Un texte de Jacqueline Texier
Dans la triade romane des églises de Melle, Saint-Hilaire, Saint-Savinien et Saint-Pierre, édifiées sur la voie de Tours «la Via Turonensis » du chemin de Saint-Jacques de Compostelle, je vais aujourd’hui m’intéresser à cette dernière et à ses tombes carolingiennes.


On peut découvrir dans cette église une importante collection d’épitaphes funéraires carolingiennes (6ème-10ème siècle). Deux d’entre elles ont été découvertes dès 1876 (aujourd’hui conservées au Donjon de Niort), puis un sarcophage fut découvert en 1971 et, enfin, une importante opération archéologique menée en 1992, lors de travaux d’assainissement du site par les monuments historiques, a permis de mettre à jour un nombre important de tombes dans ce qui était le cimetière médiéval au pied de l’église d’origine sur laquelle est édifiée l’église actuelle.


L’importance de ce site semble directement liée à l’exploitation des mines de plomb argentifère de Melle (dont le nom provient de Metullum ou Metallum faisant référence à un gisement de métal), qui a donné sa période de prospérité à l’époque carolingienne.

Le livret de présentation d’une exposition présentée en 2009*, conçue et réalisée par la Société archéologique et spéléologique du mellois et le Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (Université de Poitiers/CNRS) précise : « La mise en œuvre matérielle des inscriptions diffère suivant leur caractère plus ou moins officiel et leur fonction. Tracées sur des supports de taille et de qualité variables, elles présentent des écritures diverses, voire mixtes. Quant à leur composition textuelle, elle peut être très simple (quelques mots sur une pierre tombale) ou beaucoup plus élaborée, allant jusqu’au poème épigraphique long de plusieurs dizaines de vers.




La collection épigraphique de Melle est originale et exceptionnelle. Il s’agit quantitativement d’un des plus grands et importants ensembles datant de cette période à l’échelle de l’Empire. Pour la plupart parfaitement et intégralement conservées, les épitaphes présentent en outre une cohérence, qui les distingue des productions poitevines, tourangelles ou angevines de même époque, par leur apparence matérielle, leur taille, leur support, leur écriture, leur forme littéraire ».


Détail un peu frustrant pour un généalogiste, les épitaphes carolingiennes indiquent rarement l’année de la mort, seuls, le jour et le mois sont mentionnés pour célébrer la date anniversaire. Elles invitent à la prière pour le salut de l’âme du défunt. Les vivants prient pour ceux qui sont déjà morts en espérant que ceux qui leur survivront prieront pour eux.
Le livret précise encore : « L’efficacité de cet appel à la prière est évidemment limitée par l’incapacité d’une partie de la population à lire le texte… L’originalité graphique et textuelle des épitaphes de Melle suggère l’existence d’une petite société aristocratique qui possède non seulement la capacité d’écrire mais également un goût prononcé pour la création littéraire et l’évocation poétique. C’est donc un groupe de lettré, cultivé, doté d’une sensibilité particulière pour les lettres et les mots, dont les membres sont inhumés autour de l’Eglise Saint-Pierre ».

Si vos pas vous mènent à Melle, n’hésitez pas à faire un détour par l’Eglise Saint-Pierre, la moins connue des 3 églises, certes un peu à l’écart du centre, cachée en contre-bas de la ville. Outre ces pierres tombales exceptionnelles, elle recèle des chapiteaux intéressants, un très beau tabernacle du 17ème ainsi que d’autres particularités dont je vous parlerai ultérieurement.