I comme Image pieuse

Un texte de

Un texte de Claudy GUERIN

Entre tiroirs, portefeuilles et boîtes à chaussures, les amateurs de généalogie ne manquent pas de ressources qui peuvent parfois réserver de belles surprises.

L’image pieuse dormait là au cœur du missel depuis bien des années. Je n’ai jamais eu l’idée de la retirer de cette étreinte pensant il s’agissait d’une des nombreuses images que j’avais plaisir à regarder enfant lorsque j’accompagnais ma mémé à l’église le dimanche et qu’elle me confiait son missel : il fallait être sage.

Image austère entourée d’un liseré noir où reposent trois petits textes nous invitant à la prière. « O vous que nous avons tant aimés… » « Ne dites pas : ils sommeillent… »

Ce pluriel m’engage à retourner le petit papier. Quelle ne fut pas ma surprise de voir le feuillet s’ouvrir formant ainsi comme un petit livre.

Deux visages reposaient là. Lui à gauche, Augustin-Hyacinthe Texier, son épouse sur la page de droite, Rosalie Gerbier.

Au-dessous de chacun d’eux, la date et le lieu de naissance suivis de la date et du lieu de décès. Entre la photographie et le nom, une invitation : « Souvenez-vous devant le Seigneur de l’âme de… ». Pour le généalogiste, c’est tout simplement Byzance !

Dates, lieux et portraits de deux personnes nées l’un en 1851 et l’autre en 1857 !

Je prends le précieux papier et m’interroge alors sur l’origine de sa présence dans le bréviaire.

Des recherchent s’imposent…

Nés tous les deux à Saint-Pardoux-en-Gâtine (sic) je m’empresse d’interroger les archives de notre département. Augustin-Hyacinthe est né le 22 novembre 1851 de Baptiste Texier, jardinier à la Salinière de Saint-Pardoux et de Marie Jeanne Fazilleau son épouse. Quant à Marie Madeleine Rosalie, quatrième d’une grande fratrie, elle voit le jour le 9 octobre 1857 au Grand Baussais, fille de Louis Gerbier et Marie Louise Vignault.  Le jeune couple se marie le 7 mai 1878, il a 27 ans et Rosalie 21.

En février 1879, à La Salinière, naît Marie Fanny Augustine suivie de près de Marie Louise Thérèse en décembre 1880. Les deux petites filles meurent toutes les deux à 6 jours d’intervalle en septembre 1883, peu de temps avant la naissance d’Auguste Marcellin, qui se mariera à Paris et sera plus tard menuisier d’art. En 1885, c’est au tour de Marie Louise de voir le jour. En 1912 au bourg, elle épouse Hilaire Morisset d’Allonne. Celui-ci meurt peu de temps après la déclaration de la guerre, le 13 septembre 1914 dans la forêt de Champenoux à Laître-sous-Amance en Meurthe-et-Moselle : il a 27 ans. Il aura juste eu le temps de voir naître Hilaire son fils en octobre 1913. Arrive ensuite Charles Jean Baptiste qui, il faut en convenir, me pose encore des problèmes…Il apparaît le 26 juin 1890 sur son acte de naissance et sur le recensement de Saint-Pardoux en 1891, il a alors 8 mois et …plus rien. Ni acte de décès, de mariage, ni présent aux autres recensements, point de fiche matricule, ni de présence dans les tables de successions. Vraisemblablement décédé enfant, mais où ?

Paul Théodore naît quant à lui en juin 1892 et suivra le même destin que son beau-frère Hilaire Morisset : il meurt à Ypres, le 25 octobre 1914. Il a 22 ans.

Suivront ensuite Léon André en 1896 et Auguste Charles Léon en 1898.

Léon se mariera dans la Vienne, sera agent comptable et agent de police et décédera en 1978 dans l’Aude.

Pour l’heure, je ne vois pas bien le lien de cette famille avec la mienne.

Reste le plus jeune Auguste, que je ne trouve point marié. À la lecture de sa fiche matricule de 1918, je lis qu’il est étudiant en théologie…et curé ! Bien sûr, Auguste Hyacinthe et Rosalie sont décédés au presbytère de Saint-Jouin-de-Marnes, sans doute chez leur fils. Je consulte le recensement de 1932 de cette commune et, place de l’église, je note la présence d’Auguste Texier, curé, et de ses deux parents.

L’église de Saint-Jouin-de-Marnes

Ce travail basique effectué, il me reste à comprendre la présence de cette image dans le livre de messe. Certes il était fréquent autrefois que soit distribué images pieuses et prières lors de kermesses ou d’obsèques mais n’ayant aucune parenté avec cette famille, je m’interroge. L’abbé Texier n’a pas officié sur la paroisse de Saint-Pardoux.

J’entreprends alors des recherches auprès de quelques Saint-Pardousiens de mes connaissances. Rien de mieux que le collectage ! « L’abbé Texier ? Il est enterré au cimetière de Saint-Pardoux ». Bien sûr je m’y rends toute affaire cessante. La tombe imposante de marbre noir parle peu et me livre ce que je sais déjà. Seule une petite plaque claire «  Abbé Auguste », « A notre cousin ».

Par le plus grand des hasards – mais le hasard existe-il vraiment – je rencontre une de mes cousines éloignées, elle aussi férue de généalogie. Je lui confie mes recherches actuelles sur cette famille Texier. « Le parrain de ton pépé, n’était-il pas prêtre ? » J’avais oublié les parrains et marraines !  Mais était-ce bien le dernier de cette fratrie, alors âgé de 11 ans à qui l’on avait demandé d’être le parrain de mon  aïeul ?

Le lieu de vie de la famille Texier, La Salinière de Saint-Pardoux, cadre plutôt bien. Le père, Auguste Hyacinthe, tout comme son père, était jardinier au château du même nom et mes ancêtres y étaient effectivement fermiers avec les familles Martin, Dallet, Pillac.

Le château de La Salinière où Hyacinthe, comme son père, fut jardinier.

Une autre recherche s’impose alors : celle des registres du diocèse.

Consulter les actes de baptême oblige un déplacement à Poitiers, c’est du moins ce que je crois. J’appelle alors une des bénévoles de ma paroisse qui me conseille de consulter Le catalogue commun sur Internet, lien qui s’ouvre sur les archives diocésaines de Poitiers. Les archives des paroisses des Deux-Sèvres et de La Vienne ont été en partie triées, rangées, cataloguées par des bénévoles sur les recommandations des archives diocésaines et sont consultables en paroisse. Charge à nous de noter la cote. Rendez-vous est donc pris avec une bénévole à Mazières-en-Gâtine où je vais découvrir les actes de baptême de ma famille paternelle. Sur celui de mon pépé, je découvre la signature de son parrain.

Ainsi donc Auguste Hyacinthe et Rosalie, qui dormaient ensemble dans le saint livre, sont les parents d’Auguste Texier qui sera plus tard ordonné prêtre à Poitiers le 17 juin 1923 et qui ce 13 août 1909 est devenu le parrain de mon grand-père. Il est alors âgé de 11 ans.

Après un échange avec une personne des archives diocésaines, je peux constituer sommairement le parcours du prêtre.

Il est nommé vicaire aux Aubiers en 1923 et à Secondigny en 1927.

Il sera ensuite curé à Saint-Maixent-de-Beugné en 1928 et curé à Saint-Jouin-de-Marnes en 1932 où sont décédés ses deux parents. En 1941, il est nommé curé à Couhé-Vérac dans la Vienne et curé à Montierneuf en 1947.

Aumônier auxiliaire à l’Hôtel-Dieu à Poitiers en 1963, il prendra sa retraite en 1980.

Il décèdera le 27 janvier 1986 à Poitiers. Il repose désormais dans le cimetière de Saint-Pardoux avec ses parents, non loin de mes arrière-grands-parents.

Ainsi, cette petite image secrètement gardée a révélé toute une histoire.

Peu de temps après cette découverte, j’ai pu obtenir, grâce à l’une de ses petites cousines, la photographie de l’abbé Texier.

Remerciement à Micheline Brunet, Louisette et Marie-Paule Guyon
Cartes postales : collection personnelle

5 commentaires sur « I comme Image pieuse »

  1. J’apprécie beaucoup ce genre de recherche…Nous n’y sommes pas obligés, mais elles nous procurent tellement de joie, d’occasions de contacts, de découvertes de lieux et d’événements qui nous ont fait tels que nous sommes…Et c’est ici très bien raconté…Merci.

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