B comme Baronne de la Porte de Puyferrat

Un texte de Michel Grimault

Les anciens de la commune de Chauray, et plus particulièrement ceux du village de la Roche, connaissaient tous quelque anecdote concernant la baronne qui avait habité le château autrefois, une femme dont la personnalité et les actions avaient profondément marqué les esprits.

Alexandrine Henriette Léontine Coumeau est née à Cours le 14 octobre 1837, au domicile de sa grand-mère, comme cela se faisait souvent autrefois. Son père, Jacques Coumeau, était marchand. Il avait épousé Victoire Alexandrine Gusteau en 1835 et le couple habitait Niort. Jacques Coumeau était propriétaire et conseiller municipal de la ville de Niort lorsque Léontine, qui avait près de vingt-et-un ans, épousa Pierre Amédée Godin, âgé de quarante-huit ans, le 7 septembre 1858 à Niort. Ils étaient cousins avec une génération d’écart, car elle avait pour grand-mère paternelle Marie Désirée Godin, sœur du père de son époux, Pierre Venant Godin. Ce dernier, épicier fortuné de Niort, avait acheté le château de la Roche de Chauray et les terres qui en dépendaient lors d’une vente aux enchères à la bougie, le 31 décembre 1821.

Pierre Venant Godin est décédé à Niort le 9 octobre 1833, laissant Pierre Amédée comme héritier. Celui-ci est venu habiter au château de la Roche en 1835 avec quelques domestiques. Désormais Chauraisien, Pierre Amédée proposa, en 1857, de mettre fin à un litige foncier ayant autrefois opposé son défunt père à la commune de Chauray, en échange de quoi, il faisait donation à celle-ci d’un terrain pour l’établissement d’un nouveau cimetière communal pour lequel la municipalité recherchait un emplacement.

Léontine vint habiter le château de la Roche avec son époux et les serviteurs de celui-ci. Pierre Amédée Godin avait complété le domaine de la Roche, autrefois propriété de Charles Louis Duchilleau, de vieille noblesse et officier de marine, par d’autres exploitations alentour. Il était, de beaucoup, le plus imposé de la commune car le plus riche, et y avait une influence certaine, ne serait-ce que par l’autorité qu’il avait sur les gens qui dépendaient de lui, métayers et bordiers de ses exploitations. À partir de 1853 jusqu’à sa mort, Pierre Amédée Godin fut conseiller municipal, même s’il fut peu présent la dernière année pour cause de maladie.

Le G de Godin et le C de Coumeau, enlacés avec le L de Léontine, sur la grille en fer forgé du château

Pierre Amédée Godin décéda à Niort le 25 février 1881. Le curé Ragot ayant l’intention de restaurer l’église Saint-Pierre de Chauray, Léontine, lui fit un don de 10 000 francs, avec semble-t-il l’intention de faire inhumer son défunt mari dans la chapelle latérale. L’adjudication n’avait pas encore eu lieu lorsque le scandale éclata. Le préfet fut informé que la fabrique (il s’agit du conseil de fabrique, chargé de l’administration de l’église paroissiale) aurait autorisé la construction d’un caveau dans la chapelle, au profit de la famille Godin, principale donatrice ! Non seulement le caveau n’était pas prévu dans le devis mais, de plus, les inhumations étaient interdites dans les églises. Interrogé à ce sujet, le curé apporta un démenti formel et expliqua qu’on avait seulement extrait des pierres pour la construction. Pour en avoir le cœur net, le préfet diligenta un agent voyer sur les lieux. Celui-ci constata l’existence d’une excavation d’environ 4 mètres de profondeur ayant pour conséquence de tripler le coût des fondations alors que les pierres extraites étaient impropres à la construction. Comme il n’y avait pas de commencement de maçonneries et devant les dénégations vigoureuses du curé, on ne put prouver qu’il ait eu le projet dont on le soupçonnait. L’affaire en resta là, mais aucun caveau ne fut construit dans la chapelle.  Alexandrine Henriette Léontine Coumeau, veuve Gaudin, qui tenait à laisser son empreinte dans l’église dont elle avait financé la restauration, fut la marraine de la cloche installée en 1878, baptisée Henriette Pauline, le parrain étant Paul Frappier, maire et président de la fabrique de Chauray.

L’église de Chauray, après sa restauration par le curé Ragot

Ayant hérité de son défunt mari, Léontine prit en main la gestion du domaine, lequel comprenait alors à Chauray les métairies de Chaillé, du Deffend, du petit Deffend, du Bourgneuf, du Poteau, du Sailier, de la Chapellerie, de la borderie de la Doucelinière, et à Niort, celle de Saint-Martin. Il y avait là de quoi occuper la solitude de son veuvage. Elle se révéla une active et excellente gestionnaire. Soucieuse du bien-être de ses fermiers, elle fit démolir et reconstruire la plupart des bâtiments de ses métairies. Elle fit même déplacer celle du Bourgneuf, à l’origine voisine du château, en la reconstruisant sur une parcelle à l’ouest de la route de François, afin de dégager les abords du château et d’y aménager un parc boisé. C’est également à la même époque que fut construite la serre du château.

La veuve Godin ne resta pas seule très longtemps, car elle épousa le 29 mars 1883 à Chauray Ludovic Gaston Jules de la Porte de Puyferrat, noble désargenté mais pouvant s’enorgueillir du titre de baron. Contraint de travailler faute de fortune personnelle, le baron exerçait alors le métier d’inspecteur d’assurance pour le compte de la compagnie La Nationale. Il demeurait à Lorient où il était né le 3 avril 1844. Il avait donc presque sept ans de moins que son épouse.

Cette union ne fut certes pas un mariage d’amour, mais chacun y trouvait son compte. La dame Coumeau devint baronne en même temps que le baron redorait son blason. Ainsi dispensé de gagner sa vie à la sueur de son front, il parait que le noble époux préférait courir la gueuse dans la capitale plutôt que de se morfondre dans le château provincial de son épouse. Ludovic Gaston Jules de la Porte de Puyferrat décéda à Bordeaux le 14 décembre 1889.

Léontine Coumeau, baronne de La Porte de Puyferrat, s’est éteinte le 19 novembre 1921, à Niort.

Un commentaire sur « B comme Baronne de la Porte de Puyferrat »

  1. Ah les hommes ! Quelle idée aussi de s’approcher « de la Porte » pour accueillir un jeune mari ! La messe était dite rien qu’en lisant le patronyme. Pauvre Léontine ! Merci à Michel pour lui avoir donné une seconde vie !

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