C comme Cordier & Châtelier : à la découverte de trois femmes photographes méconnues

Un texte d’Albéric VERDON

À l’origine de cet article, il était prévu de présenter en miroir deux photographes de Parthenay dont les noms de famille commençaient par la lettre C, un homme et une femme et notamment celle dite « la veuve Châtelier ». Les femmes photographes étaient rares et nous avons eu la surprise de découvrir, avec l’aide précieuse de Julie Redon[1], que sous une appellation commune se cachaient en réalité trois femmes : mère, fille et petite-fille. Dès lors, les découvertes effectuées ont dépassé le cadre originel de cet article. Une étude plus approfondie sera donc publiée par ailleurs en lien avec un projet d’exposition au musée de Parthenay.

La photographie révolutionne la vie parthenaisienne à partir des années 1860. L’image vient supplanter des arts graphiques comme le dessin, la gravure, la lithographie, la sculpture, la peinture, etc. Le premier photographe avéré à Parthenay est M. Bruère, et c’est un itinérant qui s’installe près du Champ de Foire de l’époque (actuelle place du 11-Novembre) en 1861. Il fait des portraits photographiés au système Américain, procédé infiniment plus avantageux que les autres, à cause de sa finesse et de son miroitage. Il ne reste à Parthenay que peu de temps, revenant pour des périodes d’une quinzaine de jours. Il fait aussi des portraits coloriés. En 1862, c’est M. Bourgoin, de Niort, qui vient tous les mercredis réaliser des portraits. Puis en 1864, M. Lasbareilles ouvre un atelier temporaire dans l’actuelle avenue Mendès-France. Il faut attendre 1870 pour que Camille Rabourdin installe un véritable atelier de photographie à l’actuel n° 30 de l’avenue du Général-de-Gaulle. D’autres photographes vont suivre, professionnels, comme Alphonse Châtelier, ou amateurs, comme Eugène Cordier.

Ces deux photographes vont s’installer côte à côte tout près de l’actuel rond-point Cordier, à l’entrée de la rue du Bourg-Belais et de l’avenue du Général-de-Gaulle, dans l’ancienne maison Amirault qui avait été un relais de poste. Alphonse Châtelier est le mari de notre première femme photographe.

Cette photo d’Eugène Cordier, prise le 28 août 1919, montre la famille Châtelier devant leur boutique. L’homme, avec son canotier, est Alphonse, la femme qui est derrière est Marcelline Pillac, la future « veuve Châtelier », et la jeune femme, à peine visible, est Andrée qui avait alors 15 ans. (Collection Yves Drillaud).

Eugène Cordier

Commençons par un photographe emblématique de Parthenay, Eugène Cordier, sur lequel nous ne nous attarderons pas car il a déjà fait l’objet de plusieurs études[2].

Né le 5 septembre 1862 à Paris, Pierre-Louis-Alphonse dit Eugène Cordier suit de solides études qui lui permettent de devenir pharmacien, et il découvre Parthenay à l’occasion d’un remplacement en 1889. Il y rencontre une jeune veuve, Marie-Suzanne Renaudeau (1862-1952) qui devient sa femme.

Eugène Cordier remplace le pharmacien Séchet en face de l’église Saint-Laurent en 1890 et se lance dans la production de cartes postales vers 1900. Il s’installe en juin 1910 dans l’ancienne maison Amirault.

Dès son installation à Parthenay, Eugène Cordier comprend l’intérêt de la publicité pour promouvoir les produits pharmaceutiques, des produits vétérinaires, mais également du matériel d’optique ou photographique.

Mais c’est son talent de photographe et la multiplicité de ses thèmes photographiques qui vont le faire connaître et l’ancrer dans la mémoire historique de Parthenay.

« Ses clichés témoignent d’un réel talent artistique de par la diversité des thèmes, le cadrage, certaines mises en scène, etc. ». Ses photographies témoignent avec émotion de la vie locale d’alors sous une approche multi-thèmes : familiale, sportive, politique, journalistique… Il décède le 16 octobre 1927.

Marcelline Pillac, Andrée Châtelier et Christianne Grassin

La lignée des photographes Châteliers commence avec le père François-Pierre-Alphonse Châtelier qui naît à Béceleuf le 3 février 1871. En 1890, il officie comme coiffeur à Paris, exerçant ainsi le même métier que son père, et il change étonnamment fréquemment d’adresse. Le 14 février 1898, étant veuf d’Alice-Louise Conseil depuis le 11 mai 1897, il épouse à Champeaux Marceline-Hortense Pillac qui naît à Secondigny le 24 décembre 1875, fille de Jean-Aimé et d’Héloïse Charron. Le 2 décembre de cette même année 1898, naît à Champeaux Robert-Marcel dont on ne connaît pas le devenir. Le couple se trouve ensuite à Paris en mai 1899. Leur fille, Andrée-Aimée-Joséphine, naît le 3 mai 1903 dans le 6e arrondissement. Le père est alors chauffeur et la mère sans profession.

La famille est installée à Parthenay, immeuble Amirault, avant le 15 octobre 1909, le père étant dès lors photographe d’art, sans que l’on puisse savoir de quelle manière il s’était formé. Il est à peu près certain que Marceline Pillac l’aide et qu’elle le remplace lorsqu’il est mobilisé. Après guerre, la maison Châtelier est spécialisée dans les portraits sur porcelaine que l’on rencontre sur les monuments funéraires de cette époque, et elle est la seule sur Parthenay et Bressuire.

Au décès du père le 24 février 1925, Marceline et sa fille Andrée prennent la direction de l’atelier de photographie. Puis elles achètent l’immeuble qui hébergeait le bureau de la Banque de France, actuel n° 5, avenue du Général-de-Gaulle, et elles y installent leur studio.

La maison Châtelier, avec Marcelline à sa tête, est un des trois ateliers de photographie qui vont exister à Parthenay selon les annuaires de 1928, 1931, 1947, et il n’y a même plus qu’elle et M. Luck en 1947.

La compétence artistique de Marcelline Pillac et son excellent travail en font sa notoriété, à tel point qu’elle doit faire paraître l’article suivant dans les journaux de 1930[3]  : « Mme veuve CHATELIER, photographe, avenue de la Gare, Parthenay, prévient sa fidèle et nombreuse clientèle de se méfier des courtiers-voyageurs et soi-disant photographes, qui vont dans les campagnes en se servant de son nom pour se faire donner de l’argent, garder des photographies précieuses et ne livrer aucun travail par la suite ».

Dans les années 1930, des publicités et des factures portent l’appellation Vve Châtelier, puis ce sera seulement le nom Châtelier, signe probable que sa fille Andrée Châtelier exerce à ses côtés. Marcelline Pillac décédera le 5 octobre 1952.

Andrée Châtelier va exercer dans l’ombre de ses parents et ce n’est qu’à l’occasion de son mariage le 16 juillet 1930 avec Gabriel-Marie-Joseph Grassin, qu’elle sera qualifiée de photographe. Elle a cette même profession lors de la naissance de sa fille Christianne le 26 juin 1931.

Baignée dans l’univers de la photographie artistique, Christianne va suivre les pas de sa mère et de sa grand-mère. Alors qu’elle n’a que 15 ans, et que sa mère est dite sans profession, elle est recensée comme photographe en 1946 avec sa grand-mère. Le 9 juillet 1955, elle épouse à Paris Jean-Claude-Lucien Charrier, vétérinaire, et elle semble dès lors ne plus pratiquer la photographie professionnelle.

Andrée Châtelier déplace son studio au début de la rue-Jean-Jaurès en 1957 sous l’enseigne Photo Star, puis elle le cède rapidement à Jean-Robin.

Andrée Châtelier, artiste photographe et seconde femme photographe de Parthenay, s’éteindra le 8 janvier 1997 et sa fille Christianne le 31 janvier 2010.

Si l’œuvre artistique de la famille Châtelier est, selon quelques spécialistes, d’inégale valeur, nos trois femmes photographes n’en n’ont pas moins profondément marqué la société parthenaisienne. Il suffit d’interroger la mémoire collective des anciens Parthenaisiens et Parthenaisiennes pour mesurer la renommée de ce studio.


[1] Nous remercions tout particulièrement  Julie Redon, des Archives municipales de Parthenay, qui a largement contribué à la richesse de cet article et nous a ainsi permis de retracer l’histoire des « femmes Châtelier ».

[2] Nous utilisons principalement Cent vues, sans paroles, catalogue d’exposition, musée de Parthenay, 2003, p.11.

[3] Extrait du journal Le Petit Gâtinais.

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