E comme Épreuves

Un texte de Marc BOUCHET

Cette vieille dame est mon arrière-grand-mère Julie GAUTIER (écrit aussi GAUTHIER). On ignore la date à laquelle a été prise la photo. Il n’y a pas de doute qu’elle était déjà très âgée lorsqu’elle a posé pour le photographe. Elle est décédée le 14 avril 1938 à La Boissière-en Gâtine. Si dans sa vie elle connut de grands moments de joie elle a subi aussi bien des épreuves :  le décès prématuré  de certains de ses petits-enfants  parfois brutal de certains de ses enfants et de ses gendres.

Julie est née  au village de la Férolière, à la Boissière-en-Gâtine, le 27 avril 1850, son père Jacques est décédé au même lieu, quelques mois auparavant, le 30 septembre 1849, âgé de 71 ans.

Sa mère est Françoise GOUBEAU, âgée de 46 ans, dame de confiance chez  monsieur ALLARD, maire de la commune.
Julie a deux sœurs Marie-Aimée et Prudence.
Julie a épousé Marc BOUCHET, meunier au Moulin-Gaillard de La Boissière-en Gâtine. Un contrat de mariage a été passé devant Me ALLARD de Verruyes, le 27 juin 1872. Chaque futur époux apporte une dot de 2 000 francs.

De cette union naitront 10 enfants, quatre garçons et six filles mais une fille, Prudence, décèdera en bas âge, à l’âge de 1 an et demi. (première épreuve pour Julie). La voici entourée de ses enfants et petits-enfants. Mon grand-père est au fond à droite.

Cette photo a été prise à l’occasion d’un mariage d’un des quatre garçons, en 1908 ou 1909. Sans doute celui d’un de ses fils, Gabriel, situé à droite avec son chapeau et ses gants.

Les épreuves se succèdent dans la vie de Julie. Marc BOUCHET, son époux décède brutalement le 6 janvier 1895. Pour Julie, ce décès est une véritable épreuve puisqu’elle reste seule avec ses enfants. Seul Honoré, l’aîné est majeur. Le 2 avril 1895, devant le juge de paix de Mazières- en-Gâtine, un conseil de famille se réunit pour nommer un tuteur aux enfants mineurs. Pierre BOUCHET, meunier à Échiré, frère du défunt Marc, remplira  cette fonction.

Une de ses filles Berthe avait épousé Firmin MASSON, le 18 novembre 1913, à La Boissière-en-Gâtine. Celui-ci est tué dès le début de la grande guerre, le 12 septembre 1914.

Le 14 janvier 1920 décède Emmanuel BOUCHET, un autre enfant à la Roche-Marot, sa veuve Marie Germaine JAULIN et Julie GAUTHIER viennent faire la déclaration de succession au bureau de Mazières-en-Gâtine, le 12 avril 1921, la première comme usufruitière et la seconde comme héritière et se portant fort pour ses cohéritiers, c’est-à-dire les frères et sœurs dudit Emmanuel. La succession d’Emmanuel a droit à la reprise d’une somme de 888 francs 89 centimes, formant le huitième de la vente de la Fouquetière, soit 16 000 francs, les meubles non assurés sont évalués à 910 francs, le  demi de l’actif est de 10 francs 56 centimes. Acte passé devant Me BOBIN, le 30 mai 1920, transport par Julie GAUTHIER, héritière pour un quart de son fils Emmanuel BOUCHET, décédé à la Roche-Marot, le 14 janvier 1920 à Marie Germaine JAULIN, en famille Gabrielle, des droits mobiliers que la cédante a dans ladite succession  à charge d’acquitter toutes les dettes et charges de la succession, évaluées à 25 francs et moyennant un forfait payé de 20 francs, total : 225 francs.

Lors du mariage d’un de ses fils Emmanuel, en 1913, à La Boissière, une photo de famille a été prise. Julie est à gauche entre une de ses belles-filles et son fils Honoré. Mon grand- père Louis-Auguste est à droite sur la photo. Marie-Hélène, ma grand-mère est absente, étant enceinte de mon père. Marie, la fille dans les bras de Louis-Auguste décède le 12 mai 1916.

Marie-Louise, veuve de Léon BERNELAS, décédé le 30 décembre 1914 à Mazières-en-Gâtine, décède le 14 avril 1935. Elle avait été secrétaire de mairie de La Boissière-en-Gâtine et porteuse de dépêches.

Mon grand-père et ma grand-mère décèdent en 1936, Marie-Hélène le 24 janvier et Louis-Auguste le 1er mai, ce qui est une épreuve de plus pour cette femme âgée de 86 ans.

Julie est aussi une femme de tête, épaulée par l’aîné de ses enfants, Honoré, elle va administrer les affaires de la famille.
Par exemple en 1898, elle acquiert par adjudication une borderie à Verruyes. (Réf. Notaire Me BOBIN). Elle est présente à la signature des baux des différents moulins pris à ferme avec ses enfants. Mais elle ne signe pas, ne sachant ni lire ni écrire. Par exemple le 15 octobre 1903, elle est présente à la signature du bail par Louis NIVEAU du moulin de la Gobinière.
Elle participe à son niveau à la vie locale.
Le 8 septembre 1920, elle donne 3 francs à la souscription organisée par la mairie de La Boissière-en-Gâtine pour édifier un monuments aux morts de la Grande Guerre.
Julie était une chrétienne pratiquante, elle était membre de la confrérie des mères chrétiennes de sa paroisse. (archiconfrérie des mères chrétiennes). Réf. Archives paroissiales de La Boissière-en- Gâtine.)

Elle s’était retirée chez sa fille Berthe dans une maison du bourg de La Boissière-en-Gâtine. C’est la première maison visible sur la dernière photo qui touche le porche de l’église. (Réf. 36 FI 206. Archives départementales 79).

Julie est décédée le 14 avril 1938, dans sa maison du bourg de La Boissière-en-Gâtine. La déclaration de décès a été faite par Honoré, son fils aîné, sur lequel elle s’était beaucoup appuyée au cours de sa vie.

Berthe BOUCHET veuve MASSON, sa fille, vient faire la déclaration de succession. Les héritiers sont tous ses enfants vivants, Léon BERNELAS étudiant ecclésiastique, 10 rue de la Trinité à Poitiers, petit-fils par représentation de Marie Louise BOUCHET, sa mère, René, Régine et André BOUCHET, par représentation de Louis Auguste Bouchet, leur père, décédé. La succession comprend uniquement des meubles et des objets mobiliers, non assurés contre l’incendie, décrits et détaillés à l’état mobilier sur timbre, annexé à la déclaration. La valeur des meubles est de 375 francs et les autres objets mobiliers est de 330 francs soit un total de 705 francs, revenant pour un huitième à chacun des enfants et au petit-fils Léon BERNELAS et pour un vingt-quatrième à chacun des petits-enfants BOUCHET. Déclaration faite le 12 décembre 1938. Alors qu’au décès de son mari, un inventaire après décès avait montré que la famille disposait de moyens substantiels, Julie ne disposait sur ses vieux jours que de modestes moyens.

6 commentaires sur « E comme Épreuves »

  1. Merci Marc pour ce récit qui montre s’il en était besoin le travail et la vie de la plupart des femmes de cette époque : mariage, enfants, guerre, deuils, obligation de gérer les biens et se retrouvant à la fin de leur vie sans ressources ou si peu. Nous ne devons pas les oublier !

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  2. Beaucoup de nos ancêtres ont vécu de telles épreuves. Comment ont-ils fait pour survivre à cela ? Nous qui avons des vies beaucoup plus douces, avons sans doute beaucoup moins de résilience.

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