ne lâche pas l’affaire !

Mes recherches se dirigent désormais vers Paul Henry, fils unique d’Ernestine et Jean Hippolyte. La bibliothèque de Geneanet regorge d’informations ! J’ignorais cette rubrique mais force est de constater que l’on y fait des trouvailles ! Ainsi, Paul Henry était « un bon élève, intelligent et laborieux » au lycée de Niort. Le Conseil général des Deux-Sèvres lui a plusieurs fois attribué des bourses… en 1906 entre autres où il a perçu la somme de 350 francs. Sa fiche militaire n’est pas moins intéressante… Son parcours pendant la Première Guerre est touchant… blessé en mai 1915 par une balle au bras gauche devant Loos (Pas-de-Calais), il sera temporairement réformé et terminera cette guerre par une mise à disposition au ministère de la Marine en vue d’une nomination au grade de commissaire auxiliaire de 3e classe de la marine.

Ces notes de fiche militaire apportent de l’eau à mon moulin. Dans la marge de son acte de naissance, à Fors en 1893, une note quant à son mariage, en juillet 1918 à Paris. Au cours de sa période militaire, Paul Henry se rendra régulièrement à Paris où il vivra dans le Ve arrondissement ; C’est là qu’il se marie à Aline, originaire de Bordeaux.
Il me reste à trouver les enfants ! C’est là que cette histoire prend un nouveau tournant.
Alors que je passe au peigne fin les actes de naissance du Ve arrondissement, de 1923 à 1932, je m’égare vers les actes de décès et tombe sur l’acte 317… transcription de Cholon (Cochinchine) Paul Henry est décédé le 30 octobre 1923, à l’hôpital de Cholon. Il a 30 ans.

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L’hôpital de Cholon

Jean Hippolyte Lezay, le mari de Marie Ernestine décède le 2 octobre 1925 à Mons, sur la commune d’Azay-le-Brûlé où il est né le 24 octobre 1860. Les documents concernant sa succession m’apprennent que Paul Henry et Aline ont eu une petite fille, Paule, née à Rio de Janeiro le 19 mars 1919 et qu’Aline s’est remariée.
Je découvrirai un peu plus tard que le jeune couple a eu un autre enfant, Claude, né à Celles en 1922 et décédé comme son père en 1923 au Vietnam.

Juste à la retraite, au décès de son mari, Marie Ernestine vit à Mons.

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La retraite de Marie-Ernestine Caniot (trouvée sur Gallica)

Je la retrouve au Château-d’Olonne en 1926 où le couple a fait l’acquisition d’une maison, rue Marceau Elle meurt à Nice le 8 septembre 1959. Elle a 91 ans.

Nous sommes loin de Vernoux-en-Gâtine, pays de François Caniot, père de Marie Ernestine. Je n’ai pas vraiment répondu à la demande du Challenge sur les lieux des Deux-Sèvres…
Dire alors que je ne pouvais renoncer à ces recherches qui au fur et à mesure étaient de plus en plus passionnantes. Marie Ernestine, dont j’ai découvert l’acte de naissance par hasard, m’a permis de chercher des actes loin de mon univers habituel. Elle m’a permis de prendre contact avec des associations, d’oser appeler des personnes que je ne connaissais pas. J’ai aimé cette fratrie qui, nous ne saurons pourquoi, s’est échappée de nos Deux-Sèvres pour se perdre loin de chez nous.
Dire aussi que j’ai eu récemment au téléphone, l’arrière petit-fils de Marie Ernestine, petit-fils de Paul Henry et que ce fut un moment émouvant.

J’ai le sentiment, en dehors du plaisir de la recherche, d’avoir relié Marie Ernestine à ses frères et sœurs. De les avoir retrouvés, raccordés, unis.
De les avoir ramenés un peu « Vers nous en Gâtine ».

https://www.aupresdenosracines.com/2016/04/enquete-sur-la-piste-dun-ancetre-cheminot.html
archives.beziers@sncf.fr
Cercle généalogique des cheminots : 9 rue de Château-Landon – 75010 Paris Tél. : 01.58.20.51.29 – S.N.C.F. : 71.21.29
genealogie.cheminots@laposte.net
Service Central D’État Civil du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères à Nantes
https://www.diplomatie.gouv.fr
Site Delcampe
Site Généanet
Un siècle de vie à Celles. Le Rochereau, la pierre et l’eau 1900 – 2000 – Pierre Billard – Imprimerie Les Maisons pour Tous à Niort (Novembre 2001)

Illustrations

1 / Vernoux-en-Gâtine (L’église ou le village de la Fazillière)
2/ Champdeniers
3/ L’école Normale de filles à Niort
4/ Celles-sur-Belle
5/ Doc Généanet retraite Marie Ernestine
6/ Cholon (Cochinchine)

U comme UPCP à Parthenay

Un texte de Marguerite Morisson

 Parthenay, haut-lieu de la culture régionale
UPCP-Métive, CERDO

Connaissez-vous la  «  Maison des Cultures de Pays », située au 1 de la rue de la Vau-Saint-Jacques, dans ce magnifique quartier médiéval  de Parthenay ?

« O l’est la mésun André Pacher » du nom de celui qui lança l’idée, un jour de janvier 1968, au château de Brégion, d’une structure régionale qui regrouperait les associations culturelles du Poitou-Charentes. Il fallut un an de gestation pour qu’en 1969, naisse enfin « L’Union Poitou-Charentes pour la Culture Populaire » raccourcie par la suite en UPCP. Et l’UPCP est une belle quinquagénaire qui se porte bien !

1C’est en 1969, à Gençay (86), que fut signé par André Pacher, président des « Pibolous » de La Mothe-Saint-Héray et Michel Valière, responsable de « la Marchoise » de Gençay, l’acte de naissance de L’UPCP. C’est donc à Gençay que se clôturera les 22 et 23 novembre 2019, le cycle des célébrations pour ce cinquantenaire, qui eurent lieu toute l’année, dans les 4 départements de Poitou-Charentes et en Vendée. Le spectacle « Pibole », à la gloire de l’Éducation populaire, y sera présenté : auteur Gérard Baraton, metteur en scène Michel Gelin, acteurs Gérard Baraton et Christian Pacher. Le sujet : l’accès à la Culture et la réussite dans la vie d’un jeune de la Marchandelle d’Augé, grâce à l’Éducation populaire.

Et ils sont nombreux aujourd’hui et bien connus, à avoir émergé de ce creuset : Yannick Jaulin, le conteur génial, défenseur de notre langue, bien connu en France, mais aussi en Amérique du Nord, actuellement en spectacle à Paris. Maurice Pacher, chorégraphe des « Ballets Populaires Poitevins », compositeur de chansons, mais aussi d’un opéra « Aunis » présenté sur toute la planète, de l’opéra de Rio à la Scala de Milan, de Montréal à Moscou, sans oublier Paris et Versailles et dernièrement à Niort au CAC, où il fut interprété par 4 danseurs étoiles de l’Opéra Garnier, accompagnés par nos deux accordéonistes virtuoses, Gérard Baraton et Christian Pacher. Christine Authier, prix Charles Cros, avec une chanson de Maurice Pacher est aussi « née » à ce moment-là, tout comme Jany Rouger, qui a terminé sa carrière comme directeur de  « l’Agence Régionale du Spectacle Vivant ». Aujourd’hui retraité, il poursuit sa mission militante pour la sauvegarde de la culture orale et des traditions populaires, ses activités artistiques en tant que musicien et chanteur, et aussi ses activités électives comme 1er adjoint au maire de Saint-Jouin-de-Milly et vice-président du Bocage Bressuirais, chargé de la culture. Pardon pour tous ceux que j’oublie. Beaucoup ont fait carrière grâce à leur passion et sont les salariés de la « Maison des Cultures de Pays », faisant tourner cette énorme machine. Beaucoup d’entre eux sont issus des associations constitutives. Je pense aux Josette, directrice d’UPCP-Métive, aux Dominique, Chantal, Stéphanie, nos musiciens Gérard et Christian, sans oublier, Francis et Jean-François qui ont fait carrière ailleurs en France, mais toujours dans le domaine culturel. Il est impossible de les nommer tous.

Car l’UPCP fut à l’origine de ce formidable mouvement, unique en France. En peu de temps, une cinquantaine d’associations de Poitou-Charentes-Vendée, toutes membres de la Ligue de l’Enseignement, vinrent rejoindre l’UPCP. Plus de 2000 jeunes, convaincus, performants, (avec les moyens de l’époque !), en tout cas participant activement à tous les stages, enquêtes, ou réunions. Toutes ces associations, avaient pour but le sauvetage, la valorisation et la transmission de notre culture paysanne poitevine. Il faut dire aussi, qu’à ce moment-là en France, était né un mouvement de lutte qui militait pour le droit à la diversité culturelle.

Maguezite à Noirmoutier, Rachel Grimaud en Gâtine, deux témoins intarissables de cette culture orale paysanne, enquêtées par les jeunes. Elles ont donné un nombre incalculable de chansons, de danses, de contes, de coutumes, et de souvenirs extraordinaires. Au moins 10 CD à elles deux !

Car il fallait sauver cette culture de tradition orale, notre culture, nos racines, qui ont fait ce que nous sommes, cette richesse dont nos anciens étaient porteurs, mais que l’on avait ignorée, voire méprisée.

Notre langue poitevine-saintongeaise.

C’est bien elle qui fut le véhicule de tout ce savoir ! C’est ainsi, que de stage en enquête, de séminaire en université de printemps ou d’été, fut engrangé par des centaines de collecteurs, armés de cahiers, de crayons, d’appareils photos, de magnétophones à cassettes, ou à bande dans le meilleur des cas, ce considérable fonds d’archives sonores : 8 000 heures,  ou audio-visuelles 800 heures ainsi que 45 000 clichés. Aujourd’hui gérées par le CERDO, (Centre d’Étude de Recherche et de Documentation sur l’Oralité) au sein de la Maison des Cultures de Pays, ces précieuses archives ont été conservées, rassemblées, numérisées, décrites, cataloguées.

Mais il y a encore du travail de décryptage des enquêtes à faire ! Pas une seule fois nous n’avons été gênés par la langue poitevine, très largement utilisée pourtant, que ce soit à Noirmoutier, où elle est semblable au « parlange » vendéen ou encore dans le sud de la Vienne ou dans le sud des deux Charentes ou la langue d’oc se faisait entendre.
On ne peut non plus citer ici tous les professeurs, ethnologues, maîtres de conférences dans des universités françaises, mais aussi étrangères qui ont fait des ouvrages sur ce sujet… sans oublier bien sûr le français de France et le français du Québec qui fit l’objet de sérieuses études. Plus près de nous Liliane Jagueneau, maître de conférences à l’Université de Poitiers, enseignante militante de l’association  UPCP « Parlange vivant », Michel Gautier linguiste, Michel Valière ethnologue, sans oublier Jean-Jacques Chevrier de Gençay, à l’origine ouvrier du bâtiment puis enseignant. Il rédigea un mémoire sur « Jeux et jouets à base d’éléments végétaux » qui fut déposé à l’École des hautes études en sciences sociales. Car les enquêtes bien sûr portaient aussi sur l’artisanat, l’habitat, les modes de vie liés à un terroir (marais, plaine, bocage…), les témoignages oraux sur les conflits mondiaux, les souvenirs de jeunesse, la musique, les chants, les danses, les instruments de musique, les costumes, enfin tout ce qui pouvait concerner cette civilisation paysanne à jamais disparue.

Au début des années 80, est créé un atelier régional pour une meilleure connaissance de la langue poitevine, sa diffusion par l’édition, le spectacle et l’enseignement. La télévision régionale FR3 Poitou-Charentes, diffusera l’émission « Parlange » pendant une longue période.

Pour conclure ce paragraphe, je dirai qu’il n’est qu’à écouter notre poète Ulysse Dubois pour se convaincre de la vigueur de notre parlange poitevin-saintongeais. Si on l’entend de moins en moins dans les marchés ou dans la rue, il reste encore bien vivant dans le cœur des gens.

Quelques dates

Dès 1968, les Pibolous et la Marchoise de Gençay, reviennent du concours national de folklore à Dijon avec le collier d’argent.
C’est aussitôt la création des Ballets Populaires Poitevins, formés des meilleurs musiciens et danseurs de tous les groupes qui viennent de naître un peu partout.
Dés 1971 et les années qui suivront, c’est le lancement de l’opération OSTOP (Opération Sauvetage de la Tradition Orale Paysanne). Les vacances de février verront donc chaque année, 7 où 8 stages répartis dans les 4 départements plus la Vendée et l’île de Noirmoutier. C’est à ce moment-là que les collectes ont été les plus fructueuses. C’est aussi cette année-là qu’il va y avoir à Verruyes, un premier essai de spectacle « Les Paysans » qui préfigure les deux autres qui suivront en 1974 et 1976 : « La Geste Paysanne ». Il y eut aussi cette année là les premières « Rencontres Culturelles Régionales » à Poitiers où l’on monta une importante exposition de costumes traditionnels.

En 1972, vont être organisées les deuxièmes « Rencontres Culturelles Régionales » à Angoulème, avec présentation de tous les groupes et spectacle des Ballets Populaires Poitevins (BPP). En 1973, ce sera à Parthenay et en 1974 à Niort où la foule était impressionnante.

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Les Rencontres Culturelles Régionales à Parthenay

En 1974 : Première « Geste Paysanne » à Verruyes.

En 1975 : Festival en forêt de l’Hermitain et à l’abbaye de Celles.

En 1976 : Deuxième « Geste Paysanne » à Verruyes, mais aussi « Année Romane » décrétée par le Ministère de la Culture et festival « Off »  autour de Verruyes.

Chaque groupe a par la suite monté des spectacles, des groupes de chant, et a cherché à se perfectionner. Ce seront les créations de spectacles de « l’ARCUP » à Cerizay, des « Pibolous » à La Mothe, des  « Gens » de Cherves, de « la Marchoise » à Gençay, de « la Marchandelle » à Augé ou encore de « Saute-Palisse » à Juillac-le-Coq en Charente.

La grande décision

Entre 1978 et 1980, l’UPCP signe un partenariat avec l’ASF (Autoroutes du Sud de la France) pour installer aux Ruralies une vitrine régionale. C’est l’occasion pour l’UPCP de se doter d’une équipe de salariés. En effet le bénévolat a ses limites et la charge de travail était devenue telle, que les bénévoles ne pouvaient plus fournir. Un musée de la machine agricole y fut installé, qui a attiré bon nombres de voyageurs.

Malgré cette petite amélioration, l’UPCP a besoin d’un lieu spécifique à ses activités. En un mot on a besoin d’être chez nous !

C’est ainsi que nait l’idée d’un CRAR : Centre Régional d’Animation Rurale. Mais le projet se révèle impossible ; peut être trop ambitieux… mais en tout cas trop cher et l’emplacement difficile à trouver ! Il y a pourtant eu un nombre incalculable de réunions !

En 1990, c’est la naissance de « Geste Editions » et de « Geste scénique ». L’UPCP se dote d’outils de développement. Ce ne sera qu’en 1993 que sera inaugurée « La Maison des Cultures de Pays », ou « Mésun André Pacher » dans des locaux proposés par la ville de Parthenay. Elle devient alors UPCP et Métive, puis peu après UPCP-Métive, dénomination labellisée par le ministère de la Culture. En effet, il s’est établi un partenariat entre l’UPCP et la structure nationale du secteur des musiques et danses traditionnelles. Relations aussi avec la TGB (Très Grande Bibliothèque) à Paris. Le CERDO, lui, est né en 1994, pour mettre en valeur le fonds de documents.

Aujourd’hui à Parthenay

Depuis 1993, la ville de Parthenay et le département peuvent s’enorgueillir d’une animation de qualité. Tout le monde connait « Le festival de Bouche à Oreille » qui attire chaque année depuis quelques décennies, la foule des passionnés de leur culture et des artistes de qualité venus du monde entier. Ce sont aussi les rencontres, les expositions, les ateliers de musique et de danse, les spectacles, sans oublier les écoles de musique traditionnelle où des centaines de jeunes ont pu se former et jouer de l’instrument de leur choix. UPCP-Métive c’est aussi une bonne quarantaine d’associations réparties en Poitou-Charentes et Vendée. Tout ce travail est soutenu par le département et la région.
Pardon pour tous les oublis et les oubliés. Quelques lignes sont bien insuffisantes pour dire cette belle histoire, née il y a maintenant 50 ans et qui continue aujourd’hui encore à prouver combien nous sommes attachés à ce terroir, à nos racines, à notre culture.

T comme Temple de Cherveux

Un texte de Mattéo MADIER, plus jeune adhérent du Cercle, comme quoi la généalogie intéresse toutes les générations !

Le temple de Cherveux aux XIXe et XXe siècles,
un va-et-vient de pasteurs !

À Cherveux, il y a eu trois temples protestants : le premier fut rasé en 1685.

Le second temple

Le décret du 28 mars 1806 autorise le consistoire de Saint-Maixent à faire construire un temple à Cherveux mais au frais des protestants. Le 7 juillet 1826, les protestants Cherveusiens demandent au maire une aide pour terminer le temple. Le maire fait remonter cette demande au ministère de l’Intérieur qui décide le 28 février 1827 de donner 2 000 francs aux protestants cherveusiens. Le 3 avril 1827, le pasteur Gibault présente un devis s’élevant à 2 190,80 francs. Les protestants devront payer la différence, c’est à dire 190,80 francs. Il n’y aura pas de construction de temple mais la rénovation d’une grange.

– Où était ce temple ?

Selon Avice de la Carte, maire de Cherveux de 1813 à 1830, le temple se situe dans l’enceinte du presbytère qui se situe sur la place principale. Il décrit ce temple comme une construction assez vaste, très ordinaire et n’a pas de logement dans ses dépendances pour son pasteur qui vient y exercer notamment tous les dimanches.

Maintenant il ne reste plus aucune trace visuelle de ce temple, peut-être en reste-il encore la grange ? Le presbytère est toujours présent mais a été converti en maison d’habitation.

Les pasteurs

En 1826, GIBAULT est pasteur à Cherveux.

Le 14 mars 1842, le consistoire de Saint-Maixent se réunit sur la création de 2 postes de pasteurs, l’un à Cherveux, l’autre à Sainte-Néomaye. Celui de Cherveux est dit plus important que celui de Sainte-Néomaye.

Le 16 août 1843 le Sieur MATHIAS, ancien pasteur du consistoire de Metz, actuellement pasteur de Cherveux, est dans l’obligation de cesser ses fonctions car il les a commencées sans l’agrément du roi. Le 15 juillet 1846, sa démission est acceptée par le consistoire de Saint-Maixent afin qu’il puisse aller dans le canton de Vaud en Suisse pour se rapprocher de ses parents et pouvoir donner une bonne éducation à ses enfants. Avant de partir un certificat de bonne conduite et moralité lui est remis.

De 1846 à 1849, le pasteur GIBAUD Théophile officie en attendant la nomination d’un pasteur à Cherveux.

Le 28 mars 1849 COQ Pierre est élu pasteur, il sera installé le 29 mai 1849, mais le 4 juillet 1851 il décède d’une attaque d’apoplexie foudroyante.

Lui succède le pasteur MOMMEJA Guillaume Ernest Aimé qui est élu le 6 juillet 1851, élection approuvée le 27 juillet par le ministère des cultes. Il démissionne le 10 janvier 1857.

Le 21 mars 1857 est élu PORTRON François Gustave, sa nomination sera approuvée le 7 avril 1857 par décret impérial. On ne sait pas exactement quand il est parti de la paroisse mais les documents laissent penser qu’il serait parti en 1864.

Puis succède au pasteur PORTRON le Pasteur Adolphe WEIBEL. Il est nommé par le consistoire le 5 novembre 1864 et sa nomination est officialisée par décret impérial du 22 mai 1865. Le 9 mai 1866 il demande un supplément de jardin auprès du conseil municipal, sa requête sera rejetée. Il réitère sa demande au conseil le 10 août 1866, sa demande sera rejetée, il redemande une dernière fois le 9 novembre 1866 mais il n’aura pas son supplément de jardin. Le pasteur WEIBEL quittera la paroisse en août 1878.

Le 17 août 1878 est nommé pasteur de Cherveux M. CHAMBELLAULT Pascal François Nephtalé succédant ainsi à WEIBEL parti à Moncoutant. Nomination approuvée par décret ministériel du 27 janvier 1879, Il démissionne le 24 mars 1883 pour partir à la paroisse de Grateloup ( Lot-et-Garonne ).

En novembre 1884, un questionnaire sur le culte protestant est réalisé dans tout le département et le conseil presbytéral de Cherveux y répond :
On y apprend que le temple de Cheveux appartient à la communauté protestante depuis environ 1830. C’est une ancienne grange qui a été convertie en temple pour une valeur d’environ 100 francs, Le temple est en mauvais état, les réparations sont faites par la commune de Cherveux. Le presbytère appartient à la commune qui l’a acheté le 8 septembre 1848. Le presbytère est lui aussi en mauvais état (une partie sera désaffectée vers 1905).

Le 22 juillet 1888 est nommé HARDY Adolphe Abdel Fernand en tant que pasteur de Cherveux. Il démissionne un an plus tard, le 17 octobre 1889.

Ensuite, Le pasteur Gabriel WEHENNE, ancien pasteur de Vigean (Gard) est nommé pasteur de Cherveux le 21 février 1891. Il démissionne le 7 septembre 1894 pour Chambéry.

1894-1898 : Le face à face : le consistoire contre les protestants cherveusiens.

Le 20 octobre 1894, la candidature de TOULAN est rejetée par le consistoire.

Le 4 novembre 1894, le conseil presbytéral décide de protester contre le vote du consistoire, mais rien ne sera fait avant Janvier 1897.

Le 12 décembre 1896, la candidature de BERNADOU est repoussée.

En Janvier 1897, le conseil presbytéral demande aux électeurs de la paroisse de Cherveux de signer une pétition contre le vote consistoire et pour la nomination de BERNADOU. Voici ce que dit la pétition :
« Électeurs qui composent la paroisse de Cherveux, protestons de toutes nos forces contre la décision du consistoire du 12 décembre 1896 qui a repoussé la candidature du pasteur qui avait présenté l’unanimité de notre conseil presbytéral dès le 9 septembre 1896. Notre paroisse connaît Henri BERNADOU depuis juillet 1895. Il a desservi la paroisse et instruit nos enfants catéchumènes à notre entière satisfaction durant plus de 7 mois, Il a toute la confiance, estime, sympathie car il a déjà travaillé ardemment à la réorganisation de notre paroisse qui a tant besoin d’un directeur. Nous considérons BERNADOU comme notre pasteur et nous le voulons tous. Nous espérons que devant cette affirmation de nos désirs légitimes vous vous montrez respectueux des intérêts et de la liberté de vos voisins et devez écouter que votre conscience, justice, droit des gens. »
144 électeurs dont 132 signatures + 2 contre la pétition + 10 absents dont 5 ont donné leur accord oral

Le 27 février 1897, le président du conseil presbytéral de Cherveux décide d’écrire une lettre au préfet des Deux-Sèvres et au président du consistoire de Saint-Maixent. Il fera sa lettre le 30 avril.

Le 9 avril 1897, M. Henri BERNADOU (pasteur en intérim) demande a devenir titulaire. Sa demande lui sera refusée le 24 avril. Ceci déclenchera un mouvement de protestations à Cherveux :

Le 30 avril 1897, le président du conseil presbytéral en a assez de la situation dans laquelle se trouve réduite la paroisse de Cherveux à cause des caprices des pasteurs de Saint-Maixent et de Moncoutant. Le président du conseil presbytéral dit dans sa lettre au préfet et au ministère des Cultes :
« Notre paroisse est vacante depuis 4 ans. 3 candidats se sont présentés mais n’ont pas été choisis à cause des caprices de ces pasteurs, en particulier le dernier candidat, qui est resté en intérim pendant plus de 8 mois. La paroisse l’a réclamé par pétition. Le présidant du consistoire a fait traîner les convocations des séances réclamées. La première séance convoquée par lui le 26 septembre 1896 ne fut pas ouverte car il n’y vit pas une majorité hostile à Cherveux. Dans les 2 autres séances, les laïques avait promis de voter en faveur de Cherveux mais ont reculés au moment du vote, sans motifs, mais sous la pression. Le consistoire n’a que 3 pasteurs sur 6 dont 1 fatigué. Les pasteurs manquants ne sont pas nommés de sorte à ce que la paroisse manque de service religieux. Il faut courir très loin pour avoir un pasteur pour nos enterrements, et cela de la seule faute de 2 pasteurs qui sont incapables de desservir à la fois leur paroisse et les 3 postes vacants mais demandent des subventions pour services extraordinaires. Mais les protestants ne veulent être édifiés par de tels hommes et leurs interdisent l’accès à la paroisse entière (tout en laissant chaque fidèle sa liberté pleine de recourir à tel pasteur qui lui plaira). Monsieur le pasteur PORTRON (ancien pasteur de Cherveux), officiant à Sainte-Néomaye, malgré son état de santé voudrait bien nous continuer ses services dans les cas indispensables et autant qu’il lui sera possible en attendant que le consistoire nomme un pasteur à Cherveux. Nous avons tenu à protester énergiquement contre l’arbitrance dont nous sommes victimes et que le ministère des Cultes et le Préfet des Deux-Sèvres soient mis au courant ».

Le 1er juillet 1897 est repoussée la candidature du second pasteur (nom inconnu). Elle ne sera jamais soumise au consistoire.

Le 13 août 1898, soit près de 4 ans après le début du face à face, le consistoire décide enfin de nommer un pasteur à Cherveux, qui ne sera ni TOULAN, ni BERNADOU mais Claude Edmond Soarès Fernand JALAGUIER. Son élection sera approuvée par le décret du 27 du même mois. Ce qui, enfin, réjouit les habitants de Cherveux.

Le troisième et dernier temple de Cherveux

En 1900, le pasteur JALAGUIER envoie une lettre au conseil municipal de Cherveux afin qu’il donne son accord sur l’autorisation de construire un temple, son montant, son lieu ; le conseil municipal validera la construction, son montant prévu (environ 12 000 francs), son lieu (à coté de l’école). Le nouveau temple coûtera 15 357,50 francs, son montant sera approuvé, la maçonnerie sera faite par Jacques SICOT qui vit juste à coté du temple. Le 4 septembre 1900, le maire de Cherveux envoie une pétition au préfet pour demander l’autorisation de « reconstruire un mur de clôture le long et à droite du chemin de grande communication n° 11 sur un terrain appartenant à la commune », la demande sera accordée le 1er décembre 1900 par l’agent voyer de Saint-Maixent. Il accorde la construction d’un mur de 40 mètres de longueur. En 1901, le pasteur apprend que 200 francs seront donnés en subvention pour la construction du temple. Sur le temple, on peut voir une pierre qui a été gravée suite à la construction du temple.

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Transcription
P : JALAGUIER : PASTEUR
A : BOUNEAULT : ARCHITECTE
M’ONT MIS ICI L’AN
MDCCCC (1900)

Début juillet 1902, JALAGUIER est nommé pasteur à Melle. Il est donc resté 4 ans dans la paroisse.

Le 11 juillet 1902 est élu MAISONNAVE Pierre, il décèdera en mandat en 1904.

Le 9 avril 1904 est élu VIÉLA David Paul Ernest agé de 24 ans pour remplacer MAISONNAVE, décédé en mandat. Sa nomination sera approuvée par décret du 25 mai 1904. Il quittera la paroisse en 1911.

Après lui succède DUMAS, de 1911 à 1914.

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source AD79

Puis, après, il n’y aura plus de pasteur à Cherveux, ce sont les pasteurs de La Crèche, Saint-Maixent ou Niort qui viendront officier au temple.

En 1954, le pasteur de la paroisse de La Crèche – Chauray – Cherveux envoie une lettre au maire de Cherveux pour lui demander de réparer une fuite dans le toit de la sacristie et de réparer les fenêtres côté sud qui ont été cassées par les enfants de l’école. On ne sait pas si ces réparations auront lieu.

En 1968, le temple est transformé en maison de jeunesse, quelques années plus tard il sera inoccupé.

Maintenant le temple sert de salle pour les associations, l’école…

Sources
– Archives municipales de Cherveux
– Archives départementales des Deux-Sèvres
– Sous série 7 V + 40 Fi 4704 et 40 Fi 4706

S comme Seguin (La Chapelle-)

Un texte de Josiane AUBINEAU

L’origine du village de La Chapelle-Seguin

Elle semble être romaine et remonter à une chapelle qui aurait pris le nom de son fondateur, un certain Seguini, d’où Capella Seguini : Chapelle-Seguin.
La présence romaine sur ce site est d’ailleurs confirmée par deux voies romaines :
1. la première, allant d’Angers à Saintes, le long de laquelle se sont installés les villages du Freigné, Grand et Petit ;
2. Elle croisait une deuxième voie, allant de Périgueux à Nantes, au niveau du village de la Morinière et non loin d’un lieu de foires appelé « le Jeudi-Saint ».

Une situation économique précaire

Située entre Bocage et Gâtine, la situation économique de La Chapelle-Seguin semble avoir toujours été médiocre et on relève encore en 1856 dans « État sur l’élection de Niort », la description suivante de La Chapelle-Seguin :
« Elle est couverte de bois de futaies et de taillis, les prairies sont très mauvaises et en partie recouvertes de bruyère. Les terres labourables sont humides et on y récolte peu de blé. »
Il n’est pas mentionné que ces prairies sont également parsemées de « chirons » c’est-à-dire des rochers de granit affleurant le sol, sans doute tombés de la « dorne » de Mélusine, autrement dit de son tablier remonté aux deux coins dans lequel, selon la légende, elle transportait des cailloux.
Mais la présence de ces nombreux rochers explique sans doute que le labour y est impossible.
L’élevage est donc la seule activité agricole envisageable.
« On y élève quantité de vaches, veaux et bœufs »

Des activités complémentaires permettent de compléter le revenu.
« À la Morinière, des tisserands fabriquent des tiretaines qui sont des étoffes de laine sur fil. Les habitants […] vont vendre dans les villes voisines […] du charbon de bois et des balais de bouleau. »
Le métier de « balaisous », fabricant de balais de bouleau, a d’ailleurs persisté jusque vers le milieu du XXe siècle. La matière première était facilement accessible avec la proximité des bois de L’Absie et de Vernoux mais aussi du bois des Gâts et la forêt de Chantemerle. L’hiver, ils récoltaient le bouleau dans les bois et préparaient les brins à la veillée, l’été ils fabriquaient les balais.
Les balais étaient vendus aux paysans des alentours, épiciers, droguistes et quincailliers ou à des grossistes, pour nettoyer les cours de ferme surtout au moment des battages, les écuries ou pour balayer les rues des villes.

En 1805, on trouvait pourtant dans le bourg de La Chapelle-Seguin une verrerie renommée pour la qualité de sa production.

L’origine de L’Absie

Le nom de L’Absie pourrait venir du latin « abscisus » : carrefour, en référence aux deux voies romaines citées plus haut.

L’Absie est mentionnée pour la première fois dans une charte de Charles le Chauve du 19 janvier 854 sous le terme de Villa Apiacum.
Il pourrait s’agir d’une « maison des champs », une métairie, qui possédait alors deux églises, l’une à La Chapelle-Seguin et l’autre à L’Absie.

Dévastée au cours des invasions normandes, la première église de L’Absie était en ruine au milieu des bois lorsqu’un religieux contemplatif, Pierre de Bunt, la découvrit et y installa un ermitage, encouragé dans sa démarche par l’évêque de Poitiers, Pierre II.

L’abbaye bénédictine de L’Absie : de l’essor à la décadence

Vers 1120, Giraud de la Salles, disciple de Robert d’Arbrissel, lui-même fondateur de Fontevrault, érige sur ce site, à l’écart du bourg de La Chapelle-Seguin et de ses villages alentours, une abbaye dont les moines étaient astreints à la règle de saint Benoît.
C’était la naissance de l’abbaye de L’Absie.
Au début du XIIIe siècle, les moines de L’Absie ont rendu à ce coin de Gâtine d’importants services à l’agriculture en constituant de nombreuses exploitations grâce à leur zèle de défricheurs. Ils sont également connus pour avoir participé, avec les moines de Maillezais, à l’assèchement du marais poitevin.

Le monastère a connu une belle prospérité durant les deux premiers siècles de son existence. Mais l’abbaye a beaucoup souffert de la guerre de Cent Ans au cours de la laquelle elle a été pillée et son église dévastée.

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Le blason en clé de voute

Au XVe siècle, la famille d’Appelvoisin, seigneurs de Saint-Paul-en-Gâtine, entreprennent la reconstruction de l’abbatiale. La trace de leur intervention est toujours présente dans l’église par le biais de leur blason en clé de voute.

À partir du XVIe siècle, la décadence de l’abbaye s’accentue d’année en année. En 1615, le mauvais état des bâtiments du couvent met fin à la vie communautaire des moines. Les biens sont vendus aux enchères à la Révolution en 1791. De l’abbaye ne subsistent alors que l’église.

La décadence de La Chapelle-Seguin

Après la Révolution, l’église de La Chapelle-Seguin se trouve être en très mauvais état. Et suite à la disparition tragique de son abbé, lors des guerres de Vendée, l’église de La Chapelle-Seguin est fermée en 1794 et le culte est transféré en l’église de l’abbaye, à la demande des habitants de La Chapelle-Seguin.

La grande église de l’ancienne abbaye est donc affectée aux besoins de culte des habitants de La Chapelle-Seguin et ses environs en remplacement de la petite chapelle tombée en ruine.

La commune rejoint le lieu de culte et la paroisse

L’Absie n’était encore qu’un modeste village, avec seulement quelques maisons éparpillées autour de l’église et de l’ancienne abbaye. Mais sa situation géographique, au carrefour de deux voix importantes, en faisait un lieu propice au commerce. Les foires qui se tenaient le 12 de chaque mois, y étaient renommées.
Le 6 nivôse an XIV (27 décembre 1805) le maire Aimé Marcollay fait placarder l’avis suivant :
« [Selon le souhait] manifesté par les habitants de La Chapelle-Seguin […] la foire qui se tient d’ordinaire au champ appelé le Jeudi-Saint [sera] transférée au lieu des autres foires de L’Absie […], et se tiendra à perpétuité comme les autres, à l’emplacement du champ de foire de L’Absie. »

De la même façon, après délibération du conseil municipal de La Chapelle-Seguin de 1835, les élus réclament à une très large majorité (unanimité moins une voix) que L’Absie devienne officiellement le chef lieu de commune. Ce qui a été fait par ordonnance du 14 juillet 1836. Autrefois moins importante que La Chapelle-Seguin, L’Absie devient le chef-lieu de la commune.

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Sources :

Mille ans d’histoire de L’Absie de Raoul Dubois
Le pays du Bocage de Maurice Poignat
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Absie
https://monumentum.fr/ancienne-abbaye-pa00101162.html
http://chemins-secrets.eklablog.com/la-chapelle-seguin-a3371968
https://fr.geneawiki.com/index.php/79001_-_L%27Absie
https://armorialdefrance.fr/page_blason.php?ville=11549

R comme (la) Royauté de Saint-Aubin-le-Cloud

Un texte d’Annie LARROUY

La Royauté (parfois nommée Réate, Rehaute), est un hameau de plusieurs feux sur la commune de Saint-Aubin-le-Cloud, en Gâtine, près de Parthenay. Elle est située sur la route qui relie la commune à Azay-sur-Thouet, tout près du chemin de Vernoux. C’est là où je suis née.

La Royauté, un nom qui m’a fait rêver… Louis Hugeat (instituteur à Saint-Aubin-le-Cloud de 1973 à 1987) a écrit sur ledit lieu. Il cite le Petit Gâtinais du 29 janvier 1905 dans lequel parait une notice historique sur la commune de Saint-Aubin-le-Cloud. Selon lui, elle aurait été écrite par l’abbé Émile Furet, curé de Saint-Aubin. Nous pouvons lire : « À peu de distance est un village qui fut jadis sous la suzeraineté de François Ier, le village de la Rehauté ». La tradition orale rapporte que « François Ier se serait arrêté sur les terres de la Royauté en se rendant à La Rochelle pour tenter d’apaiser les habitants irrités par l’instauration d’un nouvel impôt sur le sel ». Royal, mais aucune source n’est citée et les chroniques de l’époque sont muettes.

Louis Hugeat évoque Charles BUIGNON, seigneur de la Réate et des Granges.

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Dans le Dictionnaire Historique et Généalogique des Familles du Poitou de Beauchet-Filleau, nous trouvons trois Charles BUIGNON dans la branche de la Glouère. « Le premier, seigneur de la Réate vivait en 1667, le second, seigneur de la Réate et de la Glouère vivait en 1720 et le troisième, seigneur de la Glouère de Vasles ».  Sachant qu’à Vasles existent les villages de la Réate et de la Gloire… Rien ne prouve que Charles BUIGNON fut seigneur de la Réate de Saint-Aubin-le-Cloud. Un certain Simon GIRARD aurait fait don des terres de la Réate à l’abbaye de L’Absie. S’agit-il de la Royauté de Saint-Aubin-le-Cloud ?
Sur la carte de Cassini, dressée vers 1737, nous trouvons le nom de la Royauté.

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En l’an XI (1802-1803), dans son Dictionnaire Géographique Agronomique et industriel du Département des Deux-Sèvres, le préfet Dupin (premier préfet des Deux-Sèvres de 1800 à 1813) cite la métairie de « la Reauté » à Saint-Aubin-le-Cloud.
Le cadastre napoléonien de 1858 représente la « métairie de la Royauté » avec deux habitations.
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Nous avons identifié différents propriétaires depuis 1718. Cette année-là, elle appartient à Jacques PINEAU de VIENNAY de LUCE. La même année, celui-ci achète le château du Grand-Lucé dans la Sarthe. La famille PINEAU de VIENNAY, possède également les Touches de Saint-Aubin-le-Cloud et la Pechellerie du Tallud. En 1838, c’est l’époux de sa petite-fille, François Frédéric ACHARD JOUMARD TISON marquis d’ARGENCE de Marcilly-sur-Maulne* qui en est propriétaire. La Royauté restera dans la famille d’ARGENCE jusqu’en 1878 date à laquelle elle est rachetée par la famille BELLIARD. En 1885, une donation-partage est actée en 3 lots et une rente pour les 4 enfants. Par la suite, il sera créé un autre hameau, la Chagnée ou « Petite Royauté ».

C’est en 1932 que mes grands-parents arrivent à la Royauté pour y exploiter une borderie qui sera reprise par mes parents en 1959 jusqu’en 1968. Cette borderie appartient à Valérie VASLIN, née BELLIARD, fille d’un des trois frères BELLIARD, bénéficiaire d’un lot lors de la donation-partage de 1885. Les deux autres lots appartiennent toujours aux descendants directs BELLIARD. Dans le hameau qui compte désormais 3 habitations, c’est comme une grande famille. Mes voisines appellent ma grand-mère « Tata Adrienne », et notre voisine est « Tata Marie »… Les descendants de la famille BELLIARD, sont restés propriétaires des trois lots de la Royauté d’origine jusqu’en 1968. En 1968, la borderie exploitée mes parents est mise en vente. Les terres sont achetées par les agriculteurs voisins et les bâtiments par mes parents. C’est l’année où je quitte ma terre natale pour la capitale…

photo4Louis HUGEAT évoque un logis fortifié et les souterrains. Nous pouvons encore voir une fenêtre à meneaux sur un bâtiment. Une tour existe encore dans une habitation, une autre fut démolie après les années 1950. Son contour figure sur le cadastre napoléonien de 1838. Lorsque j’étais enfant, mes parents ont jugé prudent de combler l’entrée d’un souterrain !!!

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photo6Le même cadastre montre deux habitations et le recensement de 1872 dénombre deux feux. Depuis la fin du XIXe, la Royauté compte trois habitations.

Récemment, un lot de pièces anciennes fut découvert sous le ciment de la pièce de séjour dans la maison dans laquelle j’ai grandi… J’ai vécu sur un trésor !!! La Royauté n’a pas livré tous ses secrets.

* En 1776, il épouse Adélaïde, la fille de Jacques PINEAU de VIENNAY de LUCE, à Ceaux en Couhé dans la Vienne. Il est alors capitaine dans le régiment du Roi. La famille TISON d’ARGENCE est originaire de l’Angoumois.

Sources :
– Gallica, Noms Féodaux et noms de ceux qui ont tenu fiefs en France, première partie, Paris, 1826
– Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest (MSAO), tome XIII, 1936. Archives Historiques du Poitou, XXV, 1895, Cartulaire et Chartes de l’Abbaye de l’Absie, Bélisaire LEDAIN.
– Archives Départementales de la Vienne (AD86), EN722

Q comme Queuille, pharmacie rue de la Gare à Niort

Un texte de Marie-Isabelle FEMENIA

Mon lieu des Deux-Sèvres n’est ni un village ni un hameau ni même une rue, mais une maison sise le plus souvent au 19 rue de la Gare à Niort, mais le numéro a pu fluctuer au fil du temps entre le 17 et le 19, à l’angle de la rue de la Gare et de la rue Rabelais. Ma recherche est également limitée dans le temps, entre juin 1886, date de création de la pharmacie QUEUILLE, et août 1932 qui a vu le décès de Georges QUEUILLE.

Avant 1886, il semble que cette maison ait été un temps une auberge. Et puis elle est achetée par Georges QUEUILLE pour y installer sa pharmacie.

1.jpgJe vais vous parler de la maison au travers des personnes qui y ont vécu : Georges QUEUILLE, mais aussi son épouse Élise, et certains de ses employés, et je vais terminer par un fait divers qui a eu lieu dans la rue Rabelais tout à côté de la pharmacie.

Georges Basile QUEUILLE naît le 14 juin 1857 à Aigre en Charente, d’un père commerçant. Il a les cheveux châtains, les yeux gris, mesure 1 m 63, taille moyenne pour l’époque (Tous ses employés font aussi entre 1 m 60 et 1m 65). Il est élève au pensionnat Ingrand d’Aigre, puis étudiant à Poitiers et à Bordeaux. En 1881, il obtient la première médaille de vermeil décernée par les facultés. En 1882, il est classé 1er au concours d’internat en médecine. En 1884, il est lauréat de l’unique médaille d’or de fin d’études de la faculté de Bordeaux.
On lui propose une carrière de professeur de pharmacie. Mais contre toute attente, il choisit d’ouvrir une pharmacie et à Niort ! Alors pourquoi Niort ? Si sa mère semble originaire de la Charente, si son grand-père paternel était auvergnat, sa grand-mère paternelle était la fille de Pierre HELIOT, officier de santé de Celles-sur-Belle, « praticien habile, accoucheur distingué » selon son fils, et à l’origine de toute une branche familiale deux-sévrienne dans le domaine médical.
Les grands-oncles de Georges, Apollon et Hector HELIOT étaient médecin et pharmacien à Chef-Boutonne, et leurs fils Henry et Ernest HELIOT leur ont succédé.
En 1897, Georges a dû apprendre la naissance chez sa cousine issue de germain, Marie HELIOT, épouse du Dr LAFFITTE, d’un petit Henri. À la fin de sa vie, il a dû voir ce petit cousin devenir chirurgien des hôpitaux de Niort. Par la suite à cause de la Seconde Guerre mondiale, Henri LAFFITTE va devenir un des plus illustres Niortais, médecin de la Résistance, déporté aux camps du Struthof et de Dachau, où il continuera à sauver des vies avec rien.

Georges QUEUILLE se tient au courant des avancées de la médecine et de la pharmacie, notamment en participant aux congrès internationaux de médecine à Moscou, Paris, Madrid. En 1898, à la pharmacie est adjointe une installation complète de radiographie (invention de 1895), un laboratoire de bactériologie, stérilisation et asepsie.

Il fait de la publicité dans les journaux pour ses spécialités :
– l’amadou Bagneau, antiasthmatique
– les pilules Juglades, toniques, laxatives et dépuratives, évitent les brûlures d’estomac
– la solution Norret antibacillaire
– l’émulsion Norret à base d’huile de foie de morue
– la poudre Venator anti-transpirant
– la poudre Cervolet contre les rhumes de cerveau, la migraine
– le sirop de raifort iodé
– le digestif Queuille pour les embarras gastriques, vomissements
– et surtout le vin de Gloria, boisson énergisante à base de quinine, cacao, coca et kola.
2.jpgLe célèbre flacon bleu a déjà été mentionné dans un article du Challenge AZ 2013 : G comme Gloria de Lulu Sorcière, Gloria Godard.

Georges fait partie de nombreuses associations scientifiques, historiques, botaniques, de la Société niortaise de photographie, de l’Université populaire, du Comité local pour favoriser le tourisme. Il est membre de la Fouace, la société amicale des Républicains des Deux-Sèvres et des amis du Poitou. Il fait partie de l’Automobile-Club des Deux-Sèvres et fait passer le permis de conduire, comme examinateur, en 1918.

Il s’implique dans le social (aide aux défavorisés) et surtout dans la culture et l’éducation.
En 1912, il est élu conseiller municipal sur la liste des Intérêts communaux, et en 1919 sur la liste de l’Union Républicaine et de Défense Sociale.
Pendant la Première Guerre mondiale, il participe à l’organisation de stages de jeunes femmes de l’Union des Femmes Françaises, formées pour être infirmières, à l’hôpital complémentaire n° 4.
Après la guerre, il fait partie du comité chargé de l’érection d’un monument aux morts.

Mais il a deux grandes passions, l’espéranto et la photographie.
Pour l’espéranto, il est délégué des Deux-Sèvres, secrétaire du groupe. Lui et/ou son épouse participent aux congrès internationaux d’espéranto, en 1907 à Cambridge, en 1908 à Dresde, en 1909 à Barcelone.
Certains cartons publicitaires pour le vin de Gloria, ou certaines photographies sont annotés en espéranto.

Entre 1890 et 1930, il réalise 8.362 plaques photographiques conservées aux Archives des Deux-Sèvres. Il photographie Niort et sa région, le Marais poitevin, avec des scènes de la vie quotidienne, mais aussi ses voyages : nombreux pays européens, Russie, Égypte, Maghreb, Nubie, Japon, sud-est asiatique.
Le livre « Dans les Deux-Sèvres à la Belle Époque, témoignage photographique tiré de la collection Queuille » a été publié en 1978.
Le livre « Voir l’Orient autrefois images de l’Égypte et d’ailleurs, collection d’un photographe oublié, Georges QUEUILLE 1857-1932 » a été édité par les Archives départementales en 1998.

C’est à titre de pharmacien militaire (il est pharmacien major de 2e classe de l’armée territoriale en 1912) que Georges est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1913.

Son épouse née Élise Clotilde DRIEU en 1862, avec laquelle il s’est marié en 1887, semble partager ses passions. Elle photographie également, est membre de la société d’espéranto et participe à des congrès.
Ils n’ont pas eu d’enfants.
C’est sans doute entre 1906 et 1909, qu’ils quittent leur domicile au dessus de la pharmacie, pour habiter une belle maison sise 19 avenue Bujault, le long de la place de la Brèche.
Élise décède en 1919 et Georges en 1932. Ils sont inhumés au cimetière des Sablières à Niort, dans une tombe originale, surmontée par une sculpture en forme de branchages.

Au gré des recensements (avec un gros trou entre 1906 et 1921) on retrouve au dessus de la pharmacie, des employés de maison, des élèves pharmaciens, mais surtout de jeunes gens, parfois qualifiés de domestiques, parfois d’employés de pharmacie, formés sur place. Certains noms me resteront inconnus ou presque : Edmond CHEUNE ? Clovis LAMY, Maurice DARCOURT, Pierre CARZAT, Albert ARNAUD, Victor LE BUFFE (de Cognac qui semble y être retourné assez rapidement).
Parmi les employées de maison, on trouve :
– Madeleine GARREAU en 1886
– Marie Madeleine PERRAUDEAU, fille de journaliers d’Auzay (Vendée), née en 1860, employée au moins de 1891 à 1906, tour à tour domestique, bonne, cuisinière.
– Ernestine COURALLET, née à Niort en 1851, va habiter rue Bujault au moins de 1921 à 1931.

Maurice BOUTET, fils d’un marchand de blé de Celles-sur-Belle, né en 1870, élève pharmacien à Niort en 1891, va ouvrir une pharmacie à Celles à partir de 1895.

Emmanuel LORIT, né à La Roche-sur-Yon en 1852, employé à la pharmacie Queuille et élève en pharmacie, vit au 15 rue de la Gare en 1896, 1901 et 1906. En 1921, il vit au 17 rue de la Gare avec femme et enfants, mais décède à Nantes en 1926.

Théophile BRUNET né à Clussais en 1881, châtain aux yeux roux, menton rond, visage ovale, est domestique en 1901. Mais il semble ne pas être resté longtemps. Il participe à toute la Première Guerre mondiale.

Charles BAILLARGE, fils de cultivateur, né à Saint-Léger-lès-Melle en 1879, les cheveux châtain foncé, les yeux marron, le menton rond, le visage ovale, est domestique et vit au dessus de la pharmacie en 1906. À son mariage à Sauzé-Vaussais en 1912, il est dit employé de laboratoire, et Georges Queuille est son témoin. En 1914, il habite chemin de la Perche à Niort. Il participe à la Première Guerre mondiale à partir de 1915. Le 7 mai 1916, il est blessé à la Côte 30 H à Verdun : contusions cuisse droite par éclat d’obus. Il est envoyé en congé illimité le 31 janvier 1919 et se retire à Niort, rue du Bercail.

Albert Eugène LAIDET, fils de fermiers, né à Saint-Médard en 1888, châtain aux yeux roux, nez large, menton rond, visage allongé, avec une cicatrice à la joue droite, est aussi domestique en 1906. Caporal en 1914, il a moins de chance que les autres employés de la pharmacie. Il fait l’objet d’une citation à l’ordre du 68e régiment d’infanterie, citation n° 228 du 1er mai 1919 « Gradé dévoué et consciencieux. Tué glorieusement le 25 septembre 1914 à Thuisy. »

Lucia VIGUIER, fille du chef de gare de la station d’Arçay (Vienne), naît en 1878. Employée à la Pharmacie Queuille, elle vit au 19 rue de la Gare en 1921, et au 19 rue Jacques-Bujault en 1931, certainement pour aider Ernestine Courallet qui a alors 80 ans.

Mais ceux qui m’ont le plus touchée sont deux copains du même âge qui ont vécu au dessus de la pharmacie en 1896 et 1901, Arthur PLANTIVEAU marqué par trop de décès prématurés, et Émile CAMET, père d’Émilie trompe la mort.

Quand Arthur PLANTIVEAU naît à Vouillé le 27 octobre 1875, son père Arthur, maréchal, est décédé depuis quatre semaines. Il a cinq jours quand sa sœur Félicité, 3 ans, disparaît. Sa mère, Françoise BOBEAU, ne survivra qu’une année à ces drames. Et en 1879 c’est sa grande sœur, Marie Amélie, qui décède à l’âge de 10 ans. Quand Arthur, châtain aux yeux bleus, le front découvert et le nez aquilin, part au service militaire, il ne lui reste que son frère aîné Auguste qui se marie en 1897 et a une petite fille en 1898, Mais quand Arthur revient du service militaire, il n’a plus personne, Auguste est décédé le 3 février 1899.
La vie continue. Arthur se marie en 1901. Georges Queuille et Émile Camet sont ses témoins. Il n’aura pas d’enfants, peut être consciemment ou inconsciemment, pour leur éviter les drames qu’il a vécus. Il vit tout près de la pharmacie, au 30 puis au 15 rue du Parvis-Saint-Hilaire.
La tragédie continue avec l’arrivée de la guerre. Arthur est mobilisé. Mais il est réformé en septembre 1915 pour psoriasis et obtient même une pension d’invalidité de 15 % pour démangeaison persistante. Le pharmacien Queuille a-t-il pu trouver une pommade miracle ? On ne peut le savoir, mais ce qui est sûr c’est qu’Arthur a pu poursuivre son activité à la pharmacie Queuille puisqu’il obtient une médaille d’honneur du travail en 1929.
Il décède à l’âge de 64 ans le 8 juillet 1939, juste avant l’arrivée d’une nouvelle guerre. Il est inhumé avec son épouse Marie MOUSSET (1882-1947) au Cimetière ancien de Bellune à Niort.

Émile CAMET naît à Chef-Boutonne le 21 février 1876. Brun aux yeux gris, front bas, nez fort, mention rond, visage ovale, Émile épouse Florence à Chef-Boutonne en mars 1903 et a pour témoin Georges Queuille. Neuf mois plus tard, naît son fils Robert, et là le témoin est Arthur Plantiveau. Émile habite comme Arthur rue du Parvis-Saint-Hilaire, au 21 puis au 33. En février 1909, c’est une petite Émilie qui vient agrandir la famille. Les témoins sont Georges Queuille et François Méchin qui vient d’avoir son diplôme de pharmacien de première classe à Bordeaux avec mention bien. Il habite au nouveau domicile des Queuille, avenue Bujault. Sous peu, il va créer une pharmacie à Foussais en Vendée, la pharmacie Méchin qui va exister pendant au moins 50 ans, continuant avec le fils. Sans doute, ces deux témoins ont-ils exprimé avec la foi qu’ils avaient dans les progrès médicaux tous leurs vœux de santé et longue vie à la petite Émilie. Mais personne ne pouvait imaginer qu’Émilie ne s’éteindrait qu’en octobre 2017 à l’âge de 108 ans 1/2.
Émile participe bien sûr lui aussi à la Première Guerre mondiale dans la 9e section d’infirmiers. Il a une petite interruption pour gastro-entérite chronique avec crises douloureuses. Quand il est renvoyé dans ses foyers le 7 février 1919, il habite à Niort, 7 rue Paul Bert.

Maintenant je voudrais vous proposer de continuer cette histoire de la pharmacie Queuille avec une photo du personnel de la pharmacie sur laquelle vous allez peut être reconnaître un grand-père, une arrière-grand-tante. Si c’est le cas, je vous remercie de bien vouloir le signaler, et peut être nous en y dire un peu plus.

3Pour terminer, évoquons le drame qui a eu lieu tout près de la pharmacie. Il y a tout juste 100 ans, le 21 décembre 1919 entre 9 et 10 heures du soir, un coup de feu a retenti, Un corps est allongé à 10 m de l’intersection entre la rue Rabelais et la rue de Saint-Maixent, à 1 m 50 du trottoir, parallèlement à l’axe de la rue, tête tournée vers la place de la Brêche, avec une large flaque de sang autour de la tête. Il s’agit d’un chef d’équipe chinois de 26 ans, Py The Tchen, originaire du Shandong. Il faut rappeler qu’à partir d’août 1916, environ 37 000 travailleurs chinois originaires pour la plupart du Shandong, sont envoyés en France pour participer à l’effort de guerre. Les soupçons se portent sur un autre Chinois, arrêté, jugé, mais acquitté faute de preuves.

Sources :
Beyern Bertrand, site http://www.bertrandbeyern.fr – Niort Cimetière des Sablières
Delorme-Guillon Gilles, Président d’Espéranto 79
Deux-Sèvres Dictionnaire biographique et Album, Flammarion 1906 pp 432 à 434
Devaux Guy « Les pharmaciens témoins de leur temps par la photographie » Revue d’histoire de la pharmacie/année 2007/354/pp 248-251
Goudeau Olivier « Histoire de Crimes ou les grandes affaires criminelles des Deux-Sèvres et de la Touraine », « La tragique Odyssée de Py (Niort, 1919 » site : oliviergoudeau.com
Grandjaud Dominique, Revue « Histoire du Pays d’Aigre » octobre 1999
Landreau Philippe, « Les Deux-Sèvres à Paris, la Fouace » Archives Départementales des Deux Sèvres 2015
Le Mémorial de l’Ouest, décembre 1919
La Nouvelle République, L’inventeur niortais du « vin de Gloria », 13 août 2014
Petitdant Bernard : Emballage de la pharmacie Queuille – Clystère (www.clystere.com) n° 44, 2015
Texier André « Niort de 1914 à 1925 » Éditions du Terroir 1983

Photographies : Archives départementales des Deux Sèvres :
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