Marc Bouchet continue d’explorer, dans les Archives des Deux-Sèvres, des documents relatant des rapports difficiles entre certains curés et certains villageois au XIXe siècle. Aujourd’hui, Marc nous emmène à Saint-Aubin-le-Cloud où le prêtre se plaint au préfet Dupin des claies (les barrières des champs ou des chemins) et du garde-champêtre.

Le 1er mai 1811, l’abbé Germon, curé de Saint-Aubin-le-Cloud, envoie au préfet des Deux-Sèvres une lettre dans laquelle il déplore que la loi sur la liberté des chemins vicinaux qui vont d’un bourg à un autre ne soit pas observée dans la commune. « Les chemin se trouvent entravés par un nombre de claies qui exposent les voyageurs à se faire arriver quelques accidents » affirme-t-il.
Lui-même a failli périr et se noyer à cause d’une claie qui « se trouva engagée à la sangle de sa monture » alors qu’il exerçait son ministère. La monture s’est débattue et a arrachée deux « vairons » (barreaux) de la claie. Le prêtre a été jeté dans le cours d’eau proche de la claie.
Le curé de Saint-Aubin-le-Cloud a porté plainte auprès de monsieur Garnier, sous-préfet de Parthenay. Ce dernier a peut-être cru que cet incident ne relevait pas de sa compétence puisqu’il n’a rien fait. Le maire a donné des ordres au garde-champêtre qui n’a rien fait aussi. « Car pour quelques régalades, il permet tout ce que l’on veut » accuse l’abbé Germon.
Selon le pasteur de Saint-Aubin-le-Cloud, le garde-champêtre a même dit tout haut à la sortie de la messe, il y a environ deux mois que « personne n’est capable de faire ôter telle ou telle claie, qu’il les prend sous sa protection et devrait-on le casser, briser qu’il n’en ferait rien. » « C’est un ivrogne fieffé, on peut même le regarder comme un exacteur* et un concussionnaire* » souligne le prêtre.
Et le prêtre d’accuser le garde-champêtre de prendre les bêtes qu’il trouve dans les champs des autres, de s’arranger avec les possesseurs des dites bêtes et se faire payer pour qu’il leur rende. Avec les chasseurs qu’il trouve, il les menace de procès verbal, s’ils ne veulent pas s’arranger avec lui. « Alors on en vient aux accommodements et il tire ce qu’il peut. »
Le jugement de l’abbé Germon est sans appel, le garde-champêtre est un « homme absolument incapable de remplir la place de garde champêtre, qui ne remplit pas son état et n’exécute point les ordres que lui donne le maire. » Et le curé donne le nom de ce garde-champêtre : un nommé Dutoy (Dutoit), fendeur ou faiseur de merrains (planche pour faire les tonneaux) et de lattes. Et s’il faut des preuves, il est prêt à en apporter. Et de demander que le préfet fasse ôter les claies sur les chemins qui vont de Saint-Aubin-le-Cloud à Secondigny, à Pougne, à Hérisson et à Adilly.
Il insiste une dernière fois, en soulignant qu’ils ont failli être blessés, sa jument et lui, il y a peu, « par la fermeture précipitée d’une claie » qui ne lui laissa pas le temps de passer. Et il rappelle encore qu’il a adressé une plainte, il y a trois mois, à monsieur Garnier, sous-préfet. « Mais peut-être, ajoute-t-il, que le sous-préfet ne connaît pas les dangers encourus par les voyageurs et que la fermeture des claies ne relève pas de sa compétence. »
Notes : vers 1821, l’abbé Germon dessert Fénéry alors qu’il est toujours curé de Saint-Aubin. Il touche 750 francs pour cette dernière paroisse.
*Exacteur : Celui qui exige, généralement par la force, le payement de ce qui n’est pas dû.
*Concussionnaire : Celui qui fait un profit illicite, dans l’exercice d’une fonction publique.
Réf. 11 f 40. Archives départementales des Deux Sèvres.