L comme Louin et son épicière, Mme Billerot

Un texte d’Emmanuelle Phan (Des gens d’avant)

Dans les années 1950, Madame Billerot était une des deux épicières de Louin, village du nord des Deux-Sèvres, à mi-chemin entre Thouars et Parthenay, 709 habitants (Insee 2017)

L’épicière de Louin

Je connais Madame Billerot par le récit familial et quelques photos. Sur celle-ci, datée de 1956, elle se tient devant sa boutique, entourée de deux fillettes, ma mère et sa sœur. Mme Billerot avait alors 84 ans. Ma mère raconte : « nous l’aimions bien car quand nous entrions dans sa boutique avec mon grand-père, elle nous offrait des « bonbons haricots » de toutes les couleurs qu’elle tirait d’un grand bocal. » Elle avait un fils, Fernand, qui se chargeait de la distribution des journaux en porte-à-porte.

Mme Billerot devant son épicerie , 1956. Archives familiales

Ces photographies et souvenirs ont été précédemment communiqués au site Mémoire de Louin, page sur les portraits des commerçants.

Mais qui est vraiment Madame Billerot ?

On pense que Madame Billerot est veuve de guerre, me dit ma mère. Ou qu’elle y a perdu son fils. Ou son fils et son mari. – mais il n’y a qu’un Billerot sur le monument aux morts 1915. Y a-t-il un mystère Billerot ? Son fils est-il réellement son fils ? Au moment où j’ai commencé cette enquête généalogique, voilà les questions qui se posaient.
J’ai pu reconstituer une partie de la vie de Mme Billerot en exploitant des ressources disponibles au public : Archives départementales des Deux-Sèvres, cimetière de Louin.

La vie ordinaire d’une femme de sa génération

Au final, cet article raconte l’histoire d’une vie somme toute ordinaire, la vie d’une femme de sa génération, marquée par les drames personnels de la Première guerre mondiale, comme tant d’autres femmes.
L’épicière de Louin s’appelle Rose Angelina Bigot. Elle ne semble pas avoir vécu ailleurs qu’à Louin. Née en 1872, fille de cultivateurs, mariée à un cordonnier. Ils ont un fils unique d’abord, qui devient cordonnier lui aussi mais meurt pour la France à l’âge de 20 ans. Le père aussi mobilisé revient de la guerre et il leur naît un second fils en 1918, 3 ans après le décès de l’aîné. Mme Billerot devient veuve en 1929, elle a alors 56 ans et un fils de 11 ans. Je suppose que c’est à ce moment qu’elle devient épicière. Elle décède à l’âge de 93 ans (1965). Son fils lui survit une vingtaine d’années.

La vie avant la Première Guerre mondiale

1872. Naissance de Rose Angélina Bigot à Louin

Rose Angelina Bigot nait le 26 mars 1872 à Louin. Son père Jean Narcisse BIGOT, 35 ans, cultivateur. Mère Rose Dézanneau, 38 ans, sans profession. Le père ne signe pas. Les témoins sont deux Jean Voyer, l’un âgé de 48 ans, marchand, et l’autre âgé de 25 ans, maréchal. Ils signent tous les deux. Tout ce monde vit à Louin.

Transcription de l’acte de naissance :
L’an 1872, le 26 du mois de mars sur les 8 heures du matin
Par devant nous Jacques GUERUCHON, officier de l’État Civil de la commune de Louin canton de Saint-Loup département des Deux-Sèvres
Est comparu Mr BIGOT Jean Narcisse, âgé de 35 ans, demeurant à Louin, profession de cultivateur
Lequel nous a présenté un enfant du sexe féminin, né le 26 mars, sur les 2 heures du matin, en son domicile de lui déclarant et de DéZANNEAU Rose, son épouse, âgée de 38 ans, sans profession, demeurant à Louin, à qui il a été donné le prénom de Rose Angelina
Lesdites déclaration et présentation faites en présence de Mr VOYER Jean, âgé de 48 ans, demeurant à Louin, profession de marchand, et de Mr VOYER Jean âgé de 25 ans, demeurant à Louin, profession de maréchal, et ont les déclarant et témoins signé excepté le déclarant qui a déclaré ne savoir signer, le présent acte, après qu’il leur en a été fait lecture
Signatures : Voyer Jean, Voyer Jean
Mention marginale : décédée à Airvault, 16 mars 1965

Acte de naissance, Louin, 187.2 AD79 4 E 162/3

1894. Mariage de Rose Angelina Bigot avec Jean Théophile Billerot, à Louin

À son mariage, le 2 juillet 1894, Rose Angelina Bigot est âgée de 22 ans. Elle vit toujours à Louin, sans profession. Son père Narcisse Bigot est décédé depuis 3 ans (Louin, 13 août 1891). Sa mère, Rose Dézanneau, est âgée de 61 ans.
Rose Angelina Bigot a au moins deux frères aînés, témoins à son mariage : il s’agit de Jean et Paul Bigot, respectivement âgés de 33 et 30 ans, tous deux cultivateurs à Louin. Tous les deux signent, contrairement à leur père 22 ans plus tôt.
Les informations concernant les frères proviennent de ressources en ligne que je n’ai pas vérifiées : Jean (Jean Narcisse BIGOT) né vers 1860 serait à cette date déjà marié depuis 8 ans à Clémence MARSAULT (Louin,1887). Paul (Paul Désiré BIGOT), né vers 1863 se marie avec Marie Delphine GAILLARD trois ans après sa soeur (Louin 15 janvier 1895).

Signature sur son acte de mariage en 1894

Elle signe aussi, Angelina Bigot.
Le mari d’Angelina Bigot se nomme Jean Théophile BILLEROT. Âgé de 25 ans. Cordonnier à Louin. Cependant, sa famille vient d’ailleurs, de Saint-Martin-du-Fouilloux. Il signe Th Billerot (Théophile)

Concernant Saint-Martin-du-Fouilloux : j’ai été bien surprise de découvrir l’existence de deux communes portant ce nom, l’une dans les Deux-Sèvres (79420), l’autre dans le Maine-et-Loire (49170), deux communes distantes d’une bonne centaine de kilomètres. La naissance de Jean Théophile Billerot figure bien dans les registres du Saint-Martin-du-Fouilloux des Deux-Sèvres (18 mars 1869 4 E 285/3 vue 228)

Les deux Saint-Martin-du-Fouilloux (Google Maps)

Non seulement sa famille vient d’ailleurs, 30 km, mais ne sont pas des agriculteurs. Ses parents, Jean Pierre BILLEROT et Marie Louise CHARRON, sont dits marchands. Un autre acte nous apprend qu’ils sont plus exactement épiciers (mariage de Pierre Fridolin BILLEROT, 17 décembre 1894, Tours).

Mariage Bigot x Billerot, Louin, 1894. AD79 4 E 162/9

1895. Naissance de leur fils, Maurice Billerot

14 mars 1895, naissance de Maurice Raymond Delphin Roger BILLEROT à Louin. Son père Jean Théophile BILLEROT, cordonnier à Louin, et sa mère Rose Angelina BIGOT, sans profession. Témoins : Delphin BILLEROT, 24 ans, négociant, Parthenay (c’est le plus jeune frère de Théophile Billerot) et Delphin GAILLARD ; 42 ans, instituteur à Louin.

Naissance Maurice Billeroy, Louin, 1895. AD79 4 E 162/9

Cette naissance est la seule, du moins pour l’instant. À ma connaissance, Maurice Billerot est resté, de son vivant, l’unique fils du couple.

La vie de la famille Billerot jusqu’à 1914

Mari et fils cordonniers dans le bourg de Louin
Les recensements de Louin de 1901 et 1906, lorsque le fils Maurice Billerot a 6 ans puis 11 ans, nous confirment que Théophile Billerot reste cordonnier, patron, et Angelina Billerot sans profession. Ils vivent dans le bourg de Louin.

Recensements 1906 et 1911, Louin. AD79 6 M 213

Par sa fiche militaire, on sait que le fils, Maurice Billerot, était lui aussi cordonnier vers l’âge de 19 ans, en 1914.

Caractéristiques physiques d’après les fiches militaires
Les fiches militaires nous indiquent les caractéristiques physiques du mari et du fils.
Le mari, Théophile Billerot, a les yeux et sourcils châtain foncé, yeux roux, front haut, nez petit, bouche grande, menton rond, visage plein, taille 1m61, signe particulier : rousseur légère.
Le fils, Maurice Billerot, cheveux noirs, yeux bruns, front large, nez ordinaire, visage rond, 1m69, degré d’instruction 3 (ce qui signifie : possède une instruction primaire plus développée que juste savoir lire et écrire)
De 1895 à 1914, la future épicière de Louin Rose Angelina Billerot vit donc avec son mari cordonnier, un fils unique qui devient aussi cordonnier. Les archives ne permettent pas d’imaginer autre chose qu’une vie de famille plutôt tranquille. La Première Guerre mondiale va tout bouleverser.

La Première Guerre mondiale

1915. Le décès du fils, Maurice Billerot

Plaque de l’église de Louin

Maurice Billerot est mobilisé en décembre 1914 et décède le 8 octobre 1915, à l’âge de 20 ans. Il était soldat dans le 125e régiment d’infanterie, matricule 1023. Tué à l’ennemi à Loos, Pas-de-Calais. Voir sa fiche Mort pour la France dans la base Mémoire des hommes et sa Fiche matricule bureau de Parthenay, classe 1915, Matricule 1023, Archives départementales des Deux-Sèvres R 698 vue 36/725.
Sa fiche matricule indique qu’il est arrivé au corps le 17 décembre 1914, passé au 125e régiment d’infanterie à Poitiers le 15 avril 1915, tué à l’ennemi à Loos le 8 octobre 1915.
Le nom de Maurice Billerot figure sur le monument aux morts de Louin, au côté des 55 morts de 1914-18. Le site MémorialGenWeb m’apprend que Maurice Billerot figure aussi sur la plaque commémorative située dans l’église de Louin.

La guerre du mari

Voilà ce que nous apprend la fiche matricule du mari d’Angelina Bigot, Registres matricules > Bureau de Parthenay classe 1889,  Cote : R 647-1
Théophile Billerot a effectué son service militaire entre 1890 et 1893, avant de se marier. Certificat de bonne conduite accordé.
Lors de la mobilisation du 1er août 1914, il est âgé de 45 ans. J’ai l’impression qu’il ne reste mobilisé que 2 jours dans un premier temps, puis est appelé au 20e régiment d’artillerie le 16 novembre 1914. Il reste sous les drapeaux pendant 15 mois, jusqu’en février 1916. C’est pendant cette période qu’il perd son fils unique, Maurice Billerot.
Ensuite, il est en sursis et travaille alternativement à la maison Silard à Doué (Doué-la-Fontaine, 49) et à la maison Maurice à Châtellerault. Châtellerault et Doué sont situées à 50 – 60 km de Louin. J’ai recherché des traces des entreprises mentionnées. Il s’agirait de manufactures de chaussures :
Pour la maison Maurice : H. Maurice et E. Berthelemy, Manufacture de chaussures. Chaussures, cuirs, sabots et galoches, feutres et sandales. 8 rue Sainte Marthe à Châtellerault. J’ai repéré une facture de 1911 sur le site Delcampe.net
Concernant la maison Silard, des cartes postales toujours sur Delcampe montrent la sortie des ateliers de la maison Silard et fils (avant 1905). J’ai aussi repéré des factures de Silard et fils : « manufacture de chaussures cousues et clouées (A. Silard et Fils, Doué-la-Fontaine. 1911 et 1912) »
Ce travail en manufacture de chaussures est cohérent avec son métier (cordonnier) et ce que j’imagine du besoin de production de chaussures pendant cette guerre. Néanmoins, des précisions seraient bienvenues sur le contexte, si des lecteurs de cet article en ont. Il s’agit d’un homme de plus de 45 ans, en sursis, dont la fiche militaire retrace des activités liées à sa profession dans des usines situées plutôt loin de chez lui.  Voici l’extrait de la fiche matricule d’où je tiens les informations.

Extrait de la fiche matricule de Théophile Billerot. AD79 R 647-1

Le 16 mars 1917, il est « détaché dans ses foyers à Louin au titre de propriétaire exploitant ». Libéré définitivement du service militaire le 30 novembre 1918. Il est alors âgé de 49 ans.

La guerre d’Angelina

Quant à Rose Angelina Billerot, la future épicière de Louin, on ne connaît de sa guerre que le départ du mari au 3e mois de la guerre, celui de son fils de 19 ans au 4e mois de la guerre, la mort du fils au 7e mois de la guerre, le retour du mari à une forme de vie civile mais loin du domicile au 18e mois de la guerre et le retour définitif du mari au 29e mois de la guerre.

L’enfant de la fin de la guerre

Le mari d’Angelina Billerot rentre à Louin en mars 1917. Un an plus tard leur naît Fernand Jean Paul BILLEROT, vingt-deux ans après la naissance et trois ans après le décès de son frère aîné Maurice Billerot.
Fernand BILLEROT, né le 6 mars 1918 à Louin, décédé le 13 décembre 1989 à Airvault (source : base décès de l’Insee et mention marginale sur l’acte de naissance)
Découvrir cette naissance a été pour moi une surprise. Je ne peux que supposer que cela l’a été également pour eux et pour leurs proches.

Transcription de l’acte de naissance
Le 6 mars 1918, à 6 heures du matin, est né à Louin Fernand, Jean, Paul BILLEROT du sexe masculin de BILLEROT Jean Théophile, 49 ans, cordonnier, et de BIGOT Rose Angelina, 46 ans, sans profession, son épouse, domiciliés à Louin
Dressé par nous, le 7 mars 1918, 2h du soir, sur présentation de l’enfant et déclaration faite par le père
En présence de Augustin CORNUAU (…) instituteur demeurant à Louin, et de Louis CHILLOC(?) garde champêtre demeurant à Louin, témoins majeurs qui, lecture faite, ont signé avec le déclarant et nous, GUERUCHON François, maire de Louin

Naissance Fernand Billerot, 1918, Louin. AD79 AE 162/15

La vie d’après la guerre – 1918-1929

Quelle fut la vie d’après-guerre de Rose Angelina Bigot épouse Billerot, avec son mari revenu, son aîné décédé et un nouvel enfant ? Voici les quelques éléments dont j’ai connaissance par les archives accessibles en ligne et visites au cimetière de Louin.

Une vie en famille, 1918-1929

Faute d’éléments, je ne peux que supposer que la famille passe la première décennie d’après-guerre à Louin, le mari Théophile Billerot cordonnier, comme en 1918 ; la femme Rose Angelina Billerot mère au foyer ; un enfant à élever, Fernand.

La belle-mère à la maison ?

Peut-être la mère de Théophile Billerot vit-elle avec eux à Louin dans ses dernières années, 1923-1929. Retraçons son parcours, à la belle-mère. Elle s’appelle Marie Louise CHARRON.
En 1906, elle vivait encore avec son mari à Saint-Martin-du-Fouilloux (79). Elle aurait alors 62 ans. Je ne connais pas la date du décès du mari Jean Pierre Billerot.
En 1923, elle est déjà veuve mais vit encore à Saint-Martin-du-Fouilloux (décès de Clément Billerot, 7 juillet 1923, Bois-Colombes 92)
En 1926, elle aurait 82 ans. L’acte de décès d’un de ses enfants la rapporte domiciliée à Saint-Loup-sur-Thouet, à 3 km de Louin (décès de Fridolin Billerot à Tours, 1926).
En 1929, elle décède vraisemblablement à Louin, ou à Saint-Loup-sur-Thouet, ou dans les environs. Louise Charron repose au cimetière de Louin : Marie Louise CHARRON, veuve de Jean BILLEROT, 6 août 1844 – 2 Juin 1929.

Et les frères et sœurs, beaux-frères et belles-sœurs ?

Pour être complet, il faudrait prendre des nouvelles de la famille proche du couple. Je n’ai pas recherché de manière approfondie, juste quelques informations glanées de ça de là, qui font l’impasse sur d’éventuelles sœurs d’ailleurs.
Côté Rose Angelina Bigot épouse Billerot, il y a au moins Jean et Paul BIGOT, ses frères. Aux dernières nouvelles ils sont cultivateurs à Louin et toujours à Louin en 1906 (recensement). Jean (Jean Narcisse) BIGOT, 14 juillet 1861- ?, marié en 1887 à Clémence MARSAULT;. Paul Désiré BIGOT, 1863 – ?, marié à Marie (Marie Delphine) GAILLARD à Louin le 15 janvier 1895. Je n’ai pas trouvé leurs dates de décès, ni recherché des enfants… donc, je ne peux rien dire sur une éventuelle proximité avec une famille proche, à Louin.
Côté Théophile Billerot, il y a au moins trois frères : Fridolin, Clément et Delphin Billerot. Eux n’étaient pas cultivateurs à Louin mais employés de commerce à Tours et négociant en confection à Parthenay (Clément). Tous ont été mariés, au moins Clément a eu des enfants dont un mort pour la France (Raymond Gaston Maurice Billerot 1894 – 1916). Je n’ai pas retracé leurs parcours.
Impossible ici encore de dire si les familles étaient proches, et de toute façon leur fréquentation ne pouvait pas être quotidienne au vu des distances : Tours 100 km, Parthenay 20 km. Les frères meurent en 1912, 1923 et 1926 … bientôt suivis par Théophile Billerot, en 1929.

Tombe Billerot, cimetière de Louin (photographie personnelle)

C’est le cimetière de Louin qui m’indique la date de décès de Théophile Billerot, le mari de la future épicière : Jean Théophile BILLEREAU, 11 mai 1869 – 4 juin 1929.
Théophile Billerot décède 2 jours après sa mère. Il avait 60 ans. Je ne me suis pas procuré les actes de décès. Je n’ai aucune idée de ce qui a pu valoir ces deux décès coup sur coup, le mari et la belle-mère d’Angelina Billerot.

La vie de Mme Billerot, veuve, après 1929

Les années 1930

Voilà Madame Billerot veuve. Elle a 57 ans et un fils de 11 ans. Je suppose que c’est à ce moment qu’elle devient épicière. En tous cas elle l’était en 1936 (recensement). Avait-elle des biens, des revenus ? Pour en savoir plus, il faudrait rechercher les documents de successions de son mari, de sa belle-mère et aussi retracer l’histoire de leurs propriétés, s’ils en avaient.
En 1931, Fernand Billerot est identifié sur la photo de classe de l’école des garçons. Site Mémoire de Louin  https://memoiredelouin.fr/images/stories/09_photosclasse/1931g.pdf rang du fond, enfant les plus à droite. Il a 13 ans.
1936, le recensement indique que Angelina Billerot, née en 1872, épicière, patron, vit avec son fils Fernand Billerot, né en 1918, profession néant. Elle a donc 64 ans et son fils en a 18.
1938, c’est l’année des 20 ans de Fernand Jean Paul Billerot. Il figure bien dans les registres de recensement militaire de Niort, matricule 968 R 945. Je n’ai pas essayé d’accéder à sa fiche militaire. Passe la Seconde Guerre mondiale, je n’ai aucune information sur la vie à Louin à cette période.

Les années 1960, et les photographies

Et donc je trouve Madame Billerot en 1959, toujours épicière avec ses 84 ans, sur la photographie présentée au début de cet article. L’épicerie, d’après ma mère, était à l’emplacement du 2(bis) rue André-Boutin. Il s’agissait d’une maison ancienne, démolie après la mort de madame Billerot, et remplacée par une maison moderne. Elle faisait angle avec l’actuelle rue du vieux puits et était attenante à la boucherie Boutin, qui fait partie de mes souvenirs à moi cette fois.
En 1959, son fils Fernand était âgé d’une quarantaine d’années. Dans les souvenirs de ma mère, tout le monde le connaissait bien car il passait chaque jour dans les maisons pour distribuer le journal La Nouvelle République. J’ai entendu à son propos qu’il était le simplet du village. Peut-être était-il atteint d’un léger handicap mental qui ne l’aurait pas empêché d’être intégré à la communauté.
En 1960 et 1961, deux photographies sont prises dans et devant la maison de mes grands-parents.

Mme Billerot, 1960 (archives familiales)
Fernand Billerot, 1961 (archives familiales)

Décès et sépultures

Tombe Billerot, cimetière de Louin (photographie personnelle)

Rose Angelina Bigot, Madame Billerot, décède à Airvault le 16 mars 1965 Elle était donc âgée de 93 ans. On m’indique qu’elle était alors en maison de retraite. Son fils Fernand Billerot décède le 13 septembre 1989 à Airvault – d’après les souvenirs de ma mère, il était dans la même maison de retraite que Madame Billerot. Le nom de Fernand figure sur la tombe familiale Billerot, entre Marie Louise Charron sa grand-mère et Jean Théophile Billerot son père. J’ignore où est la sépulture de Rose Angelina Bigot – y aurait-il une tombe familiale Bigot, à Louin, que je n’aurais pas repérée ?

Post-scriptum. Devant la tombe des Billerot dans le cimetière de Louin, en août 2020 : « CONCESSION EXPIRÉE. Le titulaire de cette concession est prié de se présenter d’urgence en mairie »

5 commentaires sur « L comme Louin et son épicière, Mme Billerot »

  1. Pas si ordinaire la vie de l’épicière qui traverse les guerres ! Etre mère à 46 ans est déjà un exploit !
    En tout cas, lorsque ma propre mémoire consent à revenir de « LOUIN », le souvenir des bonbons moghettes de l’épicière, hante encore mes papilles. Merci à toutes les épicières et à celles qui leur donnent une seconde vie.

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  2. Encore une invisible (ou presque) avec une vie si riche et inattendue ! Magie du souvenir : devant sa boutique, elle me rappelle toutes les « vieilles » de nos villages, toujours habillées de sombre, la grande blouse protégeant tout. Merci Emmanuelle, de cette visite de Louin.

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  3. Dans le village, on l’appelait « La mère Billerot », et ce n’était pas péjoratif. Mais ma famille n’était pas habituée à ce genre de titre et ne lui donnait que du « madame ».
    Ma sœur se souvient aussi de ses bonbons plats, rouges et rectangulaires, des « bonbons coquelicots » présentés dans un bocal qui nous paraissait bien grand.
    Témoignage de mon voisin S; qui l’a bien connue :
    « Mme Billerot dont on ne sait pas les revenus (touchant quelque chose en tant que veuve d’ancien combattant ?) ne gagne sa vie d’épicière qu’avec probablement la fidélité d’une clientèle se souciant de son train de vie très modeste.
    Quant à son fils Fernand, il faisait “partie du paysage”, allant et venant, parlant, riant… »
    Mon voisin S. continue : « Jusqu’à la mort de sa mère, Fernand vivra avec elle, d’abord dans la maison, mais ensuite, dès l’entrée de sa mère à la maison de retraite, il l’y rejoindra, ayant alors 47 ans. Décédé à 71 ans, ce sera donc pour lui un séjour de 24 ans dans cette “bulle”, pas forcément négative, mais loin de sa familiarité de toujours des rues de son village et dépossédé de sa pratique personnelle de sociabilité. J’allais chaque été lui apporter des cigarettes, ce qui serait sans doute défendu aujourd’hui. »
    Pour ma part, j’ai encore dans les oreilles ces paroles un peu répétitives qu’il nous lançait, quand assis sur le muret du puits face à la boulangerie, il guettait l’arrivée de la nouvelle fournée de pain : « Les poules vont pondre, y’aura du beurre… » séquelles psychologiques des privations que la guerre alors récente lui avait imposées.

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