M comme Marie Miot

Un texte de Marc Bouchet

Le 8 avril 1830, Marie Miot, par testament passé devant Me Granger, notaire à Verruyes, donne et lègue aux pauvres : « une rente perpétuelle de 20 doubles décalitres de blé, moitié seigle, moitié baillarge que je charge mon mari et après lui mes héritiers de leur payer sans retenue à compter du jour de mon décès et ainsi continuer d’année en année à la même époque et à perpétuité. » Outre ce don aux pauvres de Mazières- en-Gâtine, elle a fait un don à son mari et à sa filleule.

Qui est Marie Miot ?

Il est intéressant de noter que la famille de Marie est une famille de paysans modestes habitant Mazières-en-Gâtine.
Le 27 octobre 1792, un acte de partage avait été passé devant le notaire Bonnenfant par les membres de la famille Miot après le décès de François Miot, grand-père de Marie. François avait épousé en premières noces Jeanne Veillon, puis après le décès de cette dernière avait contracté mariage avec Marie Françoise Bonnet, épouse vivante au moment de l’acte de partage. Étaient présents à l’acte de partage, Jean Robert demeurant la Soultière, veuf de Charlotte Miot, fille décédée de François et Jeanne Veillon, représentant ses enfants mineurs, Louis Miot, bordier demeurant à Beauchamps, les mineurs François, Joseph, Madeleine, enfants de François et Marie François Bonnet, demeurant à la Lière, représentés par leur oncle maternel Joseph Bonnet. L’ensemble des domaines partagés par les parties ont été évalués en revenus de 50 livres. Réf. 3 E 14598

Marie est née à Mazières-en-Gâtine, le 16 nivôse an 6, fille de François Miot et Radegonde Dupont. Les témoins sont Pierre Dupont et Marie Bonnet. François Miot a épousé Radegonde Dupont, en l’an 2 et ils ont passé un contrat de mariage devant Me Proust, notaire à Verruyes, le 11 pluviôse de l’an 2. Chacun des deux époux apporte à la communauté une somme de 300 livres. Parmi les conditions du contrat, le couple accueillera ladite Bonnet, mère de Radegonde. François habite le village de la Lière et Radegonde au bourg de Mazières. Réf. 3 E 14600.

Le couple Miot-Dupont donnera naissance à quatre enfants, Marie ainsi que Joseph, Françoise et François qui sont décédés très tôt. En effet, le 2 nivôse de l’an 12, François Miot fait la déclaration de succession de Joseph, décédé à l’âge de 8 ans, le 8 thermidor de l’an 12. Et le dernier jour complémentaire de l’an 12, il déclare la succession de François. La mère de Marie décède le 16 floréal de l’an 11, à Mazières-en-Gâtine. Radegonde est âgée de 32 ans. Le 28 brumaire de l’an 14, devant Théodore Brunet juge de paix de Mazières-en-Gâtine, François Miot manifeste son intention de faire l’inventaire des meubles et effets de la communauté qui existe entre sa fille mineure et lui-même. Pour cela il réunit le conseil de famille afin de donner un subrogé tuteur à sa fille. Le conseil est composé de Louis Miot, demeurant Saint-Georges-de-Noisné au village d’Aurioux, oncle paternel de Marie, Jean Louis Russeil et Louis Russeil,  propriétaires, ses parents au 4e degré du côté paternel, demeurant à la Cointerie de Saint-Pardoux, Louis Dupont, maréchal au bourg de Mazières-en-Gâtine, son oncle maternel, Jean Bonnet, maire de Mazières, propriétaire, oncle maternel de Marie, à cause de Marie Dupont, son épouse et François Veillon, propriétaire, demeurant à la Glamière, commune de Saint-Pardoux, cousin au 4e degré du côté maternel. Réf. Justice de Paix de Mazières-en-Gâtine.

Le conseil de famille a nommé Louis Dupont, subrogé tuteur pour aider François Miot à faire le partage et l’inventaire. Pour connaître les biens possédés par Radegonde Dupont, il faut se référer à la succession déclarée par François Miot, le 29 vendémiaire an 12. L’acte de succession souligne que François est « père bienveillant de sa fille. » On trouve une somme de 500 francs reçue devant le notaire Beaudoin, à Parthenay le 26 pluviôse an 11. Réf. 3 E 12298. Plus la moitié de la somme de 500 francs, portée en l’acte obligatoire, passé devant Me Baschard, notaire à Secondigny, le 26 nivôse an 9. Réf. 3 E 8082. Plus la moitié de la somme de 500 francs, acte du même notaire Baschard, du 3 floréal an 9. Réf. 3 E 8082. Plus le quart d’une borderie sise à la Chabirandière, sise à Mazières-en-Gâtine, dont jouit verbalement Pierre Dupont, au revenu de 30 francs. Plus un mobilier d’une valeur de 200 francs. François Miot précise que son épouse est décédée sans vêtement.

En fait, François Miot a voulu que la succession de sa défunte épouse soit mise au clair avec sa fille mineure car il a le projet de se remarier. Et en effet, le 7 frimaire an 14, il épouse Marie Veillon, âgée de 38 ans, demeurant à la Veslière de Saint-Marc-la-Lande. La nouvelle épouse est veuve de René Pelletier, décédé le 7 nivôse an 11. Elle élève ses 3 enfants, nés de son premier mariage, soit Marie Madeleine âgée de 15 ans, René âgé de 11 ans et Pierre qui a 8 ans. Un acte de tutelle a été passé,le 28 brumaire an 14, aux termes duquel Marie Veillon, conserve la tutelle de ses enfants mais François Miot est nommé cotuteur. Les deux époux ont passé un contrat de mariage devant Me Baraton, notaire à Champdeniers, le 14 frimaire an 14.

Le 6 mars 1813, François Miot, atteint selon ses propres mots « depuis quelques mois, d’une maladie grave dont il craint le plus funeste effet », décide d’émanciper sa fille Marie, son unique héritière, alors âgée de 15 ans. Ayant jugé que la jeune fille a atteint l’âge de raison, et qu’elle s’est toujours bien comportée, François estime qu’elle peut jouir par elle-même de ses biens meubles et peut percevoir le revenu de ses immeubles. Devant le juge de paix de Mazières-en-Gâtine, Théodore Brunet, il choisit un curateur pour sa fille en la personne de Joseph Miot, garde champêtre de la commune, et oncle de Marie. Ce curateur pourra l’assister et l’autoriser quand elle aura besoin. Réf. Justice de paix de Mazières-en-Gâtine. Le père de Marie a eu un juste pressentiment puisque le 26 avril 1813, François Miot décède à la Lière de Mazières. Son tuteur Joseph Miot a été garde champêtre à Mazières-en-Gâtine et à Saint-Marc-la-Lande. Il fut accusé de bonapartisme, en 1818, par une pétition rédigée contre lui. Il a été poursuivi pour accusation de corruption dans l’exercice de ses fonctions.  Nous avions fait, dans la revue du Cercle généalogique, un article intitulé L’affaire du garde champêtre de Mazières.

Et le 1er octobre 1813, Madeleine Veillon, en son nom et agissant pour Marie Miot, vient faire la déclaration de succession. Il leur est échu la moitié d’un morceau de pré et deux pièces de terre, situés à Sainte-Ouenne, le tout non affermé d’un revenu de 22 francs, au capital de 440 francs. Ainsi qu’une pièce de terre, non affermée, sise à Germond d’un revenu de 20 francs au capital de 200 francs. Et le 3 novembre 1817, Marie utilise son droit de passer gérer par elle-même ses biens en présence de Joseph Miot, elle afferme pour 7 années jusqu’en 1825, à Philippe Dion (ou Guion) et Marie Bonnet, son épouse, et à Jean Bonnet, frère de ladite Bonnet, demeurant à la Guittonnière, la métairie de la Bouctière. Marie a signé l’acte de fermage passé devant le notaire Bonnenfant.

Mariage de Marie

Marie épouse Pierre Bonnenfant, le 27 avril 1819, à Mazières-en-Gâtine. Pierre Bonnenfant est veuf de Marie Rose Gautier qu’il avait épousé à Vouhé, le 14 octobre 1813. Pierre Bonnenfant est un des cinq enfants de Jean Bonnenfant et Marie Couturier, tous les deux décédés. Jean Bonnenfant était notaire à Verruyes. Un contrat de mariage avait été passé devant Me Ardouin, notaire à Parthenay, le 29 septembre 1813. Pierre était domestique à la Martinière de Vouhé et Rose Marie habitait à Bois-Grolier. Il est à noter que Rose Marie Gautier savait lire et écrire puisqu’elle avait rédigé de sa propre main son testament en faveur de son époux, le 2 décembre 1813. Le dépôt du dit testament avait été fait en l’étude de Me Bernardeau, notaire à Parthenay, le 9 janvier 1814. Réf. 3 E. 13743. Un contrat de mariage a été passé le jour même du mariage, auprès de Me Pouzet, notaire à Mazières. Le futur époux apporte 3 500 francs provenant de la succession mobiliaire de ses père et mère ainsi que de son travail et de ses économies. La future épouse apporte 6000 francs de la succession mobiliaire de ses père et mère. Elle déclare apporter 3 500 francs, les 2 500 restants n’entreront pas dans la communauté, elle se les réserve pour elle, les siens, et ses héritiers collatéraux. Réf.  3 E.14683

Signatures des époux sur le contrat de mariage

Pierre Bonnenfant devient maire de Mazières-en-Gâtine. Il est nommé par le préfet des Deux-Sèvres, le 5 mai 1824, en remplacement du citoyen Vivier, démissionnaire. Et par arrêté du 17 mai, le sous-préfet de Parthenay nomme à son tour Pierre Bonnenfant, maire du dit Mazières.

Paysanne de Mazières-en-Gâtine (source AD79)

Marie est décédée le 6 mai 1830, au lieu de la Chabirandière de Mazières-en-Gâtine, âgée de 30 ans. La déclaration de son décès a été fait, le 7 mai, par Jean Auclair, garde champêtre, et Jean Vivier, domestique au château du Petit-Chêne. La déclaration de succession de Marie est faite au bureau de Parthenay, le 2 octobre 1830 par Jean Bonnet, demeurant à la Guillonnière de Mazières. Celui-ci représente, comme la défunte est décédée sans enfants, les héritiers de la famille Dupont et Miot. Les biens déclarés sont la borderie de la Chabirandière, exploitée par Pierre Bonnenfant, l’époux de Marie, borderie évaluée à 41 francs de revenus. Plus la moitié de deux champs situés aux Brossardières de Saint-Pardoux et le pré de la Mouline, situé même commune. Les biens acquis par la communauté Bonnenfant-Miot se composent de la moitié d’un pré situé à Saint-Georges-de-Noisné estimé à 9 francs 58 et d’un demi-champ situé à Saint-Pardoux, estimé à 10 francs. Et le 3 novembre 1830, Pierre Bonnenfant fait la déclaration de succession de son épouse défunte, soit la moitié du mobilier de la communauté, évalué à 900 francs 60, donc 450 francs 30. Il déclare aussi l’usufruit des immeubles délaissés par la défunte, c’est-à-dire 2 347 francs dont 117 francs 50. Réf. 3 Q-19/ 149, numéros 36 et 66.

Le 14 avril 1844, le conseil de fabrique de Mazières-en-Gâtine accepte le legs de Marie Miot. Auparavant, le 23 février 1844, le conseil municipal du dit Mazières s’était déjà réuni, sous la présidence de monsieur Alain Jorigné, maire, et après avoir affirmé son acceptation du legs, avait donné mandat pour faire les démarches nécessaires auprès des autorités impliquées par le don. Pierre Bonnenfant s’engage par écrit de sa propre main « à verser pendant sa vie et après lui ses héritiers » la rente de vingt double-décalitres de blé, moitié baillarge et moitié seigle. Les autorités locales, sous-préfet et préfet, et nationales, ministre de l’Intérieur, vont donner leur accord. Outre ce legs, Marie Miot avait aussi fait don de 250 francs pour faire dire des messes à son intention. Elle avait aussi donné 200 francs à l’église de Mazières. Elle avait également légué à sa filleule, Marie Eléonore Barlière, une rente viagère de 150 francs que son mari et les héritiers devraient payer jusqu’au décès de ladite filleule. N’ayant pas d’enfants nés de son mariage, Marie a pu vouloir faire bénéficier de sa générosité cette filleule.

Dans les registres de l’état civil de Mazières, on trouve le mariage de Marie Barrelière ou Barelière, le 23 septembre 1844, avec Jean Faucher. Ses parents habitent la Chabirandière de Mazières et parmi les témoins, on note la présence de Pierre Bonnenfant, parrain de l’épouse. On peut supposer qu’au baptême de  Marie Barelière, Marie Miot avait été marraine de cette dernière. Réf 4 E 179/ 6.

Et le 7 mai 1844, Le vicaire général du diocèse de Poitiers, de Rochemonteix, au nom de l’évêque, Mgr Joseph André Guitton, donne son autorisation au trésorier de la fabrique de Mazières-en-Gâtine, pour recevoir le don de Marie Miot. Toutes les références de ce don peuvent être consultées dans la série 4 O 152. Dons. Mazières-en-Gâtine. Après le décès de sa seconde épouse, Pierre Bonnenfant se remarie pour la troisième fois. Il lie union avec Marguerite Victoire Pineau, fille de François et Madeleine Texier, demeurant à la Martinière de Vouhé (où il avait été domestique lors de son premier mariage). Un contrat de mariage a été passé devant Me Guilhaud, notaire à Parthenay, le 2 juin 1834. Marie Victoire a signé le contrat de mariage. Réf. 3 E 12323.

Pour conclure, je veux souligner que, outre l’intérêt de la recherche sur le don fait par Marie Miot, j’ai trouvé dans cette famille Bonnenfant-Miot des femmes ou des épouses qui savaient lire et écrire.  Une chose pas si courante même au XIXe siècle.

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